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Le mariage de la carpe socialiste et du lapin centriste (suite)

Publie le dimanche 28 août 2005 par Open-Publishing
9 commentaires

de Hélène

1) Le mariage de la carpe socialiste et du lapin centriste (par Hélène, Bellaciao, 29/05/05)

A entendre, le soir du référendum, les interventions télévisées de F .Hollande et de F. Bayrou, il se confirme ce que l’on pressentait déjà, c’est-à-dire qu’il se profile à gauche (mais est-ce vraiment à gauche ?!) une recomposition importante pour les semaines et mois à venir.

On a pu entendre, en effet, ces deux partisans du oui condamnant d’une même voix le gouvernement UMP et sa politique pour expliquer la défaite du oui ; tous deux parlaient d’innovation à venir dans les moeurs politiques ; les « barons » de F.Hollande (D.Strauss-Kahn, J.Lang) enfonçaient le clou en tapant à bras raccourcis sur l’extrême-gauche et ceux de F. Bayrou (G.de Robien) sur la droite classique...

L’annonce prochaine de fiançailles ne devrait donc pas nous surprendre : le calcul est en effet politiquement habile.

Quel est l’état des lieux ?

La droite classique (J. Chirac et ses séides Raffarin, Juppé, de Villepin) n’est plus crédible : elle va prochainement être remplacée par une droite plus musclée (N.Sarkozy) affichant sans complexes son ultra-libéralisme et son atlantisme, et que les électeurs modérés hésiteront à installer au pouvoir ; les socialistes viennent objectivement de se scinder en deux camps, les sociaux-démocrates "réformateurs" acceptant et accompagnant le capitalisme (il y avait déjà quelque temps d’ailleurs que les socialistes avaient annoncé que « leur projet n’était plus socialiste » (L. Jospin), d’une part, et les socialistes sur la ligne historique du PS, partisans du non à ce référendum, d’autre part. La position de L. Fabius est atypique : on peut penser que ce politique, étant donné la contradiction entre son passé et ses positions actuelles, ne « roule » que pour lui-même.

Par ailleurs, on peut s’attendre à ce que les « bien-pensants » du oui vert (D. Voynet, L. Mamère) tiennent la chandelle à ce mariage au centre (puisque la France se gouverne au centre, parait-il) et qu’ils en attendent quelques prébendes.

Dans ce calcul dont l’on peut soupçonner les états-majors de l’UDF (voir ci-dessous) et du PS (la situation ne devrait pas tarder à se clarifier), l’extrême-droite et l’extrême-gauche, inconciliables et que l’on s’emploiera à déconsidérer totalement, ne pèseront d’aucun poids ; les socialistes « historiques » seront marginalisés, comme l’a été J.P.Chevènement en son temps.

Et nous aurions dans deux ans en France le gouvernement "blairiste" nécessaire à la poursuite des affaires et à la construction de l’Europe libérale que ces deux courants appellent de leurs voeux.
Joli tour de passe-passe, non ?

Il reste que l’ampleur du non de gauche et la re-politisation des Français ont surpris ces « machiavels au petit pied » et ne rentrent pas dans leurs calculs. Là est peut-être la chance du peuple de gauche d’échapper aux tenailles préparées pour le saisir. Encore faudra-t’il la saisir rapidement : deux ans, c’est bien court...

2) « Pourquoi M. Bayrou dit « non » à son entrée dans le gouvernement » (Le Monde (31/05/05)

« Le vote des Français représente tout de même un échec pour M. Bayrou, qui s’était fortement impliqué dans la campagne en faveur du oui. "Tout le monde est sanctionné, convient-il, mais je suis le premier à avoir défendu la Constitution. On s’est battu jusqu’au bout." Cette défaite lui permet malgré tout de rêver à ce grand pôle social-démocrate qu’il a toujours appelé de ses voeux. Pariant sur une éventuelle implosion du PS, M. Bayrou aimerait récupérer les lambeaux d’un parti qui s’est déchiré pendant la campagne du référendum, pour créer un grand mouvement "allant de Delors à Balladur . Avec, à sa tête, François Bayrou. »

3) La bourgeoisie a toujours plusieurs fers au chaud (Hélène, 01/06/05)

Et voyez comme les choses sont bien faites, dans « le meilleur des mondes » capitalistes possibles, les Français qui ont voté massivement NON, en 2005, à une constitution européenne ultra-libérale, auraient le choix en 2007 entre l’ultra-libéral Sarkozy, représentant la droite dure, et un représentant du regroupement social-démocrate UDF /droite du PS (Bayrou/Hollande/Strauss-Kahn, Aubry, au choix), rééditant le même coup politique que J.Chirac en 2002 : agiter la marionnette du méchant loup (Sarkozy, cette fois-ci), pour que les suffrages des gens de gauche se réfugient sur le social-démocrate présenté.
On peut imaginer, bien sûr, une triangulaire avec un représentant de la vraie gauche au premier tour, mais quel personnage pourrait réunir tous les suffrages populaires de gauche sur son nom, et aurait-il suffisamment de voix pour être présent au deuxième tour ?
Au cas où tout marcherait selon les vœux des sociaux-démocrates, ils seraient en place en 2006, au moment où la question de l’adoption du TCE par l’Union Européenne se posera définitivement, pour faire passer (cette fois-ci au Parlement) le texte (à peine relooké, en accord avec leurs compères européens).

4) « L’autre rupture suggérée par M. Bayrou porte sur le classique clivage droite-gauche. Répondant au socialiste Bernard Kouchner, qui s’est dit prêt à discuter avec l’UDF sur la création d’un parti susceptible de rassembler centristes de droite comme de gauche, M. Bayrou a estimé qu’il fallait "sortir des frontières actuelles, ne pas se rallier à des camps mais créer une force nouvelle". "Pour moi, toute démarche de rassemblement avec des gens, même d’horizon différent mais qui veulent la même chose, est bonne et je ferai tout ce que je peux pour qu’elle ait lieu", a-t-il dit. Il a cependant refusé de dire avec qui, à gauche, il était éventuellement prêt à faire équipe. »
(Le Monde, 28/08/05)

Messages

  • Un vieux socialiste en âge et en ancienneté m’avait dit en raccourci il y a quelques semaines "les socialistes (il pensait à ceux du oui) se préparent à coucher avec le MRP" !

  • L’analyse me semble excellente y compris sur l’appréciation faite sur Fabius mais en soulignant une caractéristique des comportements humains : chaque humain « roule » un peu ou beaucoup ou passionnément pour lui en politique ou ailleurs qu’en politique !
    Aucun humain n’est fait que de pur altruisme !
    Tout dépendra donc à mon avis du degré d’union ou de désunion des hommes politiques du « non de gauche ».
    Si chacun fait la fine bouche en considérant que le voisin n’est pas aussi « bon » que lui et sera par conséquent un mauvais compagnon de route le mariage carpe socialiste et lapin centriste sera consommé et enfantera un monstre.
    L’occasion donnée par le vote non à la TCE ne se représentera pas avant longtemps et nous serons partis pour un blairisme grandeur européenne (le monstre) avec en sus une démobilisation et un écœurement des citoyens qui s’étaient mobilisés à l’occasion du référendum.
    Le danger majeur d’un échec du camp du non de gauche est d’abord en son sein, dans le comportement de ses membres les uns vis à vis des autres.

  • l analyse est pertinente ; en revanche pour le titre je prefere dire :
    Le mariage de la carpe socialiste et de la carpe centriste

  • il manque une chose dans cette analyse je trouve. il y est suggéré que le projet de TCE au final sera représenté devant le parlement "à peine relooké" pour être adopté en trois coups les gros.
    ce serait faire un sacré bras d’honneur aux 55 % d’électeurs qui ont dit non. imagine - t - on après ça que les élécteurs restent sans réaction ... ?

  • nico ... mon petit sarko ... ne te laisses pas déborder par ton tempérament fougueux et t’auras un boulevard devant toi. toi t’as tout compris ... l’électeur ça se séduit, l’électeur c’est la foule.
    on nous dit les anglais sont pas dupes ... peut - être, mais ils élisent blair ...
    on nous dit les ricains sont pas dupes ... peut - être, mais ils élisent bush ...
    on nous dit les allemands sont pas dupes ... peut - être, ils vont voter merkel ... ?
    on nous dit les espagnols sont pas dupes ... peut - être, mais ils allaient réélir aznar avant que ...
    on nous dit les italiens sont pas dupes ... peut - être, mais ils élisent berlusconi ...
    on nous dit les israéliens veulent la paix ... peut - être, mais ils élisent sharon après netanyahu ...
    on savait à quoi s’en tenir, on a choisi chirac contre jospin ...

  • La question qui se trouve entre les lignes de ce texte est :
    Que pouvons-nous faire pour éviter cela ? (l’unique choix entre "la peste et le choléra", comme disaient autrefois nos amis du PCF)
    Deux ans c’est court pour bâtir un pôle de gauche crédible, avec un vrai projet de gouvernement et au-delà des querelles de personnes, et il ne reste même plus deux ans. Peut-être même moins encore si la droite Chirac-Villepin explose en vol.

    • En 2007, on ne votera pas sur un nom, comme pour une marque de lessive, mais sur un programme, et ce programme on le décortiquera comme on a décortiqué le calamiteux TCE, d’une part, et d’autre part on a intérêt à s’y mettre dès maintenant : des clubs de discussion comme en 1790, des comités de quartier comme en 1871, et des comités d’action comme en 1968 ! Et qu’il en sorte quelque chose. Il n’y a pas que les ex-étudiants de l’ENA qui ont des cerveaux, merde alors !
      Quel parti ou mouvement de gauche va oser faire confiance au peuple et lancer ces groupes populaires de discussion et proposition ???
      ça URGE !!!

    • Entièrement d’accord avec vous Hélène.
      Il faut un programme qui sera élaboré par les citoyens pour les citoyens et assimilés (tous les résidents de France). Ce programme s’adressera d’abord au peuple français, certes, mais devrait également servir de modèle pour l’élaboration de programmes similaires au niveau européen.

      Il y a très certainement en Europe la même demande qu’en France.

  • Je crois qu’on ne peut jamais préjuger de ce que sera l’avenir, l’histoire nous l’a prouvé aux présidentielles de 2002 et nous le prouve chaque jour. Les calculs des politiques et des médias, on devrait plutôt parler de la collusion entre les médias et certains courants d’opinion qu’ils ont fait leur, sont de plus en plus erronés et loin des réalités. Que sera le paysage politique dans six mois, un an ou deux ans ? Notre environnement est trop fluctuant et est devenu trop incontrôlable pour que l’on puisse le savoir. Toutes les prévisions économiques, que ce soit au niveau de la croissance ou au niveau des monnaies ont été déjouées : Qui aurait prédit que la croissance moyenne sur la période 2003-2005 tomberait à un peu plus de 1 %, alors que Jospin et Chirac au moment des présidentielles prennaient les paris sur une croissance durable de 3 % ? Et, ne parlons pas du "pôvre" Raffarin, qui n’a pas cessé de se fourvoyer dans des analyses dithyrambiques, citant des chiffres abracadabrantesques de 2,5 % alors qu’au même moment le patronat lui-même et l’INSEE tablaient de concert sur 1.5 %. La même chose pour les monnaies avec un 1.18 $ pour 1 € au démarrage de la monnaie unique puis une chute un an parès à 0.82 $ pour 1 € pour atteindre des sommet à plus de 1.3 $ pour 1 € et depuis le référendum 1.2 à 1.25 $ pour 1 €. A chaque fois, on donne dix mille explications et rarement la bonne.
    Ce qui est certain, il ne faut pas être devin pour l’avoir compris depuis le 29 mai c’est que le PS va exploser et que les courants Emmanuelli, Fabius et Montebourg vont se regrouper (c’est en partie fait) pour passer des accords avec le PC, une partie des verts qui les rejoindront (ou il y aura là-aussi un nouveau parti "vert printemps"). Peut-être même, que tous ceux comme moi, qui ont beaucoup milité pour le NON, sans appartenir à aucun parti, se laisseront-ils tentés par un nouveau rassemblement plus proche des préoccupations quotidiennes que des intérêts politiciens et partisans.
    Nous sommes en train de manger notre pain blanc avec une croissance qui peut encore faire illusion jusqu’en 2007 (côté européen et outre-atlantique) à coup d’EPO, des mesures gonflant ou dégonflant (l’exemple de la baisse de l’emploi est un coup de pub, de la poudre aux yeux et temporaire) les chiffres au gré de la demande des intéressés - dans tous les sens du terme - le reveil en 2007 risque d’être difficile avec une France et une Europe ingouvernable, une forte baisse de la croissance qui pourrait devenir négative (actuellement nous assistons à un rebond technique comme on dit sur les marchés boursiers, faute de réformes structurelles au niveau de notre système monétaire et de l’économie : du crédit productif au service de grands projets créateurs d’emplois générant de la croissance). L’endettement des EU conduira à une dépréciation du dollar qui est déjà passé en trois ans de 0.82 à 1.25 $ pour un dollar, et qui pourrait s’effondrer à 2 ou 3 $ voire plus pour un euro. Si on y ajoute des conflits latents avec l’Iran, la Turquie et... Cuba, l’avenir de la planète s’annonce plus que morose, noir. Il faudra alors des hommes nouveaux ou progressistes pour faire changer les choses et avoir la confiance du peuple, afin de construire un nouveau paradigme. Seul le Non Socialiste au référendum a montré qu’il était porteur d’espoir et de renouveau - HORS DES APPAREILS (ne retombons pas dans le piège) - pour prendre la situation en main surtout si elle devient préoccupante... Mais comme je l’ai dit plus haut, même si c’est une hypothèse très réaliste, pensons à l’incertitude - le mot qui fait peur à tous les conjoncturistes et boursiers - en ayant présent à l’esprit que le pire se profile à l’horizon, si on se réfère à l’opinion de plusieurs économistes anglo-saxons et qu’il faudra si le torchon brûle, être là le jour J, pour reprendre le flambeau !
    André-Jean Locussol-Mascardi