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Autre méthode : le Consciensus
Devant l’ échec du double consensus, adoptons une autre méthode : le Consciensus
C’est volontairement que nous l’appelons ainsi pour le distinguer de son petit frère le « consensus » auquel on ajoute facilement « mou ». En effet, pour beaucoup, le terme consensus évoque le plus petit dénominateur commun, voire l’absence de débat.
La prise de décision au vote, la plus couramment utilisée, (la plus conventionnelle), nous semble, elle, comporter plusieurs inconvénients :
– mettre de côté les avis des minorités
– restreindre les débats
– et éventuellement mettre en avant des personnes (plutôt que des idées).
Nous pensons que si nous voulons que la société évolue différemment, ça concerne aussi les modes de décision... (la démocratie), et que là aussi, il y a des habitudes à changer. Le consciensus est un exemple d’une autre manière de décider. Tel que nous allons vous le présenter, il est très certainement améliorable, et, l’expérimentation faite à Marsaz 2 en a déjà été l’occasion.
1. Etat d’esprit
L’idée principale est que nos différences sont sources de richesses.
Les diverses propositions ne sont pas concurrentes les unes des autres : on cherche les avantages et les inconvénients de chacune, afin d’en CREER une ensemble, nourrie du maximum d’avantages.
Le consciensus nécessite que chacun se sente au service du collectif, c’est-à-dire ait envie que la meilleure solution soit trouvée et ne cherche pas à « prendre le pouvoir sur le groupe ».
2. Méthode
La question qui se pose doit être définie précisément, par tous ensemble, avec un temps de questions-réponses pour partir en petits groupes sur la même base. S’il y a déjà eu une réflexion sur le sujet, quelques pistes de réponses peuvent être proposées (textes, ...).
Les personnes se retrouvent en petits groupes, pour avoir le temps d’explorer leur argumentation et celle des autres. L’écoute doit être attentive, réelle : alternance des temps d’écoute et d’expression, 10 minutes de réflexion individuelle avant de commencer peut y aider. L’expérience de Marsaz nous a montré que deux heures sont un minimum pour ce temps en sous-groupes.
– Si dans le temps collectif initial, des avis très tranchés sont apparus, il peut être intéressant de mettre des personnes en désaccord dans chaque petit groupe.
– La gestion du temps et les prises de parole peuvent être confiées à un ou des membres du groupe. Du fait de son rôle, le rapporteur est souvent en même temps distributeur de parole, sans obligation. Par contre, il est intéressant que le « gardien du temps » soit une autre personne (elle veille à un temps de parole égal pour tous et au respect du temps prévu pour cet atelier pour ne pas faire attendre les autres).
– Dans chaque petit groupe, une personne est « rapporteur » : c’est elle qui rapportera la synthèse des échanges (avec argumentaires et conclusions) au groupe entier. Elle prend note de ce que chacun dit en reformulant pour être sûre d’avoir bien compris (un tableau ou paperboard aide beaucoup à suivre les débats), puis recherche avec le groupe des ponts entre les idées émises (souvent possible en poussant la réflexion sur le « pourquoi » de ces idées) afin de chercher les points d’accord et de désaccord et d’essayer d’aboutir à une proposition commune. Le rapporteur ne doit pas oublier d’exprimer son propre point de vue (lui laisser le temps).
– Ensuite le groupe tente de faire une synthèse (plutôt écrite et sur grand panneau type paperboard). Le rapporteur reformule au petit groupe ce qu’il dira au grand. Cette phase est difficile et demande du temps : y réserver 30 à 40 minutes. Il ne s’agit pas de répéter tous les propos tenus mais de présenter de manière organisée les convergences et divergences apparues, les propositions communes trouvées, avec leurs argumentaires respectifs.
– Le rôle de rapporteur demandant certaines compétences (esprit de synthèse, capacité de reformulation, il pourrait être intéressant que des personnes formées à cela soient présentes dans les petits groupes pour y aider, au moins au début de l’expérimentation de cette méthode. Par la suite, toutes les personnes du mouvement doivent avoir la possibilité de se former pour s’approprier la méthode et devenir autonomes et efficaces.
Au bout d’un temps déterminé à l’avance (et ajusté sur la progression des petits groupes), tout le monde se retrouve en cercle ; les rapporteurs exposent entre eux et en présence des autres les diverses conclusions ainsi que les argumentaires, puis ils essaient de trouver ensemble un accord de la même façon que dans les petits groupe.
– Pendant ce temps, les autres personnes n’interviennent pas.
– Les rapporteurs évitent de citer qui a dit quoi (il s’agit d’une synthèse de groupe) et essaient d’être le plus fidèles possible aux arguments du groupe. En même temps, ils gardent leur capacité d’évoluer, en fonction des arguments des autres rapporteurs.
– Quand il y a beaucoup de monde et/ou qu’une pause semble nécessaire, les rapporteurs peuvent effectuer ce travail seuls et non en public. Dans ce cas, les animateurs veillent à ce qu’effectivement les autres participants n’interviennent pas dans leurs échanges.
Si les rapporteurs n’aboutissent pas :
– le problème avait peut-être été mal posé (donc, le re-poser !) ;
– des éléments nouveaux ont pu apparaître... ; il sera alors utile de reformer les petits groupes sur ces données nouvelles...
– un temps de recul (et de repos si c’est le moment !) peut être utile pour y voir plus clair !
Quand les rapporteurs aboutissent à une (ou des) proposition(s) finale(s), chacun se positionne en son âme et conscience pour dire s’il est « totalement d’accord » ou « pas totalement sûr, mais partant » ou « totalement en désaccord pour telle ou telle raison(s) ». Les raisons d’opposition sont épluchées avec la personne jusqu’à trouver une idée qui y réponde et vienne enrichir la solution trouvée...
L’avantage est que les décisions prises ainsi sont très fouillées, et portées par tous. Cela peut prendre du temps, mais il est très vite récupéré dans l’application des décisions puisque tous ont participé au processus.
*Texte d’août 2004 ; rédigé par Camille Lenancker-Flandrin, Lionel Monti et Laurence Wailliez