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"une minorité impérialiste possédée par les démons de la domination
Publie le jeudi 5 mai 2011 par Open-PublishingEn tant qu’ex-Président de l’Assemblée générale en plus d’être un fort et persistant défenseur de sa réactivation immédiate au cas où, entre autres choses, l’image des Nations Unies dans l’opinion publique mondiale continue de couler de plus en plus profondément, j’ai décidé de faire connaître mon opinion sur la situation de la crise en Libye.
Pendant trop de temps l’Assemblée générale a négligé ses responsabilités résiduelles pour la paix et la sécurité contenues dans la Charte. Ce n’est pas seulement une question d’agir quand le Conseil de Sécurité est paralysé, ce qui a été la justification originale de la Résolution « Unis pour la Paix » (Uniting for Peace) [1]. C’est aussi une question de bonne foi par rapport au rôle et à l’identité de l’Assemblée générale comme organe principal du Système des Nations Unies. Il s’agit de l’organe qui représente la totalité des membres et qui se charge de la compétence sur l’ensemble du spectre des préoccupations de la Charte. Cela se réfère particulièrement à la compétence et à la responsabilité dans une situation de guerre permanente dans laquelle le Conseil de Sécurité n’agit pas. Au sens constitutionnel, l’Assemblée générale a une responsabilité implicite pour agir quand on vérifie que le Conseil de Sécurité semble avoir abusé de son autorité par rapport à l’usage de la force.
L’article 2 (7) de la Charte interdit l’intervention de l’Organisation dans les sujets qui sont essentiellement de la juridiction interne d’un État excepté si la paix et la sécurité internationales sont directement impliquées. On pourrait dire que, quand il s’agit d’établir une zone d’exclusion aérienne pour la protection des civils Libyens, le Conseil de Sécurité A VIOLÉ cet engagement constitutionnel fondamental de s’abstenir d’intervenir. La lutte continue entre le Gouvernement établi de la Libye et les forces rebelles a un caractère défini de guerre civile, et elle n’a pas raisonnablement pu en aucun moment être interprétée comme une menace majeure pour la paix et la sécurité. De plus, l’objectif de l’autorisation de mesures militaires est délibérément dessiné dans la Charte pour être disponible seulement comme un ultime recours c’est-à-dire après avoir épuisé tous les recours diplomatiques. Dans ce cas, il n’y a aucune indication d’efforts pour négocier un cessez le feu avant la mise en oeuvre des attaques militaires correspondantes à l’implantation de la « Zone d’Exclusion Aérienne ».
Je crois fermement que la Résolution 1973 du Conseil de Sécurité est illégale et antidémocratique, pour le dire doucement, et qu’elle a été approuvée par une petite minorité au nom de la dictature gouvernante dans les Nations Unies. Je réitère ce que j’ai dit dans mon discours d’adieux en septembre 2009 : l’ (organisation des) Nations Unies est au-delà de la réforme ou un simple ajustement. Il est absolument nécessaire qu’elle se réinvente pour servir la cause de la paix et de la sécurité internationales, pour lesquelles elle a été fondée. Maintenant, en plus d’être une organisation dysfonctionnelle, nous pouvons dire que c’est une arme pour la mort au service d’une minorité impérialiste belliciste possédée par les démons de la domination à spectre total sur la planète Terre.
Au-delà de cela, même en supposant, seulement pour une minute, que la Résolution SC 1973 aurait été justifiée par le constat de la situation d’urgence humanitaire – on pourrait dire que, dans la pratique, l’ONU a fait une exception limitée dans l’article 2 (7) – la portée de l’action militaire autorisée et réalisée pour la première fois par la « coalition des bonnes volontés » (« coalition of the willing ») menée par les États-Unis et plus tard par l’OTAN, a largement surpassé toute interprétation raisonnable de la mission humanitaire. Telle que, la Résolution 1973 représente, par ses conditions et application, une invasion directe et grave de l’engagement de l’article 2 (7) d’interdire l’usage de la force autorisée par celle de l’ONU qui envahit la souveraineté territoriale d’un État membre.
Donc, il y a deux questions constitutionnelles fondamentales relatives à l’autorité des Nations Unies qui fusionnent ici : l’abus d’autorité de la part du Conseil de Sécurité, l’échec de l’usage de la force en conformité avec les attributions déléguées par la Résolution SC 1973, ce qui représente un non-respect de la part du Conseil de Sécurité d’exercer quelque type de responsabilité de supervision en relation avec l’autorisation en vertu du Chapitre VII de l’utilisation de la force. On peut rappeler que dans la période subséquente à la Guerre du Golfe de 1991, le Secrétaire général de l’époque a remarqué que l’ONU ne devrait jamais plus abandonner ses responsabilités de supervision dès que l’usage de la force a été dûment autorisé et délégué par le Conseil de Sécurité. Dans ce cas, l’usage de la force semble plus justifié, puisque c’était un cas d’appui à la demande du Koweït de légitime défense, et il s’était écoulé un laps de temps durant lequel l’ONU s’est appuyé sur des sanctions pour induire une retraite irakienne du Koweït. Cependant, même à l’époque, il y a eu une controverse juridique pour savoir si l’ONU avait vraiment épuisé ses recours diplomatiques avant de recourir à la force.
Cette combinaison de problèmes amène une sorte de crise constitutionnelle, tant à l’égard des fonctions de l’Assemblée générale et du Conseil de Sécurité, qu’aux conditions sous lesquelles le Conseil de Sécurité peut autoriser l’usage de la force, qui une fois autorisé, requiert la supervision continue pour assurer que les mesures adoptées se maintiennent restent dans le cadre du mandat. Ici l’utilisation de la force est restée à grande échelle dans un cadre qui semble être en violation directe de l’objectif de la Charte sur l’usage de la force.
Il s’agit des questions de poids dans l’interprétation constitutionnelle de la Charte et du droit international et, à une date postérieure adéquate, elle pourrait être éclaircie par une demande d’opinion consultative sur l’Assemblée générale ou conjointement de l’Assemblée générale et du Conseil de Sécurité à la Cour internationale de justice. Actuellement, les gens meurent et l’État souverain est attaqué sous l’autorité des Nations Unies, ce qui rend indispensable sans plus attendre que l’Assemblée générale prenne toutes les mesures raisonnables pour établir, avec un caractère d’urgence, un cessez le feu inaliénable pour les deux parties : le Gouvernement de la Libye et les rebelles, et qu’on adopte des mesures pour négocier un mécanisme politique pour la résolution pacifique du conflit. Est aussi remarquable l’échec lamentable du Secrétaire Général pour attirer l’attention des membres du Conseil de Sécurité et comme de l’Assemblée Générale sur ces graves questions.
Miguel d’Escoto Brockmann
Ex-Président de l’Assemblée Générale de l’ONU, ex-Ministre des Affaires étrangères du Nicaragua et représentant de la Libye auprès de l’ONU. [2]
Le Monde diplomatique. Madrid, mai 2011.
Traduit de l’espagnol pour El Correo par : Estelle et Carlos Debiasi.
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El Correo. Paris, le 4 mai 2011.
Notes
[1] La résolution 377 de l’Assemblée générale de l’ONU (connue comme la « Résolution Unis pour la Paix ») signale que, dans les cas où le Conseil de Sécurité ne réussit pas à agir dans le but de maintenir la paix et la sécurité internationales à cause d’un désaccord entre ses cinq membres permanents, la question doit être immédiatement traitée par l’Assemblée Générale en utilisant le mécanisme de session spéciale d’urgence. Pendant la présidence de l’Assemblée Générale tenue par l’auteur de l’article, la résolution précitée a été invoquée pour traiter la crise de Gaza pendant Noël 2008, ce qui a provoqué que finalement le Conseil de Sécurité – qui était resté quelques jours sans prendre de décision de par la réticence des États-Unis de freiner l’attaque israélienne – s’est trouvé obligé à mettre en action et à exiger un cessez le feu.
[2] Source : Former Roman Catholic priest chosen to represent Libya at UN