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(videos) Les soldats achèvent plusieurs talibans blessés "de la façon la plus humaine qui soit"

Publie le lundi 20 décembre 2010 par Open-Publishing
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Documentaire sur une unité de l’armée danoise en Afghanistan.

Compte-rendu dans "Libération"

Chaque guerre a un noyau dur et, comme le physicien qui lui seul connaît la matière, ne peut l’appréhender que celui qui se mesure à elle. Dès lors, ce qui peut apparaître horrible, comme relevant du crime de guerre pour le regard glacé du citoyen ordinaire, trouve sa raison, sa justification dans l’incandescence de l’action. Lorsqu’après une embuscade, les soldats achèvent plusieurs talibans blessés « de la façon la plus humaine qui soit », la confidence peut paraître choquante. Elle l’est aux yeux de la police militaire danoise qui décidera d’une enquête. Mais ces guérilleros broyés et agonisants - les images sont très dures - fallait-il les laisser souffrir ou les secourir au risque de mettre la vie des soldats en péril ? Prisonniers des automatismes dont ils dépendent pour leur survie, les hussards n’ont pas eu le temps de se poser la question.

« Armadillo », le combat ordinaire

de JEAN-PIERRE PERRIN

Il n’est pas fréquent qu’un réalisateur et son chef-opérateur doivent écrire leur testament et leurs dernières lettres à leurs proches avant de commencer à tourner. Comme le font les soldats danois qui partent en Afghanistan et qu’ils vont accompagner dans leur mission de six mois. Direction : le camp Armadillo. Dans ce fort paumé au fond du Helmand, province elle-même paumée à la lisière du pays, le mot embedded prend tout son sens. Janus Metz et Lars Skree, le directeur de la photographie, partagent le quotidien d’une section de combat, l’accompagnant dans ses missions, patrouillant avec elle dans cette contrée où le ciel semble sans limite et les sentiers de poussière sans fin, partageant les rations, les fatigues et la peur. Dans les pas des soldats Mads et Daniel, dont c’est la première campagne, les cinéastes filment tout ce qu’ils voient, enregistrent tout ce qu’ils entendent. Sans le moindre prêchi-prêcha sur les horreurs de la guerre.

Hussard. Une guerre dont, au Danemark, comme d’ailleurs en France, on ne veut rien savoir. Si on savait l’armée danoise participer à ce conflit en tant que membre de l’Otan, on ignorait qu’elle était exposée en pleine ligne dans cette province dure et sèche, pourrie par les talibans et les trafics de drogue, et qu’elle y subissait des pertes. L’ennemi est souvent invisible. Mais il est terriblement là, embusqué, truffant ces paysages d’une beauté sans la moindre mansuétude de ces saloperies artisanales appellées IED (Improvised Explosive Device) dans la terminologie Otan, et qui sont surtout faites pour arracher les jambes, déchiqueter les corps. Tous les jours, les patrouilles partent chasser les talibans. Souvent, elles ne rapportent rien. Mais quand l’accrochage est enfin là, la guerre vous saute alors à la gorge comme un chien méchant.

Ce n’est bien sûr pas la première fois que l’on filme des soldats occidentaux sur le terrain afghan. Et nombre de documentaires, notamment américains, sont excellents. Mais ce sont surtout des films de témoignage, où le combattant se raconte. Cette fois, le parti pris - et réussi - est autre. Il est d’accompagner ces hussards partout, dans leur famille avant le départ et à leur retour, avec leurs copines, sur les lits de douleur des hôpitaux, pendant les heures passées à mater des films pornos et, bien sûr, au cœur des combats. Il est de nous prêter leurs yeux pour voir le conflit comme eux-mêmes le voient. Ce qui nous donne un tout autre regard sur la guerre. On la vit cette fois de l’intérieur. On va parfois, lorsque la caméra s’affole, s’enfuit vers le ciel, jusqu’à la frôler.

Chaque guerre a un noyau dur et, comme le physicien qui lui seul connaît la matière, ne peut l’appréhender que celui qui se mesure à elle. Dès lors, ce qui peut apparaître horrible, comme relevant du crime de guerre pour le regard glacé du citoyen ordinaire, trouve sa raison, sa justification dans l’incandescence de l’action. Lorsqu’après une embuscade, les soldats achèvent plusieurs talibans blessés « de la façon la plus humaine qui soit », la confidence peut paraître choquante. Elle l’est aux yeux de la police militaire danoise qui décidera d’une enquête. Mais ces guérilleros broyés et agonisants - les images sont très dures - fallait-il les laisser souffrir ou les secourir au risque de mettre la vie des soldats en péril ? Prisonniers des automatismes dont ils dépendent pour leur survie, les hussards n’ont pas eu le temps de se poser la question.

Hyper-réalité. De temps à autre on assiste à la rencontre avec les villageois que les soldats sont censés protéger. Mission impossible. Dès que les hussards se retirent, les guerriers au turban noir reviennent. Malheur à ceux qui ont parlé. D’où des relations comme irréelles avec cette population dont on ne sait trop si elle redoute ou appuie les talibans. Sans doute les deux.

Armadillo est un documentaire que l’on regarde comme un film de fiction. Paradoxalement, à cause de l’hyper-réalité des situations. Peu à peu, les soldats vont s’enfuir dans le cynisme, se replier sur eux-mêmes à l’image du camp retranché, trafiquer le réel en le mêlant à la guerre virtuelle qu’ils font chaque soir à travers les jeux vidéo. Cette guerre-là, ils peuvent la gagner. L’autre, ce n’est pas sûr. Pourtant, une fois leur campagne terminée, plutôt que de retourner à de mornes emplois dans le civil, presque tous seront volontaires pour servir à nouveau en Afghanistan.

http://next.liberation.fr/cinema/01...

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