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visite à Mumia

Publie le lundi 12 janvier 2009 par Open-Publishing

Délégation du 19 au 22 décembre 2008
Visite à Mumia Abu-Jamal

l Patrick Braouezec, député PCF de Seine Saint-Denis, membre du comité de Saint-Denis de soutien à Mumia ;
l Bally Bagayoko, vice-président PCF du Conseil général de Seine-Saint-Denis, Adjoint au maire de Saint-Denis (93), membre du comité de Saint-Denis de soutien à Mumia ;
l Mireille Mendès France, fondation Frantz Fanon, membre du collectif unitaire national de soutien à Mumia Abu Jamal.

Dès son arrivée à New York, la délégation a rencontré Linn Washington, journaliste au Philadelphia Tribune et membre du comité de soutien à Philadelphie venu pour un entretien publié sur le site du Philadelphia Tribune dès le 23 décembre (lire l’article ci-dessous).

La délégation a ensuite rejoint une partie du comité de soutien de New York coordonné par Suzanne Ross. Des têtes connues rencontrées lors des successives visites à Mumia ou lors de la venue en France de certains. Tous accueillent Patrick et Bally en "héros". La nomination de la rue Mumia Abu Jamal a marqué les esprits et pour l’ensemble d’entre eux et reste un des symboles de la résitance exprimée par tous ceux qui luttent au quotidien pour les transformations sociales et politiques et surtout pour les droits humains où que cela soit dans le monde. Le comité de New York se renouvelle, des jeunes ont rejoint la cause de Mumia pour demander le respect de la dignité humaine mais aussi la fin d’une justice de classe basée sur des éléments de racisme. La lutte pour l’abolition définitive de la peine de mort remporte de plus en plus d’adhésions aux Etats-Unis et particulièrement auprès des jeunes.

Samedi matin, la délégation a eu un long échange avec Pam Africa et Suzanne Ross. Pam, une des figures clé de l’organisation du soutien à Mumia Abu Jamal, était venue de Philadelphie. L’échange a tourné autour des mobilisations utiles, de l’évolution de la situation juridique de Mummia et des démarches qui pourraient être prises par des parlementaires français mais aussi européens. La neige tombe sur New York, le vent froid s’engouffre dans les larges rues.

Dimanche matin : 3 heures avec Mumia, toujours debout …

Mumia attend comme d’habitude dans cet étroit espace dédié aux visites mais séparé des visiteurs par une épaisse vitre de verre. Au premier coup d’oeil, il y a un changement radical : les mains de Mumia s’agitent dans l’air. Enfin libres....C’est la première fois en plus de 10 ans que Mumia Abu Jamal a les mains libres de menottes. Suite à un mouvement de protestation assez fort quant aux parloirs –Desmond Tutu le visistant avait aussi été fortement choqué par cette double entrave et avait écrit au directeur de la prison pour demander que les prisonniers puissent avoir les mains libres- l’administration a décidé de retirer les menottes et de mettre en place un nouveau système de fermeture des portes, évidemment encore plus solide que la serrure habituellement utilisée.

Parler avec Mumia les mains libres donne un sentiment d’une liberté plus grande et il est possible de voir combien il accompagne ses paroles de gestes larges et de nombreux mouvements de mains.

Ses premières questions vont à la ville de Saint-Denis, aux habitants, à la mairie, au comité et à sa rue. Le poing sur le coeur, il espère venir, bientôt, à Saint-Denis et pouvoir non seulement arpenter "sa" rue mais aussi l’habiter. Il compte fermement sur Patrick et Bally pour lui trouver un appartement. Il ne veut pour rien au monde, une fois libre, manquer cette occasion. Sortir de prison, sortir des USA et venir chez lui à Saint-Denis. Il y a dans son coeur une place particulière pour les habitants de Saint-Denis et pour tous ceux qui, en France, l’accompagnent dans son combat depuis des années.

Evidemment, de nombreuses questions fusent : sa santé, sa vie, sa famille, le point juridique, ses impressions et ses attentes après l’élection de Barack Obama....3 heures de discussion ouverte...L’occasion de constater, visite après visite, que Mumia est toujours debout, qu’il fait preuve d’un esprit ouvert, dynamique, critique et constructif. Rien de ce qui se passe hors des murs du couloir de la mort ne lui échappe. Par ailleurs, sa solidarité ne cesse de s’exprimer. Après avoir parlé du couloir de la mort dans un de ses livres, il avait décidé d’apporter ses compétences juridiques à tous ceux qui sont emprisonnés et victimes d’une justice de classe. Il vient de terminer la rédaction d’un précis juridique à l’usage des prisonniers. Il sera publié aux Etats Unis et en Grande Bretagne dès le mois de mars prochain.

Il envisage maintenant d’écrire pour les enfants et de leur apporter ses idées sur le monde, sur notre monde, non de leur parler de son cas. Il trouve très important de s’adresser aux jeunes et constate que cela n’est pas suffisamment fait. « Parler aux jeunes et parler avec eux est un travail d’éducation que nous devons faire, c’est la raison de ce projet ».

Mumia Abu Jamal avoue travailler sans répit et réfléchir au monde dans lequel il vit et s’inscrit pleinement. A l’inévitable question concernant l’élection de Barack Obama, il se montre sévère et critique à l’égard du nouveau président des Etats-unis, n’en attendant aucun changement ou tellement à la marge que cela risque de passer inaperçu. Il remarque qu’en fait Obama est trop formaté par les représentations construites par et à partir de celles données et imposées par le modèle dominant capitaliste. Sa profession de travailleur social ne lui a pas donné l’opportunité de se poser les bonnes questions. D’ailleurs, le choix de son équipe gouvernementale en dit long sur le chemin qu’il compte prendre. Il s’inscrit dans la droite ligne de ce qu’a fait Bill Clinton qui, pour Mumia, a pris les pires décisions politiques contre les marginalisés, les populations précarisées et exclues pour raisons de « race » et y compris en termes de politique étrangère. Citant Frantz Fanon, Mumia considère que Obama a acquis un « masque blanc ». Dès lors, il est fort sceptique sur les réelles intentions d’Obama.

Patrick Braouezec propose, car il ne faut se priver d’aucune piste aidant à sa libération, de rédiger un appel à des parlementaires de différents pays européens demandant à Barack Obama de revoir la position prise à l’encontre de Mumia depuis de nombreuses années pour que lui soit reconnu son droit à un procès juste et équitable et non entaché de propos racistes. Mumia, intéressé par la démarche, a demandé à prendre un temps de réflexion.

Un long échange a suivi à propos de la situation économique mondiale actuelle et de ses conséquences pour les salariés, les personnes sans emploi et les plus démunis. Il considère qu’il y a lieu aujourd’hui de relire Frantz Fanon car pour lui qu’il s’agisse de la folie, du racisme ou de l’" universalisme " confisqué par les puissants, ce dernier ne cesse de tenter de poser " un vivre ensemble ", à la manière d’une transformation en actes des situations où dominés et dominants ont, chacun, tout à perdre de la pérennisation des ordres et désordres existants. Fanon a lutté contre la domination exercée par les puissants sur les faibles et aujourd’hui, avec lui, il est légitime de s’interroger sur l’articulation fondamentale entre d’une part, le droit à la rébellion devant un système social, politique et économique qui plonge le monde dans le désordre et d’autre part, une colonisation d’un nouveau type. Mumia termine en constatant que la pensée de Fanon est d’une incroyable actualité car il y a aujourd’hui nécessité de refuser le déterminisme historique qui se trace, à chaque fois, devant le colonisé d’hier et « le globalisé » d’aujourd’hui, obligé de se soumettre aux exigences du marché, au déterminisme imposé par les lois du marché et par les dominants.

La visite s’est achevée sur ces mots de Mumia : « il y a urgence à refuser de se soumettre et à travailler pour l’émancipation car si un autre monde est possible, il est aujourd’hui plus que jamais nécessaire ». Cette dernière phrase n’est pas sans rappeler le mot d’ordre qui est apparu à propos du Forum social mondial il y a deux ans à peine !
Pour la délégation, Mireille Fanon-Mendes-France