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Le Liban, le PCF, la LCR et le Collectif national unitaire
Publie le samedi 2 décembre 2006 par Open-Publishing5 commentaires
Je prolonge la réflexion bienvenue d’« anticapitaliste » (« Les collectifs pris à leur propre piège », site Bellaciao : https://bellaciao.org/fr//?page=article&id_article=37938 ) sur les contradictions des anti-libéraux du Collectif national dont l’anti-libéralisme « radical » des 125 propositions de « Ce que nous voulons » peut tout à fait trouver des passerelles avec l’anti-libéralisme « réaliste » dont se réclame François Hollande. « Anticapitaliste » les a pointées sur les mesures d’urgence sociales (SMIC, hausse des salaires, licenciements...). Je les pointerai sur une question de politique internationale : la question libanaise, qui va se trouver au centre de la campagne électorale à partir du 25 janvier, puisque Chirac Jacques en a décidé ainsi, qui va réunir sa conférence dite « Paris III » (voir sur le site du journal francophone de la bourgeoisie libanaise, « L’Orient le Jour »). Mais là, l’anti-libéralisme « radical » risque fort d’aller au-delà des passerelles entre les deux gauches, et se retrouver sur le pont d’une union sacrée avec les libéraux, si elle ne change pas de position politique.
Pour comprendre mon propos, il faut commencer par lire la 119e proposition de « Ce que nous voulons » (« Pour une contribution active de la France dans la résolution politique des conflits »), qui n’a pas été le fruit d’un compromis entre la position de la LCR et celle du PCF, mais le ralliement du Collectif national à la position du PCF (sur le sujet, Raoul-Marc Jennar a fait des réserves proches de celles de la LCR - en vain). En voici les premier et troisième paragraphes (je mets de côté ici les deuxième et quatrième paragraphes, qui traitent de la Palestine et d’Israël et de l’Irak et de l’Afghanistan) :
« La France refusera de contribuer à l’entreprise guerrière des Etats-Unis mise en œuvre dans le cadre de la stratégie hégémonique dite du Grand Moyen Orient.
» [...]
» Au Liban, la France agira pour que la FINUL assume une mission réelle de paix et de sécurisation durable en particulier pour toutes les populations civiles, dans le cadre d’un processus politique devant aboutir au retrait total des troupes israéliennes, à un cessez-le-feu définitif, à la garantie de la souveraineté libanaise, au respect de l’intégrité territoriale et de la frontière israélo-libanaise internationalement reconnue. »
Le Collectif national est en pleine contradiction quand il dit une chose et son contraire, que la France anti-libérale « refusera » la politique états-unienne du Grand Moyen-Orient (premier paragraphe) mais qu’elle « agira pour que la FINUL assume etc » (troisième paragraphe), celle-ci ayant pour mandat (résolution 1701 de l’ONU) de « désarmer les milices » au Liban, c’est-à-dire désarmer la résistance libanaise, parmi laquelle les groupes armés du Parti communiste libanais (PCL). Bref la FINUL a pour mission de remplir la tâche que l’armée israélienne a échoué à exécuter lors de le guerre des 33-Jours de juillet-août. La FINUL a beau être sous mandat de l’ONU - comme l’ISAF (Afghanistan) qui compte 1000 soldats français à Kaboul, ou Licorne avec ses 3500 hommes couverts par la résolution 1609 (Côte d’Ivoire) -, elle n’en reste pas moins un dispositif impérialiste conjoint entre Bush et Chirac pour contrôler la région.
C’est l’analyse de la LCR, qui l’a amenée cet été, pendant la guerre, à signer une déclaration commune avec le PCL (section France) - « La LCR et le PCL (Section France) [...] refusent tout déploiement d’une force internationale [...] affirment leur refus de l’application par la force de la résolution 1559 qui doit impérativement passer par un consensus libanais interne » - et l’amène aujourd’hui à réclamer le retrait des troupes françaises du Liban, et peu importe qu’elles « agissent » ici sous mandat de l’ONU, comme elle le réclame partout dans le monde, les caractérisant de troupes impérialistes chargées du mercenariat des multinationales françaises. Olivier Besancenot aura en janvier l’avantage de la cohérence politique. Mais qu’en sera-t-il de la candidate ou du candidat qui portera les couleurs de l’anti-libéralisme « radical » dont la 119e proposition envisage d’agir dans le cadre de la FINUL ?
Quiconque regarde attentivement la politique internationale de Chirac depuis 2004 (après donc le coup de gueule de Villepin Dominique sur l’Irak au conseil de sécurité de l’ONU), le sait : il l’a infléchie et réorientée pour guerroyer un peu partout dans le monde, de l’Afghanistan à Haïti, aux côtés de Bush. Pour Chirac, contrôler le Proche-Orient passe par l’élimination du clan al-Assad à la tête de la Syrie et par l’attisement de la confrontation libanaise entre les « Forces du 14 Mars » (les grandes familles de droite Siniora, Hariri, Gemayel, Joumblatt...), ses alliés sur place, et le Hezbollah et le CPL de Michel Aoun. La manière alarmiste et dramatisée dont « Le Figaro », « Le Monde » et « Libération » ont rendu compte de la manifestation du 1er décembre à Beyrouth « pour un gouvernement d’union nationale » donne clairement le ton sur la préparation de l’opinion publique en France aux grandes manœuvres de l’impérialisme chiraquien au début de l’année prochaine. Chirac vise à favoriser le retour à la guerre civile au Liban, pour justifier la présence militaire française sur place.
La conférence « Paris III » sera montée sur le modèle de la conférence de Rambouillet de 1999, dont l’objet n’était pas de négocier mais de faire la démonstration aux yeux de l’opinion publique occidentale que toute la responsabilité du blocage de la situation au Kosovo reposait sur le seul Milosevic et justifier ainsi les bombardements de l’OTAN sur Belgrade et... Pristina pour aboutir à la situation actuelle, la mise sous tutelle du Kosovo par sept puissances impérialistes et le règlement de l’indépendance de ce territoire renvoyé aux calendes grecques, ou sur le modèle de celle de Linas-Marcoussis sur la Côte d’Ivoire en janvier 2003 où furent justifiés le maintien et le renforcement du dispositif militaire français dans l’ex-colonie pour « séparer » les « patriotes » de Laurent Gbagbo, fâché avec Chirac, des « ex-forces rebelles », les alliés du moment de Paris.
Les « cibles » diplomatiques de Paris III, avant de devenir les objectifs militaires de la FINUL, seront Hassan Nasrallah, Michel Aoun et Bachar al-Assad, sommés de rompre le « front syro-iranien », sous peine de sanctions, etc. S’ils n’obtempèrent pas, Tripoli, la Bekaa et Damas seront dans la ligne de mire des servants des chars Leclerc français et des batteries de la marine de guerre allemande sous mandat de l’ONU. Et Ségolène Royal approuvera, fidèle à la politique pro-impérialiste du parti socialiste au Moyen-Orient depuis 1956.
Ce scénario est hélas très probable, non seulement pour les raisons de politique internationale que l’on connaît, mais aussi pour des raisons de basse politique intérieure. Sidérer l’opinion publique en pleine campagne électorale autour de la « grandeur de la France » et de sa « mission de paix » dans le monde a déjà réussi aux « partis de gouvernement » en 1999 (Kosovo). Et une nouvelle « guerre humanitaire » serait providentielle pour Chirac, qui caressera l’espoir de remettre en selle ses deux poulains anti-Sarkozy, son fidèle françafricain Villepin et Alliot-Marie Michèle, sa ministre de la guerre, qu’il souhaite voir lui succéder.
Le fond du désaccord entre la LCR et le PCF sur le sujet est connu. Il porte sur l’appréciation de l’ONU. Entre assemblée internationale des nations qui y régleraient pacifiquement leurs différends territoriaux au nom d’une Charte fondée sur le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, jamais appliquée en pratique, et cabinet secret des appétits des grandes puissances qui s’y partagent les richesses du monde, l’espace démocratique y existe encore pour le PCF quand la LCR le considère aussi infime que l’espace laissé aux services publics à l’OMC. Réduit à rien.
Les communistes de 2006-2007, en cas de victoire de la gauche à la prochaine présidentielle, doivent prendre garde à ce que ne se réédite pas la calamiteuse année 1956 qui a vu les 150 députés du PCF voter les pouvoirs spéciaux à Guy Mollet pour se lancer dans la guerre d’Algérie et dans l’expédition du canal de Suez contre le nationalisme nassérien. Tous les ingrédients sont de nouveau réunis. Marie-George Buffet a fait un pas bien timide vers la clarification lors du colloque « 1956 et le PCF » ( https://bellaciao.org/fr//?page=article&id_article=37812 ) quand elle a soutenu : « Je sais combien personne, à l’époque, n’avait vraiment senti l’ampleur des changements qui allaient naître, l’ampleur des transformations qui se jouaient dans le monde, comme, par exemple, allait le révéler la crise de Suez ». Personne, vraiment ? Quand des communistes, certes minoritaires dans le PCF ou leurs petits groupes « trotskystes », avec d’autres anti-colonialistes conséquents, s’engagèrent pour « porter les valises » du FLN algérien et dénoncèrent l’expédition impérialiste de Suez du gouvernement Guy Mollet. On aurait aimé qu’elle fît preuve d’un peu plus de rigueur historique et qu’elle ne les oubliât pas, à défaut de leur rendre hommage pour avoir sauver l’honneur du communisme.
Et que l’on ne me dise pas, ici, sur le site Bellaciao, que le problème que je soulève n’est pas d’actualité. Site communiste franco-italien, Bellaciao sait mieux que quiconque qu’il l’est, quand des députés et sénateurs de Rifondazione communista ont voté pour six mois en juin les crédits miltaires réclamés par Romano Prodi pour financer la présence des troupes italiennes en Afghanistan. Et cela, comme en 1956 en France, au nom de la « solidarité de gauche » ! L’anti-libéralisme « radical » italien y a perdu son honneur.
Pierre Vimont (LCR majoritaire)
Messages
1. > Le Liban, le PCF, la LCR et le Collectif national unitaire, 2 décembre 2006, 20:24
les Collectifs doivent clairement prendre une position anti-impérialiste : NON à l’occupation de la Palestine , de l’Irak , du Liban ,etc... sous quelque drapeau que ce soit ( tricolore , OTAN ou ONU !)
Romain.
1. > Le Liban, le PCF, la LCR et le Collectif national unitaire, 2 décembre 2006, 21:01
"...les Collectifs doivent clairement prendre une position anti-impérialiste : NON à l’occupation de la Palestine , de l’Irak , du Liban ,etc... sous quelque drapeau que ce soit ( tricolore , OTAN ou ONU !)
Romain..." et de l’Afganistan, "sous quelque drapeau que ce soit ( tricolore , OTAN ou ONU !)" d’accord mais il n’y a rien a attendre du collectif national autoproclamé qui ignore toute proposition liée au troisième volet de la domination capitalisme : la guerre. Nous en avons fait l’expérience.
Merci à Pierre Vilmont pour cet article qui met les pendules à l’heure.
Jean
2. > Le Liban, le PCF, la LCR et le Collectif national unitaire, 2 décembre 2006, 21:47
Romain ,
si tu veux etre crédible , et pour le liban du moins , tu peux rajouter le drapeau syrien !
Quand à tous les pays ou les regles basiques de la démocratie existent , élections libres , presse libre , je crois que la revendication de la dissolution de toutes milices armées s’impose .
Précision utile aussi , la force de l’ONU au liban n’a pas pour mission de désarmer les milices existantes , ceci incombe à la seule armée libanaise .
La force de l’ONU au liban a pour mission de garantir le cessez le feu , au besoin par la force .
claude de Toulouse .
2. > Le Liban, le PCF, la LCR et le Collectif national unitaire, 2 décembre 2006, 21:05
Tout à fait d’accord. Clarification urgente ! Merci pour ce salutaire pavé dans la mare...
3. > Le Liban, le PCF, la LCR et le Collectif national unitaire, 2 décembre 2006, 22:59
Les dirigeants et certains membres du PCF devraient lire les archives, les anciennes « Huma », tracts journaux de cellule ou autres publications communistes. En 1956 lors du vote des pouvoirs spéciaux en Algérie, il y avaient de nombreux communistes – certes minoritaires – qui avaient compris et qui ne réclamaient pas « la paix » comme le demandait le PCF, mais l’indépendance de l’Algérie et le retour du contingent. Certains ont rejoint le camp du refus et aidèrent les combattants du FLN ;
Aujourd’hui il est plus que jamais urgent de lutter pour le retrait de toutes les forces d’occupation que ce soit celles sous l’égide de l’ONU ou de l’OTAN. Quand à la force de l’ONU au Liban elle n’a pas pour mission de garantir le cessez le feu mais protéger l’état sioniste.
Gisèle Escot