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L’échelle mobile des salaires : une revendication oubliée
Publie le jeudi 22 novembre 2007 par Open-Publishing2 commentaires
de Albert Ricchi
Si ne pas être au chômage constitue une chance pour beaucoup, travailler donne de moins en moins la possibilité de vivre décemment, en particulier pour les salariés les moins qualifiés, en CDD, contrats d’intérim, CNE, travail à temps partiel subi, etc.
Aujourd’hui, la France compte plus de 7 millions de pauvres, au sens des critères retenus par l’union européenne - 60% du revenu médian, soit environ 780 € par mois - et 2 540 000 personnes sont payées au SMIC.
30 % des salariés à temps plein (hors intérim) touchent un salaire inférieur à 1,3 SMIC (moins de 1 630 € bruts par mois). Moins mal lotis, mais loin d’être aisés, près de la moitié de l’ensemble des salariés, soit 8,5 millions de personnes, touchent entre 1,3 et 2 fois le SMIC (soit entre 1 630 € et 2 500 € bruts par mois).
Depuis la suppression de l’échelle mobile des salaires au début des années 80, le niveau réel des salaires baisse régulièrement. Un tel dispositif indexant les salaires sur l’indice des prix et visant à maintenir le pouvoir d’achat des salariés était une vieille revendication du mouvement syndical mais elle ne semble plus aujourd’hui d’actualité, ni pour les organisations syndicales, ni pour les partis politiques...
Chaque année, c’est à peu près le même scénario qui se produit : les pouvoirs publics et le patronat proposent, dans les secteurs public et privé, un pourcentage d’augmentation des salaires inférieur à l’indice des prix, les organisations syndicales soumettant, quant à elles, un pourcentage supérieur.
Puis, dans un second temps, souvent après quelques manifestations ou grèves, les pouvoirs publics et le patronat, faisant mine de reculer, proposent un pourcentage d’augmentation supérieur à celui proposé initialement mais cependant toujours inférieur à l’inflation !
Ce scénario se reproduit ainsi, cahin-caha, depuis le début des années 80, alors que la protection du pouvoir d’achat des salariés devrait dépendre d’un mécanisme précis, s’appliquant de façon automatique chaque année, au même titre que l’indexation de certains avantages sociaux ou prestations familiales.
C’est en 1982, sous la présidence de François Mitterrand, que la gauche a opéré un tournant historique. Voulant lutter contre l’inflation, le blocage des salaires et des prix fut imposé de juin à novembre.
Dans la fonction publique, l’Etat bloqua les salaires qui avaient suivi l’évolution des prix les années précédentes. Il incita ensuite les employeurs du secteur privé à faire de même, en les invitant à faire évoluer les salaires en fonction non de la hausse réelle des prix, mais du taux d’inflation "prévu" par le gouvernement.
Les clauses d’indexation des salaires sur les prix furent une à une retirées des conventions collectives dans les années qui suivirent. Elles étaient de fait considérées comme illégales depuis une ordonnance d’Antoine Pinay en 1959, mais après mai 1968, elles réapparaissaient dans certaines conventions.
Puis les lois Auroux ont réaffirmé leur interdiction dans le Code du travail, article L.141-9 : "Sont interdites, dans les conventions ou accords collectifs de travail, les clauses comportant des indexations sur le salaire minimum de croissance ou des références à ce dernier en vue de la fixation et de la révision des salaires prévus par ces conventions ou accords."
En 1983, Jacques Delors, ministre de l’Economie et des Finances, décida de deux plans d’austérité et le pouvoir d’achat des salariés commença à diminuer régulièrement, l’échelle mobile des salaires ayant été supprimée sans pour autant que le chômage diminue.
Aujourd’hui, outre la revalorisation annuelle du SMIC (3,05% d’augmentation au 01/07/06 donnant 1254 € bruts pour 35 heures hebdomadaires), les salaires évoluent en pratique :
– soit à l’occasion d’une négociation individuelle entre l’employeur et le salarié ;
– soit au cours de négociations conclues entre les partenaires sociaux.
Lorsqu’un accord est conclu, un avenant s’ajoute à la convention collective et s’applique à tous les employeurs concernés, après parution d’un arrêté ministériel. Des accords peuvent également être prévus dans le cadre de l’entreprise. Ils se superposent alors aux conventions collectives, ce qui signifie qu’ils ne peuvent en aucun cas prévoir des salaires inférieurs à ceux déjà fixés par la convention collective.
Si les salaires les plus bas sont automatiquement réévalués en fonction du SMIC, ces augmentations n’entraînent pas, par contre, la réévaluation des salaires supérieurs à cette rémunération minimale. En effet, la loi interdit la réévaluation automatique des salaires en fonction du SMIC ou de tout autre indice. Cette pratique, renouvelée chaque année, tasse de plus en plus les grilles hiérarchiques vers le bas...
Mais la situation des salariés est aussi aggravée par un indice officiel des prix à la consommation qui ne reflète pas la réalité.
Aujourd’hui, en vue des négociations salariales 2007, les directions d’entreprise s’appuient sur le chiffre officiel de l’inflation, environ 1,5%, pour négocier comme d’habitude a minima. En réalité, la hausse des loyers autorisée par le tout nouvel indice de référence des loyers (IRL) est de 3,19% et l’augmentation des prix des produits alimentaires se situe entre 1,7% et plus de 3,6% !
En fait, même si les prix des produits manufacturés restent maîtrisés (diminution de 0,10%), la mesure de l’inflation ne concerne que les prix à la consommation. Cet indice ne dit donc rien, par exemple, de la fiscalité, et gageons qu’entre impôts directs et indirects, la fiscalité augmentera de plus de 1,5% !
Enfin, même pour la consommation, quand un nouveau produit est mis en vente, l’augmentation de prix par rapport au produit ancien n’est pas intégré dans l’indice.
L’indice des prix calculé par l’INSEE est d’autant plus fantaisiste qu’il n’a jamais intégré l’augmentation des prix camouflée par les « arrondis » opérés nettement à la hausse après le passage à l’euro et par un blocage ou une diminution de salaires liés au passage aux 35 heures dans la plupart des entreprises.
Afin d’enrayer l’érosion continue du pouvoir d’achat des salariés, il est donc urgent de réintroduire un système d’indexation des salaires à l’indice des prix, car l’inflation, même si elle est plus faible aujourd’hui que dans les années 80, touche en priorité les salariés et les couches sociales les plus fragiles.
En ayant négligé le problème de la défense du pouvoir d’achat, tous les gouvernements successifs, depuis 1983, ont une lourde part de responsabilité dans les difficultés que rencontrent aujourd’hui des millions de personnes.
Mais ceci n’a pas l’air de sauter aux yeux de nos femmes et hommes politiques...
Messages
1. L’échelle mobile des salaires : une revendication oubliée, 22 novembre 2007, 10:21
Merci de votre alerte ;une precision:comment sont detruits tous les droits sociaux :
Le Code du travail a déjà perdu l’élection
mercredi 2 mai 2007
Camouflé par le grand barnum électoral, le gouvernement Villepin a fait passer en douce une ordonnance pour tailler en pièces le Code du travail. Un dernier coup de pouce à la France du « changement ».
Ni vu ni connu. Profitant de la diversion créée par la campagne électorale, le gouvernement Villepin a promulgué une « recodification » du Code du travail. Tirée le 7 mars, cette dernière salve réjouit le Medef, qui la réclamait depuis cinq ans, mais aussi Nicolas Sarkozy, qui a promis à maintes reprises de désosser les protections légales conquises par les salariés. Ce n’est pas si souvent qu’un candidat applique son programme avant même d’être élu. Hélas ! Accaparés par le sondage du jour, les médias ont négligé de saluer cette performance. Pas un mot dans les journaux télévisés ni dans la presse quotidienne – à l’exception d’un articulet du Monde, qui relaie la version courtoise d’un pouvoir légitimement soucieux de « réécrire » le Code du travail « en français de tous les jours » (7.3.07).
Il est vrai que Gérard Larcher, le bourbonien ministre délégué à l’Emploi, a revêtu sa tronçonneuse d’une perruque Louis XVIII. L’ordonnance du 7 mars ne s’attaque qu’à la partie législative du Code, laissant au prochain gouvernement le soin d’en charcuter la partie réglementaire. Une fois retaillé des pieds à la tête, le nouveau Code devra encore être ratifié par le Parlement avant d’entrer en vigueur. La démolition du droit du travail est un chantier ardu qui exige persévérance et doigté. Inutile cette fois de lâcher le mot anxiogène de « réforme » : on parlera de « remise à plat progressive », d’une « démarche concertée » pour simplifier un droit du travail « devenu trop complexe ».
Écartelage et toilettage
Reste que le « français de tous les jours » se parle avec un fort accent de Neuilly. Dans le chapitre sur l’emploi, par exemple, le Code Larcher ne propose plus de « prévenir les mutations économiques » mais de « les anticiper et de les accompagner ». Plus loin, un nouveau chapitre intitulé « dispositions communes à tous les contrats » préfigure le contrat unique cher à Laurence Parisot, la madone du Medef, pour qui « la liberté s’arrête là où commence le Code du travail ». Autre subtilité sémantique : des principes énoncés naguère à l’impératif se déclinent désormais au présent de l’indicatif. Ainsi, la formule « l’employeur doit consulter » devient « l’employeur consulte ». La notion d’obligation, trop « complexe », a sauté au passage.
La chafouinerie patronale se reconnaît aussi à la réorganisation des passages sensibles. Le licenciement collectif a été transféré dans le chapitre sur les relations individuelles, ce qui rabaisse la garantie collective au rang d’un contrat de gré à gré. Plus sournoisement, le gouvernement fait basculer certaines dispositions du registre législatif dans le domaine réglementaire. Résultat : les seuils à partir desquels toute entreprise doit désigner un délégué du personnel (ou un comité d’entreprise) ne seraient plus garantis par la loi. Chaque gouvernement pourrait relever ces seuils à sa convenance, du jour au lendemain et sans vote parlementaire.
Par ailleurs, la durée du travail a disparu du chapitre sur les conditions de travail pour être rattachée à celui des salaires, manière d’exaucer une vieille exigence du Medef, qui ne veut considérer les questions de repos et de congés que sous l’angle du coût financier. L’inspection du travail, elle, est désormais noyée dans un vaste chapitre sur « l’administration du travail »… On n’en finirait plus d’énumérer les « simplifications » de ce genre. Par petites touches techniques d’allure inoffensive, le Code Larcher déroule le tapis rouge aux bétonnières du patronat. Un legs de Chirac aux salariés, en témoignage de son amour.
« Cette réécriture est une machine à modifier l’interprétation des juges », dénonce au Plan B le juriste Philippe Masson, chargé du dossier à la CGT. Les confédérations syndicales l’ont d’autant plus amère qu’elles ont d’abord joué le jeu du « dialogue social », avant de voir leurs suggestions balayées par les promoteurs du plan de casse. Ces derniers n’avaient qu’un souci : combler les désirs les plus fous de la branche politique du Medef, avant que le gouvernement Villepin n’exhale son dernier soupir.
La gestation de l’ordonnance remonte à novembre 2003, lorsque François Fillon – alors ministre des Affaires sociales – nomme une commission de neuf vandales chargés de « toiletter [1] » le Code du travail. Face à un Parti de la presse et de l’argent (PPA) séduit par son appartenance à la mystérieuse « sensibilité sociale » de l’UMP, Fillon tient un langage de vérité : « Je souhaite que, sur l’organisation du travail et sur les heures supplémentaires (contingent et rémunération), les entreprises retrouvent une plus grande liberté » (Les Echos, 20.11.03). Pour garantir la fiabilité des travaux, Fillon confie la présidence de la commission à Michel de Virville, secrétaire général et directeur des ressources humaines du groupe Renault. L’homme qui, en 1997, par conférence de presse, avait appris leur licenciement aux trois mille ouvriers de Vilvorde.
Un cavalier pour le Medef
Les conclusions de la commission Virville ravissent le gouvernement. Mais un calendrier chargé repousse à plus tard leur mise en application. Jusqu’au 9 décembre 2004, quand la loi dite « de simplification du droit » lâche Gérard Larcher sur la bête. On notifie un délai au molosse : il devra soumettre sa copie au Parlement avant fin juin 2006, faute de quoi le Palais Bourbon lui remettra sa muselière. Larcher traîne la patte. Lorsqu’il boucle enfin sa « traduction » du Code, le CPE jette des millions de manifestants dans les rues. Échaudé, Villepin préfère ranger la copie dans ses braies. Tant pis pour la date butoir, on trouvera autre chose quand les circonstances seront plus clémentes.
Elles le seront dès la rentrée suivante : les 11 octobre et 30 décembre 2006, l’Assemblée nationale autorise Larcher à se remettre à l’ouvrage. Pour lui accorder cette seconde chance, Villepin recourt à une astuce appelée « cavalier parlementaire ». La méthode consiste à court-circuiter les députés en enfouissant un texte venimeux dans un fourre-tout plus anodin. Dans le cas de Larcher, la réécriture intégrale des trois mille articles du Code du travail est entérinée par un simple amendement à la loi sur… la participation et l’actionnariat des salariés. Francine Blanche, secrétaire confédérale à la CGT, le souligne : « Depuis 2002, nous devons surveiller à la loupe chaque article de chaque projet de loi pour vérifier qu’il ne contient pas de cavalier parlementaire sur le droit du travail. » Cette fois, le coup fourré n’échappe pas aux députés PS Charzat, Vidalies et Le Garrec, qui font valoir à l’hémicycle que le projet du ministre « n’a pour seul objectif que de réduire la portée du droit du travail ». À quoi Larcher répond que « cette réécriture se fera à droit constant », comme la loi l’y oblige. « Malheureusement ! » déplore en écho le député UMP Xavier de Roux.
Les cadences de la machine à découdre le droit du travail dépendront de la prochaine majorité. Il n’y a que l’embarras du choix : en cas d’échec de son champion Sarkozy, le Medef pourrait assouvir son « désir d’air » auprès de François Bayrou, partisan du contrat unique et d’une renégociation de la durée de travail branche par branche. À moins qu’il ne s’exauce chez Ségolène Royal, qui a fait entendre sur le sujet des positions prometteuses. « Le contrat se substituera à la loi », déclarait la candidate socialiste le 17 octobre dernier. Le DRH de Vilvorde n’aurait pas dit mieux.
Le Plan B n°7 (avril - mai 2007)
1] Expression forgée en juin 2005 par Patrick Ollier, alors président de la Commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale. Selon Le Petit Robert, le toilettage est l’action qui consiste à « faire la toilette d’un animal de compagnie ».
http://www.lcr94.org/Le-Code-du-travail-a-deja-perdu-l.html
2. L’échelle mobile des salaires : une revendication oubliée, 22 novembre 2007, 16:34
Sacré bon sang de soir, je l’ai vu hier sur Agoravox, mais j’ai pas pensé à le mettre sur Bellaciao. Merci l’ami Ricchi. Encore un " privilège " dont on peut remercier la " gauche ". Vieux stal borné.