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CONTROLE de La recherche d’emploi : AC ! en campagne

Publie le samedi 11 novembre 2006 par Open-Publishing
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RAPPEL : SIGNEZ LA PETITION EN LIGNE CONTRE L’EXPULSION DU LOCAL D’AC ! (ciquez ici)


Depuis automne 2005, le décret sur le contrôle des chômeurs a institué des
sanctions renforcées en cas de refus de se soumettre aux injonctions des
services de la recherche d’emploi.

Depuis janvier 2006, la mise en place du suivi mensuel par l’ANPE permet
concrètement l’application de ce décret, non seulement en termes de
radiations, mais aussi et surtout en termes de contraintes pour faire
accepter n’importe quel emploi ou miettes d’emploi.

Depuis la décentralisation du RMI, un système similaire de chantage au
revenu, de contrôle social permanent se développe contre les allocataires
des minima, contrôle bien souvent privatisé et associatif, contrôle de
proximité.

Depuis des mois, une opération médiatique sans précédent conforte et
accompagne cette politique : manipulation des chiffres du chômage,
, construction
accélérée de la figure du bouc émissaire , le précaire étant désormais
visible médiatiquement sous deux masques : le jeune délinquant et les
fraudeurs de tous âges.

Les organisations de chômeurs, affaiblies, en crise de sens, en butte aux
perpétuelles tentatives de prise de contrôle par la gauche ou l’extrême
gauche seront -au moins en apparence totalement absentes des deux grandes
luttes qui, partiellement et sans forcément les nommer, tentent de
contrecarrer cette offensive : les révoltes d’octobre novembre et celles
du printemps.

A AC !, pourtant quelques collectifs, de ceux qui ne sentent pas
particulièrement représentatifs des chômeurs et précaires, qui se
désintéressent du militantisme traditionnel, de ses manifs rituelles et
des ses communiqués de presse répétitifs vont explorer des pistes de
résistance.

Non pas une campagne classique de dénonciation d’une politique injuste,
mais la recherche de méthodes permettant à tous de bloquer la machine à
radier : après quelques mois de campagne, nous pensons utile de faire le
point sur nos initiatives , sur nos pratiques , sur le savoir que nous en
avons retiré sur le fonctionnement des dispositifs de contrôle et de
radiation.

En effet, bloquer la machine, c’est avant tout comprendre comment elle
tourne : comment concrètement des administrations qui n’embaucheront pas
beaucoup plus de personnel vont réussir à optimiser leur potentiel de
contrôle et de pression, comment on va détourner les objectifs
d’associations ou d’organismes pour en faire des supplétifs de cette
politique.

Dès l’automne 2005, nous nous rendons compte qu’une des principales armes
de cette politique sera les convocations collectives : avant même la mise
en place du suivi mensuel, l’ANPE , l’AFPA, mais aussi des organismes
para-publics de formation s’associent pour des opérations massives,
baptisées informations collectives : l’objectif , en plus de contraindre
les précaires à des stages de remobilisation, est principalement de
multiplier les radiations pour absence au contrôle. Encore peu au fait de
la politique générale d’exclusion des systèmes de revenus de remplacement,
nombreux sont les précaires qui pensent qu’un rendez-vous raté est sans
grande conséquence.

Mais avec ou sans notre intervention, quelques une de ces séances ont un
effet qui surprend et panique l’ANPE et les services de contrôle : le
regroupement massif de demandeurs d’emploi dans un lieu donné inverse le
rapport de force contrôleur- contrôlé.A Paris, notamment, plusieurs
convocations collectives donnent lieu à l’explosion de colère des
convoqués et parfois à l’annulation pure et simple de la séance.

Plusieurs collectifs AC ! utiliseront alors ces séances pour informer,
débattre et quand c’est possible favoriser l’expression d’un refus
collectif du contrôle.

Dans certains quartiers, comme l’Est parisien, l’ANPE et les services du
RMI ont à la suite de résistances plus ou moins médiatisées , remplacé les
convocations à cent ou à deux cent par des convocations à dix ou à
vingt.Ailleurs les convocations massives continuent.

De fait, les services de contrôle de la recherche d’emploi sont confrontés
à un dilemme insoluble : d’un côté l’isolement et l’atomisation sont une
nécessité absolue pour éviter toute prise de conscience du caractère
massif de la politique de destruction du droit à un revenu de remplacement
, et surtout de la potentielle force de résistance que constituent les
concernés : d’où l’individualisation du contrôle, et l’éclatement physique
des lieux ou il se pratique.

De l’autre, il est impossible de mener une politique rapide et massive
d’exclusion , et donc de maximiser le nombre de convocations et leur
régualarité sans opérations de masse, ou la présence d’un seul agent de
contrôle pendant quelques heures permet de radier des dizaines de
personnes d’un coup.

Cette contradiction est peut-être notre principale arme

Quelques exemples de nos interventions :

http://www.ac-reseau.org/Convoques-par-le-MEDEF-et-l-ANPE

http://www.ac-reseau.org/AC-Paris-s-invite-a-une

http://www.ac-reseau.org/MONTFERMEIL-l-AFPA-et-la-POLICE

Très vite, ces opérations, mais aussi la mise en place effective du suivi
mensuel à l’ANPE et les opérations similaires menées par l’ensemble des
conseils généraux, y compris de gauche, à l’encontre des allocataires des
minima, produisent leur effet : les radiations, les exclusions augmentent
en général et surtout dans nos permanences.

Très vite, une question se pose : comment empêcher au quotidien les
radiations, en l’absence d’une résistance ouverte et massive des
concernés.

Intervenir dans une ANPE ou dans un service RMI, à l’occasion d’une
radiation a-t-il un sens , ou s’agit-il d’assistanat auto-géré sans
incidence aucune sur le développement de la combativité des précaires ?

Malgré nos faibles forces, nous nous lançons dans un mode d’action à
mi-chemin entre le recours individuel et l’action collective : notre idée,
c’est qu’il est possible à trois ou à quatre, par une intervention
collective autour d’un cas particulier , de créer pour quelques heures du
lien entre les précaires présents dans une ANPE ou ailleurs, des dialogues
, mais aussi des résistances communes.

Au fur et à mesure de nos interventions, nous comprenons notamment
l’importance des confrontations publiques avec la direction des ANPE pour
le renversement du rapport de force : la direction est en effet le
deuxième échelon de la radiation, avant la commission de la DDTE et juste
après l’agent.Or ce qui revient toujours, c’est la difficulté de
rencontrer ces directeurs et directrice.

Presque chacune de nos interventions permet à l’ensemble des présents de
s’emparer du moment pour interpeller à leur tour celui ou celle qui a
pouvoir discrétionnaire sur leurs vies, celui qu’ils ne connaissent que
par la signature en bas des avis de radiation.

Autre intérêt, dans une APE dans un service RMI ,ou dans le cadre d’une
convocation collective, sont physiquement regroupés des précaires aux
statuts éparpillés qui ne se croisent pas dans leur secteur d’activité :
potentiellement dans un contexte ou ni l’entreprise, ni les organisations
syndicales sont de plus en plus rarement un espace de socialisation commun , ces institutions
sont un lieu possible de construction d’une identité collective.
Ou d’autre, des bac plus huit et des bac moins deux, des intérimaires et
des chômeurs de très longue durée, des jeunes entrants sur le marché du
travail et des précaires éternels peuvent-il se trouver un intérêt commun
IMMEDIAT ?

Matérialiser le plus souvent possible cet intérêt par des interventions
publiques , c’est un moyen d’étendre l’espace potentiel de nos luttes et
de nos expressions. Ainsi pendant le mouvement autour du CPE, alors que
d’autres de toutes tendances s’interrogeaient sur comment orienter ou
radicaliser ceux qui étaient déjà en lutte, avons-nous continué à
parcourir les institutions du chômage et de la précarité : nous y avons
constaté une envie de s’informer et de débattre à laquelle ne répondait
aucune présence régulière des acteurs du mouvement hormis la nôtre au
moins en région parisienne.

Quant à l’efficacité de ces interventions contre l’offensive de l’ANPE et
des services RMI, le résultat immédiat en donne déjà une indication.

Dans quatre vingt quinze pour cent des cas, la radiation ou la suspension
est annulée.
Et ce quel que soit le niveau de la procédure ( validée ou
non par la commission DDTE ), et surtout quel que soit la gravité ou les
arguments de l’ANPE ou du service RMI. Nous parvenons à faire annuler des
radiations parfaitement légales ( allocataire n’ayant pas assisté à
plusieurs rdv de suite ou parti en vacances sans le déclarer ) ou
concernant des demandeurs qui , pour diverses raisons ne sont pas en
recherche active d’emploi.

Ce résultat traduit selon nous la crainte de l’ANPE et des institutions de
contrôle en général de voir leur politique publiquement mise en cause par
les concernés mais et aussi et surtout une bonne évaluation du degré de
colère des concernés.

L’ambiance en effet est pour l’instant à la peur et à la colère rentrée,
mais nous l’avons vu lors des convocations collectives, il suffit parfois
d’un rien pour que cette révolte explose.

D’ailleurs, les incidents , individuels ou collectifs se sont multipliés
toute cette longue période et pour nous, AC ! doit au minimum à défaut
d’être un lieu ou l’offensive se prépare en commun , être celui ou se
construit une vision d’ensemble de la lutte, ou la signification des
gestes individuels et épars doit trouver une dimension collective.
Deux types d’évènements surviennent dès l’automne 2005 : d’une part les
incendies et dégradations directement dirigées contre les institutions de
contrôle de la recherche d’emploi, ANPE et ASSEDIC dont au moins quatre
prennent feu au mois de janvier 2006, dont certaines ou sont inscrits des
slogans anti-radiations.

Ces incendies donneront lieu à débat dans les syndicats et dans les assocs
de chômeurs, à peu près sur le même mode que ceux sur les révoltes
d’octobre et novembre. Quant à nous, nous diffuserons l’info sur nos
listes et nos sites , au même titre que nous diffusons d’autres luttes.


Ces incendies sont et demeurent un élément de la révolte
, un moyen
d’apprécier le niveau de colère des concernés. Il ne s’agit pas pour nous
de surestimer la méthode ( en effet avec l’informatisation du contrôle,
aucune destruction de données n’est jamais garantie ), ni de la
sous-estimer, que ce soit dans son impact sur les concernés ou dans son
utilité concrète de ralentissement localisé de la politique de radiation.
Comme le résume assez bien AC ! 21, à l’époque, « les sans composent avec
les armes dont ils disposent »

Ce qui nous parait important est encore une fois de rendre visible
l’espace occupé par les résistances et de matérialiser une colère commune,
quand les médias mais aussi les organisations moribondes des travailleurs
et des usagers travaillent en permanence à disjoindre ce qui serait fait
divers et ce qui serait une politique de résistance digne de ce nom, ce
qui serait le fait d’individus criminels ou désaxés et l’attitude
responsable des chômeurs estampillés en lutte.

En ce qui concerne les attaques matérielles contre les agences ( et non contre les agents ), les déménagements d’ANPE, en plein jour cette fois deront écho pendant le mouvement autour du CPE, aux incendies survenus quelques semaines plus tôt : pas très étonnant, dans la mesure ou les étudiants sont des précaires comme les autres, interdits d’allocations chômage et de RMi, alors même que plus de la moitié d’entre eux cumule études et emploi et cotise donc au régime d’assurance chômage.

L’attitude responsable , pour nous ce sera aussi nous solidariser avec ces
actes isolés , de ceux qu’on a pris l’habitude de psychiatriser, que ce
soit sous l’angle de la dangerosité sociale ou de la pitié moralisatrice.
Pendant cette année, les privations de revenu, la contrainte à l’emploi,
l’humiliation permanente du contrôle, vont entraîner une deuxième sorte de
réactions. Réactions d’auto-destruction en même temps que de révolte : ce
sera cet intérimaire qui s’immolera par le feu dans une assedic
bordelaise, ce Rmiste qui défoncera une Caf à coups de voiture bélier, cet
autre qui se jettera par la fenêtre du centre d’un espace insertion
parisien.

Parce qu’elles se produisent dans les lieux même du contrôle, pour nous
ces actes traduisent une volonté de révolte, et aussi une identification
et une réflexion sur les causes d’une situation devenue à tel point
insupportable qu’il doit y être mis fin même au prix de sa propre vie. Ces
actes ne sont pas irrationnels, bien au contraire ils mettent à nu une
logique terrible : celle de vies qui ne valent plus la peine d’être
vécues, à qui le contrôle et la répression ont enlevé toute valeur.

L’objectif de toutes ces politiques de précarisation, c’est finalement
faire en sorte que l’on n’existe jamais pour soi : le précaire, c’est
celui dont la force de travail et pas seulement dans l’entreprise doit
être tout entière utile pour d’autres , pas seulement comme force
productive dans le cadre du salariat classique . Les radiations, les
activités occupationnelles et absurdes imposées par le contrôle mensuel
ont d’abord comme obejctif de briser notre résistance aux formes modernes
d’exploitation : le chômage doit être aussi dur et voleur de temps que
l’emploi afin que plus personne n’ait la tentation de refuser les formes
de salariat précaire ou de prendre la place qu’on lui assigne dans le
processus de production, indépendamment de ses propres désirs.

Mais le contrôle est en soi source de profit , généralement pour les mêmes
qui profitent simultanément des précaires en emploi.
L’activité de nos collectifs sera aussi de mettre en lumière ceux qui
profitent du chômage, par le biais de la privatisation du traitement
social du chômage.

Entreprises d’insertion, multinationales de l’intérim seront occupées,
tandis qu’un début de carthographie sera effectué au fur et à mesure de
nos interventions.

Donc, en sus de la résistance au contrôle, comment nous réapproprier un
peu du temps volé ?

D’abord en en gagnant du temps par la production commune d’outils de
résistance au contrôle : pas seulement des actions mais aussi du savoir :
le guide des droits des précaires sera enrichi régulièrement à partir de
l’analyse des textes de loi qui régissent le contrôle des chômeurs mais
aussi et surtout par la connaissance des pratiques de l’institution qui
tentent de donner une application concrète à ces textes.Gagner du temps pour tous, c’est aussi utiliser les failles des
règlementations pour imposer la reconnaissance d’activités hors insertion
professionnelle .

Nous utiliserons notamment la loi sur le RMI et les différentes modalités
de contrat d’insertion pour forcer les départements à reconnaire que la
recherche d’un logement, des activités associatives ou collectives peuvent
et doivent donner lieu à une contrepartie de revenu.

L ‘efficacité du contrôle dépend avant tout de ces pratiques de proximité , et la
résistance à ces pratiques ne peut être le fait de spécialiste du droit
mais uniquement de ceux qui l’expérimentent au quotidien, non seulement les usagers mais aussi les personnels.

Car l’accélération des politiques de précarisation et de contrôle entraine aussi celles des mutations des formes d’emploi chez les salariés des institutions chargés de mettre en place ces politiques. Si tout est fait pour nous dresser les uns contre les autres, il se trouve que nos conditions sociales tendent à s’uniformiser par le bas.

Cette tendance se traduit d’abord par l’augmentation exponentielle du nombre de salariés de l’ANPE ou des autres structures de contrôle de la recherche d’emploi, qui sont eux même sous statuts précaires : le développement des contrats aidés du plan de cohésion sociale est concommitant à la mise en place du contrôle mensuel : de fait à l’ANPE , des milliers de chômeurs longue durée sont embauchés en contrat d’avenir et passent de l’autre côté de la barrière. De même , les collectivités territoriales et leurs associations satellites ont recours à ce type de contrats dans tout le secteur social et notamment pour mettre en place et gérer au quotidien de nouvelles formes de pression, comme le contrat de responsabilité parentale. Dans certains départements comme celui du Rhône, le conseil général embauche des CDD pour assurer des convocations collectives de Rmistes.

Dans le même temps les conditions de travail des salariés en poste de manière stable se dégradent : primes au rendement, contrôle des contrôleurs se développent.

Si , sur certains personnels, cette politque se traduit par une accentuation de l’identification entre le salarié et l’institution , comme en témoigneront la manière dont certains syndicats de l’ANPE interpréteront les incendies d’ANPE comme une agression qui les vise personnellement, chez beaucoup d’autres au contraire , elle va accélérer la prise de conscience de l’intérêt d’une résistance commune avec les chômeurs et précaires.

Contribuer à cette convergence des luttes, consistera pour nous , non seulement à relayer les grèves contre le suivi mensuel ou les luttes des travailleurs sociaux du Rhône qui refusent d’appliquer la politique de radiation des Rmistes , mais aussi et surtout d’ouvrir des espaces de discussion et de confrontation : tel est l’objectif de la rubrique "les révolté-és de l’anpe, ou des agents s’expriment sous un nom d’emprunt .

Cette collaboration nous permettra à la fois de diffuser la critique parvenant de l’intérieur de l’institution, mais aussi d’enrichir nos modes de résistance au contrôle avec les informations précieuses des agents.

Finalement, notre campagne toujours en cours présente des caractéristiques
originales , bien loin des gesticulations militantes qui tournent toujours
autour des mêmes pratiques et discours : victimisation des concernés,
dénociation verbale des politiques menées et tentatives d’agir à ce ui est
perçu comme le niveau le plus haut du pouvoir , Ministère ou direction de
l’UNEDIC, autour de pratiques de mobilisation désuètes et déconnectées de
la réalité des premiers concernés.

Notre manière d’agir est nationale dans la mesure ou elle est mise en
commun des savoirs locaux et reprise partout en France des pratiques dont
la pertinence a été avérée localement.

Notre préoccupation commune est aussi l’interactivité plutôt que la
recherche d’une quelconque représentativité qui serait propre aux
précaires estampillés en lutte.Si nous avons une quelconque spécificité
par rapport à ceux qui dans leur vie quotidienne résistent aux radiations
et à la politique de contrôle avec les moyens dont ils disposent, c’est
celle de vouloir rendre visible la lutte souterraine et souvent muette qui
a lieu , celle de mettre en lumière nos intérêts communs au-delà des
divergences de statut, et le rapport de forces, qui a défaut d’être pensé
et coordonné ensemble n’en a pas moins une réalité et une efficacité
souvent mieux perçue par ses adversaires que par les premiers concernés.

AC ! Paris, novembre 2006
acparis@no-log.org


AC !

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