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Entre décadence et destruction, notre civilisation va devoir choisir

Publie le dimanche 13 mars 2011 par Open-Publishing
6 commentaires

La plus grande erreur des civilisations qui nous ont précédé fut de se croire, à l’apogée de chacune d’elles, au sommet de la perfection, persuadées qu’elles étaient de leur infaillibilité. C’est pourtant cette période que l’Histoire considèrera toujours (a posteriori) comme le début de leur décadence ; période dans laquelle il semblerait que notre civilisation soit rentrée.

A l’instant où j’écris ces lignes, les images d’une explosion dans une centrale nucléaire au Japon illustrent parfaitement l’état de ce monde incapable, malgré toutes les technologies disponibles et les sécurités exigées, de faire face à la puissance de la Nature, cette même Nature qu’il se glorifie pourtant de savoir maîtriser. Nous fabriquons des OGM, nous travaillons à la fusion nucléaire, nous étudions l’ADN et produisons des coeurs artificiels, et nous marcherons bientôt sur Mars, c’est certain ; mais nous sommes toujours incapables de donner à manger à tous les êtres humains qui peuplent cette planète.

Bien sûr nous ne sommes pas en mesure de contrôler le climat, et aucune civilisation ne peut empêcher les catastrophes naturelles, nous rétorquera-t-on. Mais dans ce cas, ne peut-on, ne doit-on pas faire oeuvre d’humilité, et éviter que ne soient rendues possibles les terribles conséquences de ces catastrophes ?

Car si nous ne sommes pas encore capables d’éviter les catastrophes naturelles, nous sommes bien capables de les empirer, et il serait bon de se demander quelle force nous pousse à nous croire supérieurs aux forces qui nous dépassent en définitive. Et surtout comment nous rendons nous-mêmes possibles les conséquences de ces catastrophes, en construisant près des côtes, en utilisant une énergie que nous maîtrisons mal, en préférant cacher la réalité des dégâts plutôt que de les assumer. Comment accepter de prendre le risque d’une catastrophe nucléaire sans savoir comment s’en protéger ? Un territoire comme le Japon, soumis à une activité sismique continuelle, doit-il se résoudre à continuer d’utiliser cette énergie, alors même qu’en cas de catastrophe c’est le Japon tout entier, et même au-delà la planète elle-même, qui se trouvent menacés ?

Aujourd’hui il faut se rendre à l’évidence, jouer à l’apprenti sorcier est une erreur qui peut être lourde de conséquences : au delà des inévitables victimes liées au Tsunami, le bilan de cette catastrophe pourrait bien se voir démultiplié par l’effet de notre propre prétention, celle de croire que nous pouvons maîtriser nos propres réalisations. Le bilan humain aurait-il été le même sans les constructions solides de Tokyo, ou sans la relative fragilité d’une centrale nucléaire ? Et en Haïti, le bilan aurait-il été si lourd si des précautions avaient été prises il y a déjà bien longtemps, alors qu’on savait déjà les risques que cette partie du monde comportait ?

Non, cela va plus loin que la simple « fatalité ». C’est le fonctionnement d’un système tout entier qui se trouve remis en cause par notre inconscience collective, comme dans la légende pourtant évocatrice et prédictive du mythe de l’Atlantide : en se croyant supérieur à la nature, en se proclamant démiurge omnipotent, l’Homme a abandonné depuis trop longtemps l’humilité à laquelle aurait dû le contraindre l’Histoire des civilisations passées. Et tout cela au nom de quoi ?

Au nom de la rentabilité à tout prix, de l’individualisme forcené, du « veau d’or » que nous adorons depuis trop longtemps et qui nous pousse à vendre des médicaments dangereux, à utiliser une énergie qui nous dépasse, à concevoir un monde rentable avant d’être humaniste, ou juste viable. Nous sommes actuellement parvenus à un point de civilisation où tout est rendu possible : le meilleur comme le pire. Nous avons le choix entre continuer à nous autodétruire, ou bien de conserver ce qui est bon , et de retirer ce qui ne l’est pas . Ce choix doit être conscient et universel, et nous l’avons encore. Faut-il donc continuer à utiliser l’énergie nucléaire partout, et surtout faut-il aller plus loin, vers cette « fusion » dont on ne connaît même pas la puissance ? Faut-il continuer à produire des OGM dont les conséquences sont indéchiffrables ? Faut-il encore considérer le pétrole comme une énergie « positive » ? Et cela même si c’est rentable ? Il nous faut cesser de croire que nous sommes arrivés au faîte de la civilisation, car désormais la puissance technologique à laquelle nous sommes parvenus ne s’accompagne pas de sa maîtrise, et nous sommes capables de détruire nous-mêmes l’espèce humaine, ce qui est bien plus grave que de conduire à la simple décadence d’une civilisation.

Nous sommes arrivés aujourd’hui à un point de civilisation auquel il faut s’arrêter et réfléchir, afin de prendre en compte la réalité, à savoir que le monde tel qu’il fonctionne n’est ni abouti, ni immuable. Peut-être faut-il aujourd’hui cesser de croire que le capitalisme et la démocratie se développent conjointement, et regarder enfin le monde non pas seulement tel qu’il est, mais tel qu’il pourrait être. Et pour ce faire, il faudra bien un jour imaginer se séparer du capitalisme, ce qui nécessite de se détacher des croyances qu’une propagande bien menée a établi pour nous empêcher de constater nos faiblesses. Pour revenir à la démocratie, la vraie, celle qui ne se laisse pas déborder par la corruption, la vénalité ou la recherche du pouvoir.

Et si le choc des civilisations est le seul moyen « capitaliste » de parvenir à rétablir l’illusion du progrès, c’est pour mieux cacher la chute qui suit. En réalité seule l’union des civilisations nous permettra de rétablir la démocratie. C’est à nous de nous prendre en main, car demain nous n’aurons peut-être plus la possibilité de revenir sur nos erreurs.

Nous qui croyons, comme nos ainés avant nous, que le monde ne peut plus être modifié, qu’il ne peut plus être autrement qu’il est, un tel événement devrait nous rendre la raison : le monde a déjà basculé de nombreuses fois avant nous, et nous avons du à de nombreuses reprises recommencer tout de zéro, ou presque. Sommes-nous donc obligés de recommencer toujours les mêmes erreurs ?

Engageons-nous pour que la décadence de notre civilisation ne se transforme pas en destruction, et arrêtons-nous un moment pour réfléchir aux possibilités qui nous sont pourtant offertes, ensemble, pour nous-mêmes mais aussi pour les autres, ceux qui nous suivront sur cette Terre. Les solutions existent http://calebirri.unblog.fr/2011/02/... : à nous de les rendre réelles.

Caleb Irri

http://calebirri.unblog.fr

http://lavoiedespeuples.unblog.fr

Messages

  • Merci pour cet article des plus intéressants. Malheureusement, chacun dans la société s’accroche à ses acquis et son statut social, ce qui freine un possible changement social vers une société moins capitaliste et plus juste. Chacun espérant que ce sera lui le prochain riche refuse des politiques qui amélioraient le sort de tous comme un revenu de citoyenneté universel par exemple.

    Et cette mentalité du "moi à l’échelon social supérieur par rapport à l’autre" nous mène inévitablement aux conflits et aux guerres. D’ailleurs, l’Otan semble être en train d’en préparer une autre en Lybie encore et toujours pour plus d’argent, plus de profits et plus de contrôle.

  • Le nous mentionné n’existe pas :

    durant les années 80-90, des millions de Japonais ont manifesté,bloqués,le programme nucleaire dement imposés par les lobbys du capital.

    Le scenario actuel fut decrit, prouvé, alors par les scientifiques dissidents,il n’y a pas de fatalité, juste l’autoritarisme d’un systeme militaro-fasciste imperial qui dure depuis plus d’un siecle.

    Les sondages qui revelerent 90% d’opposants au nucleaire ,furent simplement interdits et le peuple baillonné.

  • L’Homme tend a s’améliorer, et si nous vivons une époque plus complexe a gérer pour l’humanité, elle n’en est pas moins belle ni plus cruelle que les époques qui l’ont précédées. Elle est simplement différente, avec son lot d’avancées sociales, économiques, artistiques, technologiques et humaines, mais aussi de nouvelles épreuves auxquelles l’humanité doit se confronter.
    C’est cette volontée de toujours s’améliorer qui permettra à l’Homme d’etre plus lucide sur l’univers et la place qu’il occupe au sein de celui-ci !
    Aujourd’hui, c’est vers le futur qu’il faut se tourner (sans oublier nos erreurs du passé bien sûr !)

    Bonne chance à vous !

  • L’homme abstrait n’existe pas, seuls existent les hommes réels. Ceux-ci ne forment pas une humanité monolithique, mais une humanité divisée. Quelques-uns ont le pouvoir et la fortune ; l’immense majorité se partage la servitude et une misère relative.

    Le progrès n’est rien s’il ne concerne pas l’immense majorité de cette humanité.

    Si nous restons froids et critiques, que pouvons-nous et devons-nous conclure, au lendemain du séisme, tsunami, catastrophe nucléaire du Japon ?

    Que les médias et l’opinion publique ont été prompts à réagir. Dès lors qu’un malheur frappe un pays industrialisé, réputé démocratique, membre du cercle fermé des puissances capitalistes, la nouvelle est répercutée et grossie à la loupe.

    On ne peut que déplorer, bien sûr, le nombre des victimes japonaises, mais on peut et doit s’étonner de ce que d’autres événements restent minorés. La guerre d’Irak a provoqué, grosso modo, 1 million de morts (ce qui nous place très loin des milliers de Japonais victimes du tsunami). Or force est de constater que l’écho médiatique et, par voie de conséquence, l’opinion publique se sont montrés pour le moins laxistes, peu enclins à empêcher ce lent massacre dûment organisé, prévu et perpétré.

    Pire, au moment même où l’on décompte les victimes japonaises, la face contrite et compassée, des Etats prévoient, préparent une intervention armée en Libye.

    Il y a bien un choc des civilisations. Le traitement de l’information nous le prouve. Nos médias nous convient à pleurer certains morts et à ne compter pour pas grand chose les autres. Ce qui modère, et de beaucoup, la notion de progrès et l’humanisme dont notre "civilisation" se dit capable.

    Chaque jour, des habitants de la Terre meurent : de faim, de soif, de maladies. Les bourses de ces mêmes pays dits civilisés et modernes spéculent sur les denrées alimentaires.

    Ce n’est pas notre civilisation en soi qu’il faut remettre en cause, mais son système économique. Celui-ci place au centre des activités humaines la recherche du profit privé qui ne sert qu’à enrichir une faible minorité d’industriels et de banquiers. Eux décident, le reste de l’humanité subit. Cet ordre du monde est rendu possible par la répression policière ou la domination guerrière.

    La tragédie japonaise nous intime l’ordre d’améliorer les applications du progrès scientifique et technologique, certes. Mais ne nous trompons pas de cibles : ce n’est pas le nucléaire qui est en cause, ni même la nature qui nous domine, mais les choix faits antidémocratiquement par certains humains au détriment de tous les autres.

    Comment construire au Japon des centrales nucléaires quand on connaît les risques géophysiques qui menacent naturellement le pays ?

    Le Japon ne pose pas la question du nucléaire, mais bel et bien celui de la démocratie et de l’intervention populaire dans des choix aussi stratégiques.

    Notre terre et notre humanité ont essentiellement besoin de justice sociale, d’exercice authentiquement et majoritairement démocratique : fin de la solution des conflits par les guerres, désarmement généralisé, rémunération juste du travail et politique humaine des salaires, interdiction du racisme et des intolérances, arrêt de tout impérialisme économique et culturel, éradication des famines et des maladies, lutte contre l’analphabétisation et devoir d’éduquer dans les écoles, d’instruire et d’enseigner des valeurs de solidarité internationale. En bout de course, arrêt irrémédiable de la course au profit privé, à la formation des fortunes personnelles, à l’injustice sociale.

    Quant au reste, sachons rester lucides : oui, la nature est plus forte que les hommes, lesquels s’emploient depuis les origines à soumettre la nature à leur bonheur collectif et universel, ce qui comporte les risques inhérents à la condition humaine : la vie dans un univers pour longtemps encore méconnu.

    Plutôt que d’accuser à l’emporte pièce tout et n’importe quoi en enfilade, concentrons-nous sur l’essentiel : une meilleure organisation sociale qui rende, par principe indéfectible, tous les êtres humains égaux devant les lois.