Accueil > Le Beurre et L’Argent du Beurre, Numéro 0
Le Beurre et L’Argent du Beurre, Numéro 0
Publie le mardi 22 avril 2008 par Open-Publishing3 commentaires
Le Beurre et l’Argent du Beurre N°0
La feuille d’info du Reseau Solidaire d’Allocataires
Au temps jadis, nous avions des droits collectifs. Dans notre pays riche, deux cents ans de luttes avaient amené les riches apeurés à concéder aux pauvres quelques miettes, le droit à une retraite, à la prise en charge des dépenses de santé, à un revenu minimum en cas de perte ou d’absence d’emploi. Les pauvres défendaient ces droits collectivement, même quand ils n’en bénéficiaient pas personnellement.
Et puis les pauvres ont oublié leur Histoire et les riches ont imposé leur Fable : la plupart des pauvres se sont mis dans la tête que les droits ne servaient qu’aux autres. Et les riches ont inventé des croque mitaines le Chômeur, l’Assisté, le Parasite, des monstres qui suceraient la sueur et le sang des honnêtes travailleurs.
Mais il y a toujours un moment où le Travailleur, parce qu’il a perdu son emploi, ou parce que celui-ci est trop mal payé pour qu’il s’en sorte seul, parce qu’il a besoin de payer des soins, le loyer, les études des gosses se retrouve lui-même dans le rôle du croque mitaine.
Nous sommes tous des allocataires : de la CAF, de la Sécu, de l’Assedic. Et tous confrontés à un moment ou un autre aux conséquences concrètes de la propagande sur l’ « assistanat ». Traités comme des chiens et des mendiants au guichet, perdus dans le dédale des logiques administratives, soupçonnés, contrôlés, radiés. Seuls face à l’arbitraire, ne nous restent que les devoirs de nos droits perdus.
Le Réseau solidaires d’Allocataires, aurait pu s’appeler Regroupement des sacrifiés de l’Assedic, Rassemblement des Salopes assistées, ou Réunion des Sous Pauvres Affamés.
Peu importe les noms qu’on nous donne, nous avons décidé de nous regrouper sur la base des contraintes qu’on nous impose, pour les combattre collectivement.
Ce premier numéro du Beurre et de l’Argent du Beurre, la feuille d’infos du collectif sera donc consacrée aux contrôles CAF et aux moyens d’y résister.
Même si vous faites partie des allocataires optimistes qui pensent « n’avoir rien à se reprocher », gardez-le, car un vilain fraudeur se cache sûrement en vous à votre insu : que vous ayez oublié de déclarer trois heures de ménage hebdomadaires, l’aide de vos parents qui vous a évité de vous retrouver à la rue, le beau gosse qui dort chez vous trois fois par semaine. Et si vous vous êtes déjà reconnus, alors rejoignez le réseau, envoyez-nous vos confessions, participez à nos actions collectives !
RSA-Réseau Solidaire d’Allocataires
ctc.rsa@gmail.com
Tel :06 42 72 03 01
Permanences fixes tous les mercredis de 15h à 16h devant le 23, bis rue Mathis, Paris 19 ème, métro Crimée
Au sommaire
– Ordre moral à la CAF
-Fraude sociale : la grande supercherie
– En cas de contrôle
– Solidaires contre les contrôles
Ordre moral à la CAF
Il parait que nous vivons dans un pays où la femme est libre, où perdureraient certes, certaines inégalités hommes/femmes, mais rien qui ne puisse être corrigé dans le cadre du système.
Il parait qu’en France, les femmes couchent avec qui elles veulent et que personne n’a de compte à leur demander sur leur sexualité ou leur vie amoureuse. A part dans ces banlieues incultes où sévirait l’intégrisme religieux…
Pourtant des centaines de milliers d’entre nous peuvent à tout instant avoir à justifier de l’état de leurs relations sentimentales, des centaines de milliers d’entre nous en sont réduites à dépendre des revenus de leur conjoint, mari ou concubin pour survivre. Des centaines de milliers d’entre nous ne peuvent vivre dans le même logement qu’un homme sans être obligées de prouver qu’elles ne partagent pas aussi son lit.
Et ceux à qui elles doivent rendre des comptes ou cacher leurs « incartades « sous peine de se retrouver privées de tous leurs droits ne sont pas d’affreux barbus ou des missionnaires arborant la croix, mais des fonctionnaires tout ce qu’il y a de laïcs, les contrôleurs de la Caisse d’Allocations Familiale, investis par l’Etat du pouvoir d’ingérence dans notre vie privée.
Dès sa conception, le RMI a été conçu comme un revenu calculé par foyer. Depuis toujours, donc, si votre mari ou votre concubin travaille, à vous de vous arranger au quotidien pour qu’il subvienne à vos besoins. Et si aucun des deux n’a de revenus, alors le RMI couple, diminué d’un tiers par rapport au montant de deux RMI simples, sera versé sur un seul compte. Au choix, celui de l’homme ou de la femme.
Rien de sexiste là dedans ? Au départ, non, même si dans les faits, les femmes au chômage ont toujours été plus nombreuses que les hommes, et leurs salaires beaucoup plus faibles, ce qui les a donc toujours plus exposées au risque de se retrouver dans la situation de dépendance vis-à-vis du conjoint… Beaucoup plus exposées donc au risque de se retrouver avec un contrôle sur le dos. Et encore plus dans le cas où elles ont des gosses, l’immense majorité des allocataires de l’Allocation Parent Isolé étant des femmes.
Percevoir des allocations de la CAF, c’est donc aussi renoncer à une part d’intimité, accepter que l’Etat ait un droit de regard sur l’usage que nous faisons de nos corps et de nos coeurs.
Et à travers le pouvoir de catégorisation du « concubinage « que détient tout contrôleur CAF, c’est finalement un code de la Femme qui se dessine, un code réactionnaire, avec ses non-dits pudiques. Que cherche à prouver le contrôleur lorsqu’il accumule des faisceaux de preuve : les voisins qui ont vu un homme sortir de chez vous tous les matins, le fait que le logement est bien petit pour y vivre avec un homme qui ne serait pas votre concubin ? Même si ce ne sera jamais évoqué, ce qui est sous entendu, c’est bien la présomption de rapports sexuels.
Car c’est bien cela qui conditionne au fond cette fameuse vie commune, qui peut être contestée si vous hébergez un homme dans votre deux pièces, mais pas dans un studio. C’est bien cela qui sous-tend toute la démarche d’enquête, car les textes sont formels, il ne suffit pas de vivre à la même adresse, et inversement, la vie commune peut exister même si aucun papier administratif n’est là pour la valider.
Le contrôle de la CAF est donc avant tout un contrôle de nos corps et de nos vies amoureuses.
Finalement, ce refus historique d’individualiser les prestations, à quoi correspond-il si ce n’est à une conception réactionnaire des rapports amoureux et de la famille.
La femme en éternelle dépendance : si elle a des rapports sexuels avec un homme, si elle l’accueille à son domicile, alors celui-ci doit subvenir à ses besoins, et à ceux de ses enfants.
L’Etat comme chef de famille de substitution, c’est-à-dire possédant la même autorité souveraine, le même droit de surveillance en échange d’une participation à la subsistance de la femme.
Et nous sommes presque toutes concernées, hormis les plus riches : contrairement aux idées reçues, les contrôles de la CAF ne se cantonnent pas aux Rmistes et aux allocataires de l’API, mais à toutes celles qui perçoivent par exemple des allocations logement. Ou à celles dont le titre de séjour mentionne « vie privée et familiale » où les allocations familiales dépendent d’une relation continue avec un homme.
L’augmentation exponentielle des contrôles CAF n’est donc pas seulement une question budgétaire, et l’intrusion de plus en plus fréquente dans nos vies privées, le jugement et la sanction qui en découlent vont de pair avec le renouveau de l’ordre moral sous toutes ses formes.
En silence, les femmes sont à nouveau mises sous surveillance, à nouveau contraintes de rendre des comptes, d’entrer en clandestinité dès lors que leur choix de vie ne correspond pas aux codes imposés d’en haut. Une contrainte discrète et souvent intériorisée grâce à la culpabilisation ambiante : lorsque les droits sociaux sont présentés comme une aumône honteuse, lorsque être allocataire du RMI ou de l’API est une marque d’infamie que la plupart d’entre nous cherchent à dissimuler, comment dénoncer publiquement le contrôle et l’humiliation ?
Si ce n’est en s’inspirant des luttes de celles qui nous ont précédé ? En bravant collectivement les bien pensants, les nouveaux donneurs de leçon, et un pouvoir politique qui cherche une nouvelle fois à nous dénier le contrôle de nos corps et de nos vies ?
Le Beurre et l’Argent du Beurre, version intégrale est à lire et télécharger ici ;
Messages
1. Le Beurre et L’Argent du Beurre, Numéro 0, 23 avril 2008, 11:52, par momo11
Les pauvres,les chomeurs,tant et tant d’exclus c’est bien connu et répété par l’ump et ses dirigeants sont tous des escros.Pas les riches ni les politiques et encore moins ceux qui pourraient etre condamnés pour délit d’initié.momo11
2. Le Beurre et L’Argent du Beurre, Numéro 0, 23 avril 2008, 13:04, par angela anaconda
bien dit. Il existe d’ailleurs un revenu collectif, les impôts, et je pense que les femmes, les allocataires, les chômeurs bref chaque citoyen qui refléchit, devrait s’y intéresser de près et avoir son mot à dire quant à la redistribution annuelle, c’est-à-dire l’affectation annuelle desdits impôts par le biais de la loi de finances.
Je pense personnellement qu’une partie des impôts doit justement "revenir" aux citoyens (français et étrangers) en tant que membres de la même société, par le biais d’un politique sociale qui se traduirait dans un article de la loi des finances. Cet article devrait porter sur le calcul à faire que chaque année, du nombre des membres de la société et sur le quot-part à fixer de ce qui devrait revenir directement à chacun pour assurer son existence.
Assurer l’existence de chaque membre est une obligation qu’a la société (représentée par les élus) et non pas une faveur à quémander individuellement.
Le quot-part dont je parle servirait avant tout à libérer le temps nécessaire à l’éducation, à la régénération, à la libération des énergies créatrices de chacun, pour que chacun puisse être maître de son temps et s’investir à sa mesure dans le travail qui lui incombe par son appartenance successive et simultanée aux différents contextes de sa vie.
Nous n’allons pas tous devenir des écrivains, mais je suis d’accord avec Virginia Woolf (Une chambre à soi, 1928) pour dire que certaines conditions sont nécessaires pour bien démarrer dans la vie : une éducation citoyenne, une certaine indépendence financière, et une chambre à soi, "symbole de l’espace intellectuel privé qui est nécessaire pour alimenter la réflexion et la créativité".
angela anaconda
3. Le Beurre et L’Argent du Beurre, Numéro 0, 25 avril 2008, 16:54
ET SAUTER LA FERMIERE !!!!!!!!!!!