Y AURA-T-IL DU PAIN, VOIRE DU MUGUET LE 1ER MAI ?

21 avril 2025 Laurent Degousée

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C’est l’angoissante interrogation véhiculée depuis quelques jours par les médias, partie de la publication, le 15 avril dernier, d’un communiqué en ce sens de la Confédération Nationale de la Boulangerie-Pâtisserie Française suivi d’un autre de la Fédération Française des Artisans Fleuristes.

Rappelons pourtant que, au terme de leur convention collective, les boulangeries peuvent déjà ouvrir les dix autres jours fériés légaux, ce qui explique pourquoi nous aurons droit à des œufs en chocolat en ce lundi de Pâques, mais aussi tous les dimanches, la seule règle étant qu’elles observent un jour de fermeture hebdomadaire comme le boulanger - et sa femme – ont droit eux-aussi de se reposer une fois par semaine, garantie que les plus grosses d’entre elles veulent remettre en cause. Soulignons également la présence de nombreux apprenti-es, souvent mineurs, au risque d’ailleurs qu’iels se détournent de cette voie de par la rudesse des conditions de travail. Pour ce qui est des fleuristes, l’application de la leur permet déjà de faire travailler du personnel ce jour-là (et pour cause !) donc leur interpellation doit en vérité s’apprécier comme une tentative d’acquérir le monopole de la vente des précieuses clochettes ce jour-là.

Dans ce débat, l’intérêt des consommateurs et celui commercial des entreprises est mis en avant mais le droit au repos à cette date des centaines de milliers de salarié-es de ces deux branches, à l’instar de millions d’autres, n’a, à ce jour, pas voix au chapitre comme c’est tellement plus pratique de faire parler leurs employeurs à leur place...

Alors que rien n’empêche ces chef-fes d’entreprise de mettre eux-mêmes la main à la pâte le 1er mai, iels invoquent une réglementation qui serait obsolète et un arrêt de cassation de 2006 source lui d’insécurité juridique, la combinaison destructrice des deux ayant donné lieu ces dernières années à des contrôles de l’Inspection du travail, en charge pourtant de l’ordre public social au même titre que les gendarmes sont garants du respect du Code du travail ce qui, à défaut de payer avec plaisir une contravention, sauve des vies, c’est en fait à une offensive idéologique sur le temps de travail à laquelle on assiste ces derniers jours.

Non content de vouloir nous faire travailler plus longtemps tout au long de notre vie en bloquant y compris toute possibilité de revenir, par la loi ou par la négociation collective qu’il a pourtant initié, sur la réforme honnie de 2023, toujours majoritairement rejetée par les salarié-es, qui a porté l’âge légal du départ à la retraite de 62 à 64 ans, le Premier Ministre, François Bayrou, dans son discours alarmiste sur l’état des finances publiques le 15 avril dernier (tiens, tiens), nous a prévenu : « Les Français ne travaillent pas assez ! » On ne sera donc guère surpris que le gouvernement, par la voix des Ministres du travail, emboîté par de nombreux parlementaires Les Républicains et David Lisnard, le Président de l’Association des Maires de France, ont promis à nos braves patrons qu’ils allaient faire au plus vite pour lever le frein au travail ce jour-là.

Il est vrai que le 1er Mai est le seul jour férié obligatoirement chômé et payé de notre calendrier, sauf dans les entreprises qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail, quelle incongruité ! Qui plus est, c’est un jour de manifestation qui s’est construit, à partir des luttes ouvrières de la fin du 19ème siècle, sur la revendication de la réduction de la journée de travail, où commence le règne de la liberté, n’est ce pas cher Karl ?

Revenir sur cet acquis social au motif que les cafés et les restaurants, qui doivent d’ailleurs payer double leur personnel à cette date contrairement aux autres jours fériés travaillés, sont ouverts ce jour-là, et que la plupart des boulangeries, avec l’essor du snacking, vendent bien plus que du pain et de la viennoiserie, c’est ouvrir la boite de Pandore en accordant un blanc-seing aux supérettes, qui sont déjà nombreuses à bafouer la loi le 1er Mai ce que la Fédération SUD Commerce n’a pas manqué de souligner dans son communiqué. On peut aussi saluer la prise de position de Sophie Binet, la Secrétaire Générale de la CGT, qui a rappelé le caractère tout sauf anodin de ce jour férie pour le monde du travail ainsi que la flexibilité des horaires à laquelle sont déjà soumis les salarié-es du commerce, un prolétariat essentiellement féminin.

Plus qu’un jour férié, le 1er Mai est un symbole qu’il importe de défendre bec et ongles dans une époque où nous ne sommes pas condamnés à la régression sociale sans fin !

Les communiqués des fédérations patronales cités en introduction sont à lire ici pour la boulangerie et pour la fleuristerie.

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