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Les nouveaux engagés

Publie le jeudi 14 avril 2005 par Open-Publishing

Payés 200 euros par mois, 150 soudeurs taïwanais sont attendus dans les jours qui viennent pour la construction de la chaudière de la centrale thermique du Gol. Au cours du conseil communautaire de la Civis, mardi soir, les élus du Sud ont fait part au sous-préfet de leur colère. Dénonçant cette pratique “honteuse” de la part de l’entreprise italienne titulaire du marché, Ansalo, les maires de Saint-Louis et de Saint-Pierre entendent bien interpeller Brigitte Girardin, demain, lors de la visite du site en compagnie du président de la République Malgache.

La Réunion ne semble pas épargnée par les conséquences néfastes de la mondialisation. On se souvient, il y a une quinzaine d’années, des 110 Indiens recrutés par l’ancien patron de l’usine de Bois Rouge, Jacques de Chateauvieux, pour la construction des chaudières de Saint-André. Plus récemment, il y a eu les Portugais pour la réalisation de la route piétonne de Saint-Denis. Aujourd’hui, 150 ouvriers taïwanais sont recrutés pour réaliser les travaux de soudure sur le chantier de l’extension de la centrale thermique du Gol. L’information gardée secrète par le maître d’ouvrage, La Compagnie Thermique du Gol, et les autorités locales, a été annoncée aux élus sudistes mardi soir lors du conseil communautaire de la Civis en présence du sous-préfet de Saint-Pierre, Olivier Magnaval.

La préfecture attend des explications

L’extension de la Centrale thermique de Saint-Louis représente un coût d’investissement de plus de 100 millions d’euros. Après avoir lancé un appel d’offres international, c’est le groupe italien Ansalo qui a obtenu le juteux marché. Comme c’est souvent la pratique au sein de ces grosses multinationales, la société transalpine a, à son tour lancé un appel d’offres et confié le marché à une entreprise taïwanaise. Ce qui explique au final, la venue des soudeurs taïwanais à la Réunion. Autant dire qu’avec une moyenne de 45% de taux de chômage dans le Sud, les maires siégeant à la Civis, notamment ceux des villes de Saint-Louis et de Saint-Pierre, ont tapé du poing sur la table. Michel Fontaine, qui préside également aux destinés de la communauté des villes solidaires du Sud a dénoncé auprès du sous-préfet, cette pratique qu’il aurait même qualifiée de “honteuse”. “C’est déplorable de constater que ces multinationales, bien que européennes, considèrent la Réunion comme un pays du tiers monde”, aurait lancé un élu. Tel qu’on le connaît, Cyrille Hamilcaro n’a pas non plus mâché ses mots. D’autant que cette main-d’œuvre étrangère ne coûterait pas chère à l’entreprise Ansalo. En effet, dans leur contrat de travail déposé à la préfecture pour les demandes de visa, on affiche un salaire mensuel de 200 euros. De quoi réduire drôlement les coûts de production et augmenter les marges bénéficiaires de l’entreprise. Pour sa part, le représentant de l’État a assuré que la préfecture n’avait pas encore délivré les visas nécessaires au séjour de ces ouvriers. “Effectivement, nous avons reçu de l’entreprise des demandes de visa pour un certain nombre d’ouvriers spécialisés taïwanais. Il est clair que nous y donnerons suite seulement après des explications et des justifications de l’entreprise quant à ces embauches étrangères. Compte tenu de la situation sociale actuelle, notamment dans le Sud, nous devons nous assurer auprès du maître d’œuvre de l’absence de compétence locale pour le montage de la chaudière”, se défend le sous-préfet de Saint-Pierre.

L’incompréhension des ouvriers

Pour l’heure, une dizaine de chefs d’équipe taïwanais sont déjà arrivés à Saint-Pierre. Une deuxième vague est prévue aujourd’hui et demain, via l’île Maurice, en attendant que le reliquat des effectifs soit opérationnel d’ici quelques semaines. Encore faut-il que le problème logistique, notamment l’hébergement des 150 ouvriers soit réglé. En effet, mis hors d’eux par cette nouvelle, certains élus auraient déjà demandé aux hôtels et pensions de famille de la place “de fermer leurs portes aux indésirables taïwanais”. Sur le chantier, les ouvriers de la GTOI, à qui ont été confiés au préalable les travaux de génie civil, avouaient être désemparés, “Nana bougre i gagne soudé ici. Arrét déconné don !” Ce sont 300 personnes qui travaillent sur ce chantier de La Compagnie Thermique du Gol. Une unité de production électrique bagasse charbon de 55 MW qui devrait s’étendre sur 7,5 hectares, et désormais indispensable pour répondre à la consommation locale. Un enjeu certes considérable pour le Sud de l’île, mais des investissements dont les élus locaux souhaiteraient néanmoins faire profiter au maximum la population locale, notamment en terme d’emplois. D’ailleurs, Ils sont bien déterminés à interpeller la secrétaire d’État à l’Outre-mer, Brigitte Girardin lors de la visite présidentielle du chef de l’État malgache invité à découvrir le savoir faire technologique réunionnais en matière de production énergie électrique sur le site du Gol, prévue demain.

Lilian Reilhac

La fermeté du préfet

Injoignable hier, Jean-Luc Cousin, directeur de la centrale thermique du Gol a néanmoins été interpellé par le préfet, Dominique Vian, en fin de soirée, afin qu’une alternative soit proposée par le maître d’ouvrage. Le représentant de l’État aurait également fait part à son interlocuteur de sa fermeté sur ce dossier qui, selon lui risque de troubler l’ordre public sur une île où le chômage bat tous les records. Selon certaines indiscrétions, le responsable de la centrale thermique du Gol aurait laissé entendre que l’entreprise italienne était disposée à effectuer elle-même la réalisation de la chaudière, alors que les cadres taïwanais, déjà sur place, doivent réceptionner leur matériel lourd actuellement au Port, en attendant leurs collègues de TaÏwan. En tout cas, les élus sudistes, eux, sont déterminés à interpeller la secrétaire d’État, Brigitte Girardin qui accompagnera le président Marc Ravalomanana demain sur le site du Gol. La visite risque d’être très chaude.

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