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Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne : "L’arrêt de l’aide européenne n’est pas justifié et il y a urgence"

Publie le dimanche 23 avril 2006 par Open-Publishing

Propos recueillis par Gilles Paris, Ramallah

Qu’espérez-vous des visites que vous allez effectuer ces prochains jours, notamment en Turquie, en Norvège et en France ?

Je vais expliquer notre position, afin que les Palestiniens ne soient pas pénalisés par le blocus économique qui a été décidé [par l’Union européenne et les Etats-Unis].

J’estime que l’arrêt de l’aide [directe] européenne n’est pas justifié. Si les pays européens ne veulent pas avoir de contacts avec le gouvernement palestinien [contrôlé par le Mouvement de la résistance islamique (Hamas)], il existe d’autres moyens pour maintenir une aide destinée au peuple palestinien. L’une des pistes peut consister à passer par la présidence de l’Autorité palestinienne, qui la recevrait et qui la redistribuerait. Cette option a été examinée avec différentes parties palestiniennes. Le problème de l’aide se pose déjà. De l’argent en provenance du Qatar a ainsi été versé à la Ligue arabe, mais celle-ci ne sait pas quoi en faire. Or il y a urgence.

Il faudrait que les salaires [des fonctionnaires], ou du moins qu’une partie de ces salaires soit versée le plus rapidement possible. Nous allons faire des propositions en ce sens aux Américains et aux Européens en espérant qu’elles seront acceptées. Mais pour l’instant, nous n’avons eu aucune réponse.

Que pensez-vous de la réaction du Hamas après l’attentat de Tel-Aviv perpétré lundi 17 avril par le Djihad islamique ?

J’espérais qu’ils allaient condamner ce qui s’est passé, malheureusement, ils ne l’ont pas fait. J’espère qu’ils changeront de position à l’avenir. J’essaie nuit et jour de les convaincre d’adopter ma politique, qui est une politique modérée. S’ils ne le font pas, ils finiront totalement isolés, et donc incapables de remplir leur mission. Qui en souffrira alors ? Ce ne sera pas le gouvernement, mais les Palestiniens.

Redoutez-vous que des pays européens se résignent à accepter le projet évoqué par le premier ministre israélien, Ehoud Olmert, de recourir à l’unilatéralisme, à la fois pour se retirer de certaines zones de Cisjordanie et pour tracer les futures frontières d’Israël ?

Les Palestiniens sont catégoriquement opposés à l’unilatéralisme. Nous pensons que des retraits israéliens unilatéraux ne feront qu’entretenir le conflit au lieu de lui apporter une solution. Les Européens ne seront jamais une alternative aux Américains, mais ils peuvent pousser dans le bon sens. Les uns et les autres sont membres du Quartet avec les Russes et les Nations unies.

Ils ont adopté la "feuille de route" [un plan de paix qui prévoit par étapes la création d’un Etat palestinien], et ils devraient pousser les parties à la négociation. L’Union européenne ne peut pas renoncer à ce qu’elle a élaboré. L’unilatéralisme n’est pas un terme qui figure dans la"feuille de route". Il mènerait à la catastrophe.

Qu’attendez-vous du prochain gouvernement israélien ?

Qu’il débloque l’argent des Palestiniens [le produit des taxes collectées par Israël à la place des Palestiniens mais qui n’est plus rétrocédé depuis la victoire du Hamas aux élections législatives], et qu’il ouvre des négociations officielles et sérieuses.

Le Hamas, et à travers lui le gouvernement palestinien, entretient de bonnes relations avec la Syrie et l’Iran. Croyez-vous que ces relations privilégiées soient utiles et positives pour les Palestiniens ?

Le gouvernement palestinien doit entretenir de bonnes relations avec tout le monde, mais nous n’avons pas besoin d’un axe avec un pays particulier. Nous devons travailler avec tous les pays, qu’ils soient arabes ou non.

Quelle a été votre réaction après les camouflets diplomatiques enregistrés successivement par le ministre des affaires étrangères palestinien (Hamas), Mahmoud Zahar, en Egypte, où il n’a pas pu rencontrer son homologue, et en Jordanie, où il n’a pas pu se rendre cette semaine comme prévu ?

Il s’agit de décisions souveraines de la part des pays en question. C’est à eux de voir s’ils peuvent recevoir ou non tel ou tel responsable. Je souhaite pour ma part que mon gouvernement puisse être accueilli partout. Mais si ses ministres ne peuvent pas être reçus pour des raisons précises, c’est à eux de faire en sorte que les obstacles soient levés.

Les tiraillements se sont multipliés depuis quelques jours entre le gouvernement, l’administration et la présidence de l’Autorité palestinienne à propos des compétences des uns et des autres. Qu’en pensez-vous ?

Le gouvernement n’en est qu’à ses débuts. C’est normal qu’il y ait un peu de confusion. S’il y a des conflits, ils seront réglés par l’application de la loi. Le gouvernement disposera de tous ses pouvoirs. J’aime la loi et l’ordre. Nous sommes en contact permanent avec le premier ministre et pour ce qui me concerne, il n’existe pas de "shadow gouvernment" (gouvernement bis).

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