Accueil > Militants mis en boîtes

Militants mis en boîtes

Publie le vendredi 21 juillet 2006 par Open-Publishing
4 commentaires

Interpellées par les grands sujets de société (égalité des chances, développement durable...), les entreprises recrutent de plus en plus d’anciens leaders associatifs ou syndicaux. La greffe semble prendre

Talons hauts, corsaire noir, tunique colorée, maquillage étudié jusqu’au bout des ongles, Samira Cadasse n’a pas franchement le look d’une militante, à battre le pavé et à coller des affiches. Ni celui d’une consultante, enfermée dans sa tour de verre à préparer des « présent’ » sur Powerpoint. Et pourtant ! Ancienne porte-parole de l’association Ni putes ni soumises (NPNS), cette jeune femme de 32 ans a rejoint, en janvier 2005, le cabinet de conseil Accenture comme chargée de mission pour la diversité. « Quand on m’a proposé ce poste, je suis tombée des nues, souffle-t-elle, amusée. Impossible d’imaginer deux univers plus opposés ! »

Résultats probants
Accenture : programme en faveur de la diversité pour accompagner vers l’emploi des jeunes issus des quartiers sensibles ; participation au programme « Une grande école, pourquoi pas moi ? » ; partenariat avec APC Recrutement, spécialiste de l’embauche de résidents des quartiers difficiles.

EDF : nouvel accord Handicap misant sur le suivi du parcours professionnel et sur l’intégration par l’apprentissage.

PPR : de 5 000 à 6 000 collaborateurs mobilisés chaque année à travers l’association interne SolidarCité ; création de la Fondation Télémaque pour soutenir des élèves issus de milieux défavorisés.

Rhodia : une vingtaine d’engagements en faveur du développement durable et 73 bonnes pratiques répertoriées ; signature d’un accord mondial de responsabilité sociale avec les syndicats.

SNCF : recrutement de 800 jeunes issus de zones urbaines sensibles en 2006.

Samira est venue grossir les rangs d’une espèce rare... en voie d’apparition : celle des anciens militants associatifs ou syndicaux recrutés par les entreprises. A l’heure de l’entreprise responsable, les thématiques nouvelles (insertion des jeunes issus des quartiers difficiles, intégration des personnes handicapées, développement durable, etc.) nécessitent des compétences ad hoc plus souvent acquises sur le terrain que dans les grandes écoles. « Il m’a fallu créer mon poste de chargée de la diversité, tout inventer en respectant les contraintes de l’entreprise », se souvient Samira. Isabelle Calvez, la DRH d’Accenture, le reconnaît : « Embaucher Samira Cadasse était un pari. D’autant qu’elle est venue avec ses tripes. Mais elle était tout à fait légitime pour ce poste. »

Il n’empêche : le parcours et le discours de ces électrons libres détonnent dans l’univers de l’entreprise. « Ma valeur ajoutée réside dans ma capacité à ne pas être forcément consensuelle », poursuit Samira. A tel point que certains employeurs y vont piano : chez Areva, l’ancien président de SOS-Racisme, Fodé Sylla, ne dispose que d’une simple mission de conseil en diversité auprès de la DRH. A la SNCF, Louis Gallois a choisi Karim Zéribi, un militant de terrain passé par les ministères qui présente l’avantage d’être aussi ancien cheminot, pour traiter d’égalité des chances. Histoire de ne pas trop brusquer les équipes. Car, quel que soit leur pedigree, ces militants sont souvent considérés avec surprise, voire méfiance, par les autres salariés.

« L’entreprise permet d’œuvrer sur un terrain plus concret »

Soutien sans faille du patron« Alibi », « bonne conscience », « fou du roi » ... Tous ont entendu ces remarques, mais tous les récusent avec force. « Si Rhodia avait voulu faire du développement durable à sa main, il n’avait qu’à prendre un ingénieur maison », estime Jacques Kheliff, embauché en 2002 par le groupe chimique, alors en pleine crise financière. Volontiers grande gueule, toujours prêt à raconter comment il a « emporté le morcif » dans une négociation, l’ex-patron de la fédération CFDT de la chimie est redevenu salarié du privé après vingt ans de syndicalisme professionnel. A l’automne 2002, Jean-Pierre Tirouflet, PDG de Rhodia, lui demande d’être « l’empêcheur de tourner en rond ». Peu après, un incident industriel lui permet d’éprouver la formule. Lorsque Jacques Kheliff débarque dans l’usine en compagnie du PDG, il n’hésite pas à réclamer une information transparente. Belle façon de montrer qu’il n’était pas venu faire de la figuration. « Il faut savoir mettre le doigt là où ça fait mal », renchérit Patrick Gagnaire, embauché en 2001 comme « Monsieur Solidarité » par Serge Weinberg, alors patron de PPR. Son costume-cravate ne doit pas faire illusion : volubile, le tutoiement facile, l’homme se définit volontiers comme un « rebelle constructif ». Son idée : ne pas créer la énième fondation d’entreprise, juste bonne à signer des chèques, mais encourager l’engagement bénévole des salariés pour « la cause » - comprenez l’égalité des chances - à travers l’association SolidarCité, qu’il anime.

Recrutés au plus haut niveau, ces profils atypiques bénéficient souvent d’un soutien sans faille de leur PDG. Lorsqu’il succède à Gérard Masson, en septembre 2005, au poste de conseiller du président d’EDF sur le handicap, Eric Molinié a derrière lui un long passé de directeur financier. Trésorier bénévole de l’Association française contre les myopathies, ce diplômé d’HEC en est devenu le délégué général, puis le président. Non sans mal : « Dans le monde associatif, j’ai vite été catalogué comme « "gestionnaire’’ pour avoir introduit des procédures - prévisions budgétaires, contrôle de gestion - importées de l’entreprise. » Chez EDF, il se vit comme un « cadre militant ». Une belle synthèse de ses engagements. Jacques Kheliff, pourtant habitué au rapport de force avec le patronat, partage le même sentiment : « Le syndicalisme est l’émanation du salariat. Quoi de plus normal que de retrouver l’entreprise ? » explique-t-il. Samira Cadasse, elle, avait travaillé sept ans chez Noos avant de s’engager pour la mixité dans les quartiers. « Chez NPNS, j’étais celle qui venait de l’entreprise et savait bosser en mode projet », note-t-elle. Mais le bénévolat n’a qu’un temps... et le secteur associatif, ses limites : « L’association est là pour revendiquer, faire pression sur le politique. L’entreprise permet d’œuvrer sur un autre terrain, plus concret. »

Passer à l’action : voilà qui motive ces passionnés pragmatiques. « Si on veut éviter l’incantation et la compassion et faire avancer les choses, il faut travailler avec les gens qui ont envie de bouger les lignes, assure Patrick Gagnaire. Il en existe aussi dans l’entreprise. A force de militer, on réalise que c’est non pas la structure mais la qualité des hommes qui fait la différence. » L’entreprise, ils la connaissent aussi pour l’avoir interpellée ou sollicitée lorsqu’ils n’en faisaient pas encore partie. « C’est là que se trouvent les moyens, constate Eric Molinié. Les ministères peinent à débloquer des subventions. » Les leviers ne sont pas seulement financiers : « Quand une société se mobilise, elle peut aller plus loin que verser de l’argent, dit Patrick Gagnaire. Ouvrir ses portes, utiliser sa notoriété et ses compétences. » Quelle satisfaction aussi de côtoyer le pouvoir quand on a bataillé pour se faire entendre : poste directement rattaché au patron, écoute privilégiée... et efficacité décuplée. « Je défends les mêmes idées qu’avant, avec des capacités plus grandes pour les réaliser », se félicite Jacques Kheliff, devenu membre du comité exécutif de Rhodia.

Introduits au cœur du pouvoir, ces militants à la langue bien pendue ne risquent-ils pas de perdre leur liberté de parole ? « La meilleure preuve que non, ce sont nos bons résultats », tranche Karim Zéribi. Evidemment, ces salariés militants doivent savoir jusqu’où ne pas aller trop loin. « Il faut veiller à ne pas prendre en otage du militantisme des gens qui n’y sont pour rien », concède Eric Molinié. Impossible, en outre, d’oublier que le premier objectif de l’entreprise demeure le profit. « Elle n’est pas toujours prête à aller aussi vite qu’on le souhaiterait, reconnaît Samira Cadasse. Mes actions ne comblent qu’une infime partie de mes revendications. » Quoi qu’il en soit, la greffe semble avoir pris. Chez EDF, PPR et Rhodia, les PDG ont changé, mais Eric Molinié, Patrick Gagnaire ou Jacques Kheliff sont toujours en poste. Un bon signe...

par Valérie Lion

Mon commentaire perso :

BREF C’EST SE FAIRE ACHETER CAR UN BON MILITANT NE S’ACHETE PAS

 http://www.lexpress.fr/reussir/doss...

lexpress.fr/reussir/dossier/etsmilitant/dossier.asp ?ida=442860

Messages

  • Cette thèse grotesque présente le phénomène de reniement politique comme nouveau !

    Chez les verts et au parti "socialiste", c’est bien connu ...le cas d’anciens responsables de la CFDT devenus patrons est particulièrement significatif...

    Nouveau, ca ?

  • initiatives pas nouvelles que d’embaucher tous ces jeunes meneurs et forts en g...,
    on peut en citer beaucoup à partir de tous les mouvements de rue,réalité oblige ils acceptent et ensuite que se passe t il ? eh bien on n’entend plus du tout parler d’eux ! occupés à se maintenir
    dans la réalité de l’ entreprise ils en oublient forcèment leur âme de militants.. ;
    et au fait vous en voyez beaucoup des mômes des cités rentrer dans les grandes
    écoles ? et pourquoi malgré les mesures de toutes sortes ça ne marche pas !
    ces porte paroles là entrés dans les grandes entreprises ne sont de toutes façons pas issus
    de nos familles pauvres loin de là et ils reviennent simplement dans leur milieu habituel et oublient ceux pour qui ils voulaient se battre ...venez allez y dans les assos d’entraide scoalaire de nos cités et prenez la mesure de la réalité ,loin de l’entreprise privée et de sa réalité à elle
    de l’exclusion encore et toujours et pour longtemps justement parce que ces militants ont laissé à la porte de leur entreprise leur âme de militants pourquoi allez pour la paie à la fin du mois c’est tout ; vous voulez des noms ; allez un seul Azouz Begag , compromis dans un gouvernement
    villepin et ses sbires et qui se tait silence assourdissant de l’abandon de nos enfants dans les cités mais on n’avait pas du tout d’illusion, ils restent du bon coté de la fracture sociale et ainsi peuvent payer leur factures , pas nous ! au fait ils sont syndiqués dans leur cabinet de conseil en
    tout genre pour la société soit bien figée bien gardée ?
    Ciao

    • Voilà le bon moyen de les faire taire !l’un d’eux dit"ce n’est qu’une infime partie de mes revendications" et pour cause.que croyait-il ?que les actionnaires allaient laisser leurs profits diminuer ?
      tout ça ressemble à des piéges,au consensus mou,loin des vrais problémes et surtout ça ne remet pas en cause le sacro saint systéme boursier.
      Et les actionnaires adorent ce qui ne coûte rien.
      Jean Claude des Landes

  •  !!
    Je constate comme toujours que le communautarisme est votre raison d’être. C’est maintenant les militants qui ne doivent pas se mélanger.
    Comment critiquer notre société si on ne cherche pas à la changée de l’intérieur ?
    Le militant n’est pas seulement un colleur d’affiche et il me semble normale que lorsque l’occasion se présente, il infiltre les sources de la discrimination pour mieux les transformer, parmis celles-ci, les entreprises......