Accueil > Ordonnance de 45 : entre droits de l’Homme et État pénal, Sarko fait son choix..

Ordonnance de 45 : entre droits de l’Homme et État pénal, Sarko fait son choix..

Publie le mercredi 16 avril 2008 par Open-Publishing
2 commentaires

Lu sur JURISCONSULT

"Démanteler l’État social pour renforcer l’État policier". Tel semble être le crédo de la majorité actuelle, tant le "timing" est parfait : démantèlement du droit du travail, de l’éducation nationale, de la protection sociale et de l’assurance chômage et renforcement incessant des normes pénales. Cela n’est pas du hasard, c’est l’application du dogme de "l’État gendarme" contre celui de "l’État providence".

Rachida Dati, ministre de la Justice, qui avait fait part, aux journalistes (pas à la représentation nationale), pour "en finir avec l’angélisme qui inspire trop souvent le discours dominant sur la délinquance des mineurs", de sa volonté que le texte de l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs soit "totalement remis à plat" a installé hier une Commission présidée par le professeur (et ancien vice-président) de la très, très, très droitière Université Jean Moulin André Varinard et composée de trente et un membres (dont rien de moins que 9 élus de la majorité) chargés d’élaborer cette réforme, de "lui faire la peau", selon l’expression usitée par le Syndicat de la Magistrature.

Sur la forme, tout d’abord. Ni les associations, ni les syndicats ne sont représentés parmi les membres de cette commission. Cela montre les orientations que l’on souhaite lui donner.

Qu’il nous soit permis, également, de constater qu’encore une fois, Rachida Dati, après avoir mis en place les odieuses peines de "rétention de sûreté" perpétuelle pour les cas pathologiques et voulu faire "juger les fous" a fait son annonce, lundi, lors d’une visite d’une "structure de soins pluridisciplinaires pour adolescents de 12 à 21 ans en souffrance psychique", la Maison des adolescents d’Avicenne, à Bobigny. Alors même que Marie Rose Moro, professeur responsable de la structure, a dénoncé la tentation de "condamner trop tôt les adolescents", alors qu’ "à l’adolescence, tout est encore possible, on peut transformer des parcours".

Ce n’est pas un hasard, si, une fois de plus, la ministre mêle, en conscience, santé mentale et délinquance, mais cette obsession devient de plus en plus malsaine et risque de rapidement entrainer notre société dans une dérive eugénique si l’on n’y prend pas garde. Est-il sans cesse nécessaire de rechercher des explications médicales pour trouver des solutions à la délinquance juvénile ?

Sur le fond, faisant fi des remarques du président du Tribunal des enfants de Bobigny, Jean-Pierre Rosenczveig, selon lequel "c’est une réforme à contre-temps, il n’y a pas d’urgence à réformer l’ordonnance de 1945, où est l’aggravation ? La délinquance juvénile est en baisse depuis neuf mois", la ministre Rachida Dati se lance à corps perdu dans la chasse aux mineurs, comme d’autres membres de son gouvernement vont à la chasse aux étrangers ou à la chasse aux chômeurs.

Mais la Garde des Sceaux donne ainsi de la société française celle d’une Nation qui perçoit ses propres enfants comme une "menace potentielle", et qui sacrifie la démarche éducative, préventive et sociale au profit d’un recours toujours accru à l’enfermement, revenant au passage plus de soixante ans en arrière.

Un enfant, ce n’est pas un adulte. Parmi les objectifs de la ministre, figure celui d’ouvrir la possibilité d’une condamnation pénale aux enfants de dix à treize ans, au motif que ce seuil "entretient chez les plus jeunes un sentiment d’impunité. Ce sentiment peut devenir un vrai facteur de délinquance". Pour elle, l’emprisonnement, seul l’emprisonnement, peut être réellement dissuasif. On connait le succès magnifique de cette politique, on connait aussi le succès "foudroyant" des EPM (établissements pénitentiaires pour mineurs), avec, par exemple, le suicide d’un jeune garçon de 16 ans à Meyzieux...

Un enfant est sous la responsabilité de ses parents, qui ont le devoir de l’élever et de l’éduquer, le devoir de le garder. La société, la justice, les services éducatifs ont, quant à eux, pour mission de préserver l’intérêt supérieur de l’enfant, en vérifiant les conditions d’exercice de ces obligations. Pas en traitant les mineurs en difficulté comme des criminels.

L’UNICEF, organe officiel de l’ONU a immédiatement réagi hier contre cette mise "de l’enfance en danger" par la France : "La Convention internationale des droits de l’enfant demande qu’un âge de responsabilité pénale soit fixé et le Comité des droits de l’enfant des Nations unies insiste pour ne pas descendre au-dessous de 12 ans. L’Unicef rappelle que la France a ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant et l’Unicef France reste vigilant sur sa bonne application. D’autre part, les textes internationaux invitent à privilégier les mesures éducatives plutôt que la répression, et ce n’est pas l’inclinaison depuis ces dernières années en France avec le renforcement des mesures privatives de liberté".

On ne saurait faire plus clair : entre les droits de l’Homme et l’État pénal, Nicolas Sarkozy et ses amis ont fait un choix.

Messages