Accueil > Plus que quinze jours pour convaincre
Le gouvernement Villepin fait sa rentrée ce jeudi. Le Premier ministre arrive au bout du délai qu’il s’était fixé pour « redonner confiance » au pays. En dépit d’une popularité personnelle revigorée, sa tâche s’annonce rude.
de BERNARD DELATTRE
Cent jours. A son arrivée à Matignon en juin, Dominique de Villepin s’était donné cent jours pour « redonner confiance » aux Français, et accessoirement pour sauver un chiraquisme au tapis, voire en fin de règne, après une succession de revers électoraux retentissants -le dernier en date étant la spectaculaire victoire du non au référendum européen du 29 mai. Ce jeudi, jour de rentrée du gouvernement après des vacances courtes et studieuses, à quinze jours seulement de l’aboutissement de cette échéance des 100 jours, le Premier ministre se trouve dans une situation paradoxale.
Sobre, souriant, volontariste, le style Villepin visiblement plaît à l’opinion. Après des débuts laborieux, la cote de popularité du chef du gouvernement a joliment progressé durant l’été, près d’un Français sur deux lui faisant désormais confiance. Mais le climat national, l’environnement économique et la configuration politique assombrissent sa rentrée.
L’été, on l’a vu, a été marqué par une actualité dramatique : la catastrophe aérienne de Maracaibo, bien sûr, moins de deux ans après le déjà très meurtrier crash de Charm el-Cheikh, le bilan très noir des incendies de forêt, les campagnes asséchées comme jamais, la saison touristique morose et les mauvais chiffres de l’insécurité routière -sans parler de la menace terroriste. Du coup, le moral des ménages est au plus bas : pour eux-mêmes, leurs enfants et à l’égard tant du chômage (redevenu préoccupation première de l’opinion) que des inégalités, les Français se disent plus pessimistes aujourd’hui qu’en 2002, année du retour de la droite au pouvoir.
Des comptes dans le rouge
La situation économique, il est vrai, demeure précaire. Les chiffres du commerce extérieur, de la consommation, des faillites et des investissements sont médiocres. Le tassement du chômage enregistré depuis juin est essentiellement technique, dû pour beaucoup à des radiations de chômeurs ou à des emplois publics créés de toutes pièces. La croissance maigrichonne, très inférieure aux prévisions gouvernementales, et des comptes publics toujours largement dans le rouge rendent ardu le bouclage du budget 2006, morceau de choix de la rentrée. La flambée des prix pétroliers, enfin, complique encore la donne vis-à-vis d’une opinion obsédée par son pouvoir d’achat.
Sur ce contexte difficile, viennent se greffer une série de dossiers politiques délicats qui, ces dernières semaines, n’ont pas toujours été gérés au mieux. La privatisation des autoroutes, menée au pas de charge, fait hurler jusque dans les rangs de la majorité. La suppression des Corail, les trains de la France « d’en bas », promet d’homériques débats. Le « contrat nouvelle embauche », marotte du Premier ministre, va doper les syndicats qui, dès octobre, redescendront dans la rue.
Plus globalement, la proximité de la campagne pour les présidentielles de 2007 -qui, de facto, sera lancée dans moins d’un an- tend le climat. Devenu présidentiable, Villepin doit dorénavant se méfier de tout et de tous. François Bayrou et ses centristes de l’UDF se déchaînent. En embuscade, l’ultra-populaire Nicolas Sarkozy, même déstabilisé par ses problèmes privés, n’attend qu’un faux pas du locataire de Matignon et/ou sa dégringolade dans les sondages pour lâcher ses chiens contre ce nouveau rival - « J’espère que les cent prochains jours seront meilleurs que les cent premiers », a déjà charitablement ironisé le libéral Claude Goasguen- puis pour s’élancer vers son tremplin élyséen.
Dans ce climat, les socialistes étant rendus « fous », (dixit leur propre porte-parole, Julien Dray) et atones par l’approche du scrutin présidentiel -qui les précipite dans de pathétiques querelles de chapelles, d’ego et d’ambitions-, les pires ennemis à venir de Dominique de Villepin pourraient bien être les siens.
http://www.lalibre.be/article.phtml?id=10&subid=91&art_id=236124