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Pour les gens de la rue, ceci n’est pas une libération...
Publie le samedi 19 avril 2003 par Open-PublishingPour les gens de la rue, ceci n’est pas une libération mais
une nouvelle oppression coloniale
La guerre de "libération" américaine est peut-être terminée, mais la guerre
de l’Iraq pour se libérer des américains ne fait que commencer.
17 Avril 2003
Ca tourne mal, bien plus que quiconque ne puisse l’imaginer. L’armée de
"libération" s’est déjà transformée en armée " d’occupation". Les Chiites
menacent de se battre contre les américains pour faire leur propre "guerre
de libération".
La nuit, sur chaque barricade des Chiites musulmans de Sadr City, se
trouvent 14 hommes avec des armes automatiques. Entre eux, les US marines
parlent des insultes qui leur sont adressées. "Fous-le camp", "hors de ma
vue" ! a hurlé un soldat américain à un iraquien qui tentait de forcer les
barbelés entourant une unité d’infanterie dans la capitale hier. J’ai
regardé le visage de l’homme suffoqué par la rage : Dieu est grand ! Dieu est
grand ! a répliqué l’iraquien.
"Fuck you !"
Les américains ont maintenant transmis le "message aux citoyens de Bagdad",
un document dont l’esprit colonial est aussi insensible (sans compréhension)
que le ton employé : "Evitez de quitter vos maisons pendant la nuit après
les prières du soir et avant l’appel des prières du matin, disent-ils aux
habitants de la ville. "Nous savons que les terroristes associés à l’ex-
régime de Saddam Hussein ainsi que différents éléments criminels se meuvent
dans cette zone.... ne quittez pas vos maisons pendant la nuit. A tout
moment, n’approchez les militaires de la coalition qu’avec une extrême
prudence...
Alors donc ici, on ordonne à des millions d’iraquiens qui sont sans
électricité ni eau courante, de rester chez eux, du soir au matin. Enfermés.
C’est une forme d’emprisonnement et dans leur propre pays. C’est en fait ce
qu’on appelle un couvre-feu, décrété par le commandement de la 1ère division
des Us marines.
Une femme arabe me crie : "Si j’étais iraquienne, en apprenant ça, je
deviendrais une bombe humaine". Et à travers tout Bagdad on entend la même
chose, que ce soit d’un religieux musulman Chiite ou d’un businessman
Sunnite : les américains ne sont venus que pour le pétrole. Et : "bientôt,
très bientôt, une guerrilla de résistance va commencer".
Il n’y a pas de doute que les américains vont prétendre que ces attaques
proviennent de "reminiscents" du régime de Saddam ou "d’éléments criminels".
Mais ce ne sera pas le cas.
Des officiers des Marines ont négocié hier avec un militant religieux Chiite
de Najaf afin de prévenir l’explosion de bagarres dans la ville sainte. J’ai
rencontré le prélat avant que ces négociations ne débutent et il m’a dit :
"l’histoire se répète". Il parlait de l’invasion des British en Iraq en
1917, qui se termina par un désastre pour les British.
Partout on note les signes de l’écroulement. Et partout on note les signes
que les promesses américaines de "liberté" et de "démocratie" ne seront pas
honorées
Les iraquiens demandent : mais pourquoi les E.U ont-ils permis au cabinet
tout entier de s’échapper ? Et ils ont raison. Il ne s’agit pas seulement de
la bête de Bagdad et de ses deux fils Qusay et Uday, mais aussi du
Vice-President, Taha Yassin Ramadan, du vice-Premier Ministre, Tariq Aziz,
le conseiller personnel de Saddam, du Dr A K Hashimi, des ministres de la
defense, de la santé, de l’economie, du commerce et même de Mohammed Saeed
al-Sahaf qui, il y a longtemps bien avant que les journalistes ne "papotent"
avec lui, était "l’officiel" chargé de lire la liste des "frères exécutés"
lors de la purge qui suivit la "révolution" de Saddam. D’ailleurs les
familles des prisonniers se bourraient de valium à chaque apparition de
Sahaf.
Et voici ce que les Baghdadis ont remarqué, ce que les Iraquiens ont
remarqué dans toutes les villes importantes du pays : Prenons par exemple
le vaste appareil de sécurité dont s’entourait Saddam, les chambres de
torture et l’immense bureaucratie qui en était la base. Bush a promis que
l’amérique se battrait pour les D.H en Iraq, que les coupables, les
criminels de guerre, seraient jugés. Les 60 quartiers généraux de la police
secrète de Bagdad sont vides, et même les 3 km2 du quartier général des
services secrets iraquiens.
J’ai visité plusieurs de ces sites. Mais il n’y a aucune preuve qu’un seul
des officiers US ou britanniques aient visité ces sites pour y rassembler et
protéger la montagne de documents qui s’y trouvent, ni parler avec des
ex-prisonniers retournés vers leurs lieux de torture. Est-ce là un oubli,
une erreur ou est-ce intentionnel ?
Prenons par exemple le site de la Sécurité de Qasimiyeh le long du Tigre.
C’est une agréable villa ayant appartenu à un Iraquien d’origine iranienne
et qui fût déporté en Iran dans les années 80. Il y a une petite pelouse et
des arbustes et au premier coup d’oeil on ne remarque pas les 3 grands
crochets accrochés aux plafonds de chaque pièce, où le fait que de grandes
feuilles de papier rouge ont été placées devant les fenêtres pour empêcher
la vue de l’extérieur. Mais à tous les étages, dans le jardin, sur le toit,
on trouve des preuves dans ce lieu de souffrance. Des preuves, p.ex, que le
chef du centre de torture était Hashem al-Tikrit, et que son bras droit
était Rashid al-Nababy.
Mohammed Aish Jassem, un ex-prisonnier, m’a montré comment il avait été
suspendu au plafond par le Capitaine Amar al-Isawi, qui croyait que Jassem
était membre du parti religieux Dawa. "Ils ont placé mes mains derrière mon
dos, comme ceci, les ont attachées et m’ont suspendu par les poignets. Ils
utilisaient un petit générateur pour me soulever jusqu’au plafond, puis
lâchaient la corde en espérant que je me casse l’épaule en tombant. "
Les crochets au plafond se trouvent juste en face du bureau du capitaine
Isawi. J’ai compris ce que cela signifiait. Il n’y avait pas de chambre de
torture séparée du bureau de documentation. La chambre de torture "était" le
bureau. Pendant que l’homme ou la femme agonisait au-dessus de sa tête,
Isawi signait des papiers, s’occupait de ses coups de téléphone - tout en
annonçant ses prises - fumait beaucoup en attendant les informations qu’il
arrachait à ses prisonniers.
Ces hommes étaient-ils des monstres ? Oui ! Sont-ils recherchés par les
américains ? Non ! Travaillent-ils actuellement pour les américains ? Oui,
c’est bien possible. En effet certains d’entre eux se trouvent probablement
dans la longue file d’ex-brutes de la sécurité qui font la queue tous les
matins devant l’hotel Palestine dans l’espoir d’être ré-engagés par l’Unité
des affaires civiles des US marines.
Les noms des gardes du centre de torture de Qasimiyeh se trouvent dans les
papiers éparpillés sur le sol du centre. Il s’agit de Ahmed Hassan Alawi,
Akil Shaheed, Noaman Abbas et Moham-med Fayad ; Mais les américains n’ont pas
pris la peine de le découvrir. Donc, Messrs Alawi, Shaheed, Abbas et Fayad
sont les bienvenus et invités à leur proposer leurs services.
Sur les bureaux et dans les placards se trouvent des papiers d’identité de
prisonniers. Que sont devenus Wahid Mohamed, Majid Taha, Saddam Ali or Lazim
Hmoud ? Une femme en chador noir s’est approchée du vieux centre de torture.
Quatre de ses frères ont été emmenés là et plus tard, lorsqu’elle vint
demander ce qui s’était passé, on lui répondit que tous les 4 avaient été
exécutés. On lui ordonna de s’en aller. Elle n’a jamais vu ni enterré leurs
corps. Des ex-prisonniers m’ont dit qu’il y a une fosse commune dans le
désert du Khedeer, mais que personne, et certainement pas les nouveaux
occupants de Bagdad, n’étaient intéressés à la retrouver .
Et les hommes qui ont souffert sous Saddam . Qu’avaient-ils à dire ? "Nous
n’avons commis aucun crime", m’a dit l’un d’eux. Un homme de 40 ans, dont le
travail dans la prison consistait à nettoyer, après chaque exécution, les
flots de sang et de déjections des pendus. "Nous ne sommes coupables de
rien. Pourquoi nous ont-ils fait cela ?"
"L’amérique, oui, s’est débarassée de Saddam. Mais l’Iraq sera toujours à
nous. Notre pétrole nous appartient. Nous garderons notre nationalité.
L’Iraq restera l’Iraq. Les américains doivent partir."
Si les américains et les british veulent comprendre la nature de
l’opposition religieuse ici, ils n’ont qu’à consulter les fiches des
archives des services secrets. J’en ai trouvée une, rapport No 7481, daté du
24 février de cette année sur le conflit entre Sheikh Mohammed al-Yacoubi et
Mukhtada Sadr, le petit-fils de 22 ans de Mohammed Sadr, qui fût exécuté sur
ordre de Saddam il y a plus de deux décénnies.
Ce conflit démontre avec quelle passion et détermination les leaders
religieux Chiittes se battent, même entre eux. Mais évidemment, personne n’a
pris la peine de lire ce document, ni même de le regarder.
A la fin de la seconde guerre mondiale, les officiers du renseignement
britanniques et US ont passé au peigne fin les milliers de documents des
bureaux de la Gestapo et de l’Abwehr dans toute l’Allemagne de l’Ouest. Les
Russes firent de même dans leur zone. Pourtant, en Iraq les British et les
américains ignorent tout simplement les preuves, les évidences.
Il y a un endroit encore plus épouvantable à visiter à Badgdad : les
quartiers généraux de tout l’appareil du renseignement, un bloc de béton
massif peint en gris qui a été bombardé par les EU, ainsi qu’une série de
villas et d’immeubles de bureaux qui sont bourrés de dossiers, de papiers et
de fiches. C’est là que les prisonniers politiques "spéciaux" de Saddam
étaient emmenés pour subir d’horribles interrogatoires, l’électricité étant
le moyen essentiel utilisé dans cet endroit. Et c’est là que Farzad Bazoft,
le correspondant de l’Observer, a été emmené pour être interrogé, avant
d’être livré au bourreau.
Cet endroit, lui aussi, est doté de petites allées ombragées, d’une crèche,
pour les familles des tortionnaires, et d’une école dans laquelle un élève a
rédigé un devoir en anglais (peut-être bien à propos) sur l’essai de Beckett
"En attendant Godot". Il y a aussi un hopital miniature ainsi qu’une rue
baptisée "rue de la liberté", un tapis de fleurs et des bougainvilliers.
Tout cela dans le lieu le plus angoissant de l’Iraq tout entier.
J’ai rencontré dans les environs, chose extraordinaire, un iraquien, un
scientifique spécialisé en nucléaire, un collègue de l’ex-chef des services
iraquiens de physique nucléaire, le Dr Sharistani. " C’est bien le dernier
endroit que j’avais envie de voir et je n’y reviendrai jamais" m’a-t’il
déclaré. "Cet endroit est maudit, diabolique.
Les hommes les plus importants de la sécurité du régime de Saddam ont été
très occupés pendant ces dernières heures, à déchirer des millions de
documents. J’ai trouvé un monceau de sacs en plastic noir derrière la villa,
chacun bourré de milliers de papiers déchirés. Ne devraient-ils pas être
envoyés à Washington ou à Londres et être reconstitués afin de percer leurs
secrets ?
Les dossiers non détruits, eux aussi, contiennent une foule d’informations.
Mais, une fois de plus, les américains n’ont pas pris la peine, ou n’ont pas
voulu, chercher dans ces papiers. S’ils l’avaient fait, ils y auraient
trouvé les noms de douzaines d’agents importants du renseignement, dont la
plupart pouvaient être identifiés grâce aux lettres de congratulation qu’ils
s’envoyaient mutuellement chaque fois que l’un ou l’autre bénéficiait d’une
promotion. Où donc, actuellement, se trouvent le Colonel Abdulaziz Saadi, le
Captain Abdulsalam Salawi, le Captain Saad Ahmed al-Ayash, le Colonel Saad
Mohammed, le Captain Majid Ahmed et d’autres ? Il est possible que nous ne
le saurons jamais. Ou alors, peut-être ne sommes-nous pas sensés le savoir
....
Les Iraquiens sont en droit de demander pourquoi les américains ne cherchent
pas après ces informations, tout comme ils ont le droit de demander pourquoi
le cabinet entier de Saddam a disparu. La capture par les américains du
demi-frère de Saddam ainsi que du vieillissant Palestinien Abu Abbas, dont
le dernier acte de violence date de 18 ans, n’est qu’une pathétique
compensation.
Et voici encore une autre question que posent les Iraquiens, à laquelle je
ne sais que répondre. Le 8 avril, après 3 semaines d’invasion, les
américains ont jeté 4 bombes de 2.000 kg sur le quartier résidentiel de Al
Mansur à Badgdad. Ils ont prétendu qu’ils croyaient que Saddam se cachait
là. Ils savaient qu’ils tueraient des civils parce ce n’était pas, ainsi que
l’a défini un des mandarins du Centcom, "une entreprise sans risques" (sic).
Ils ont donc largué leurs bombes et tué 14 civils à Al Mansur, pour la
plupart des membres d’une même famille, chrétienne.
Les américains ont déclaré qu’ils ne seraient pas certains d’avoir tué
Saddam avant d’avoir inspecté à fond le site. Mais ceci s’est avéré être un
mensonge. J’y suis allé il y a deux jours. Pas un seul officiel US ou
British n’avait pris la peine d’inspecter les cratères des bombes. Alors
que, quand j’y suis arrivé, il y flottait une odeur de putréfaction et des
familles sortaient les restes d’un bébé des décombres.
Pas un officier américain ne s’est excusé pour et après ce terrible
massacre. Et je peux leur assurer que le bébé que j’y ai vu être déposé sous
une couverture de plastique noir n’était définitivement pas Saddam Hussein.
S’ils avaient inspecté cet endroit, comme ils prétendaient le faire, ils y
auraient au moins trouvé le bébé. Les cratères sont devenus un lieu de
pélerinage pour les baghdadis.
Parlons maintenant des feux qui ont détruit tous les ministères de la ville,
à part bien sûr le ministère de l’intérieur et celui du pétrole, mais bien
les bureaux des Nations Unies, les ambassades et les centres commerciaux.
J’ai compté un total de 35 ministères actuellement détruits par le feu et le
nombre ne cesse de s’accroître.
Hier, je me trouvais en face du ministère du pétrole, gardé avec assiduité
par les soldats US, dont certains tenaient leurs vêtements devant la bouche
à cause des nuages de fumée tournoyant autour d’eux et qui provenaient du
ministère voisin, celui de l’agriculture et de l’irrigation. Difficile à
croire, n’est-ce pas, qu’aucun d’entre eux ne s’était rendu compte que
quelqu’un mettait le feu au building d’à côté ?
Un peu plus tard j’ai apperçu un autre feu, 3 km plus loin. J’ai roulé
jusque là et me suis trouvé en face d’un ministère, celui du département de
l’enseignement supérieur en sciences informatiques, envahi par les flammes
qui sortaient par toutes les fenêtres. Et juste à côté, perché sur un mur,
un Marine US qui déclarait qu’il gardait un hopital du quartier et qu’il ne
savait absolument pas qui avait allumé le feu "d’à côté", parce qu’on ne
peut avoir les yeux partout en même temps n’est-ce pas !
Maintenant je suis persuadé que ce Marine n’était pas malhonnête. Au cas où
les américains ne croient pas cette histoire, il s’agissait du Caporal Ted
Nyholm du 3ème Regiment, 4ème Marines, et oui, j’ai teléphoné à sa fiancée,
Jessica, aux E.U, pour lui, pour qu’il puisse parler à son amoureuse. Mais
il y a quand même quelque chose qui ne tourne pas rond quand on donne
l’ordre à des soldats US de surveiller d’énormes ministères, qui se font
incendier par des bandes, et que ces soldats ne bougent pas.
Et puis, il y a aussi autre chose de très dangereux et de très inquiétant.
Ce sont ces groupes qui incendient les bâtiments de Bagdad, dont les grandes
bibliothèques et les archives de l’Etat. Car ce ne sont pas des pillards.
Les pillards sont les premiers à passer. Ensuite ce sont les pyromanes, dans
des bus bleu et blanc. J’en ai suivi un qui se hâtait de sortir de la ville
après que ses passagers aient mis le feu au ministère du commerce.
La ligne officielle US sur tout cela est de dire que le pillage est une
revanche, un argument plutôt mince, et que les incendies sont l’oeuvre des
fidèles au régime de Saddam. Sans aucun doute s’agit-il des mêmes "éléments
criminels" qui cadrent dans les ordres de couvre-feu des marines. Mais les
gens de Bagdad ne croient pas que ce sont les ex-pro-Saddam qui mettent le
feu. Et moi non plus d’ailleurs.
Les pillards font de l’argent avec leur butin alors que les pyromanes eux
doivent être payés. Les passagers de ces bus sont clairement dirigés vers
certaines cibles. Si Saddam les avait payés à l’avance, ils n’auraient pas
mis le feu. Au moment même où Saddam a disparu, ils auraient gardé l’argent
et laissé tomber le projet.
Alors, qui sont-ils, quelle est cette armée de pyromanes ? J’en ai reconnu
un l’autre jour, un homme entre deux âges, mal rasé, en T-shirt rouge. La
seconde fois qu’il m’a vu, il a pointé sa kalashnikov vers moi. De quoi
avait-il peur ? Pour qui travaillait-il ? C’est dans l’intérêt de qui la
destruction de toute l’infrastructure physique de l’Etat, ainsi que son
héritage culturel ? Pourquoi les américains n’ont-ils pas empêché cela ?
Comme je l’ai déjà dit, il y a quelque chose qui ne tourne vraiment pas rond
à Bagdad et quelque chose se passe ici qui mérite qu’on pose certaines
questions au gouvernement des EU. Pourquoi, p.ex, Rumsfeld a-t’il prétendu
la semaine dernière que les actes de pillage et de destruction étaient
minimes ? Sa déclaration est un mensonge. Pourquoi l’a-t’il faite ?
Les américains affirment qu’ils n’ont pas assez d’hommes pour contôler les
incendies. Cela aussi est faux. Que font donc toute la journée les centaines
de soldats déployés dans les jardins du vieux mémorial de la guerre
Iran-Iraq ? Ou les centaines d’hommes qui campent dans les roseraies du
palais présidentiel ?
Ainsi donc, les habitants de Bagdad se demandent à qui profite la
destruction de leur héritage culturel, qui est derrière le pillage des
trésors archéologiques du Musée national, la destruction par le feu de
l’entièreté des archives Ottomanes, Royales et gouvernementales, de la
bibliothèque coranique. Et à qui profite la vaste infrastructure que nous
affirmons vouloir créer pour eux.
Ils se demandent aussi pourquoi il n’y a toujours pas d’électricité, ni
d’eau. Dans l’intérêt de qui l’Iraq est-il déconstruit, divisé, privé
d’histoire, détruit ? Pourquoi leurs soi-disant libérateurs leur
adressent-ils des ordres de couvre-feu ?
Il n’y a pas que les habitants de Bagdad qui se posent ces questions, mais
aussi les Chiites de la ville de Najaf et de Nasiriyah où 20.000 personnes
ont protesté contre la première tentative des américains, mercredi dernier,
de former un gouvernement marionnette. Maintenant on pille aussi à Mosul, où
d’ailleurs des milliers de gens ont mis le feu à la voiture du gouverneur
pro-américain après qu’il ait promis l’aide américaine à la restauration de
l’électricité.
Il est facile pour un journaliste de prédire la catastrophe, spécialement
après une guerre brutale n’ayant aucune légitimité internationale. Mais la
catastrophe,généralement, pend au nez des optimistes au Moyen-Orient,
particulièrement au nez des faux optimistes qui envahissent des nations
riches en pétrole sous un faux prétexte idéologique et moral et des
accusations telles que les armes de destruction massive, ce qui reste
toujours à prouver. La guerre américaine de "libération" est terminée. La
guerre de libération de l’Iraq contre les américains ne fait que commencer.
En d’autres mots, la vraie et effrayante histoire commence maintenant.
Robert Fisk