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Union Européenne : il y en a qui sont intéressés à un budget restrictif

Publie le lundi 2 octobre 2006 par Open-Publishing

de Guglielmo Forges Davanzati* traduit de l’italien par karl&rosa

L’idée dominante à l’intérieur de l’aile modérée de l’Unione en matière de gestion des finances publiques peut se résumer en deux points essentiels. Primo, on est de l’avis qu’une orientation de "finance publique saine" - qui annule le déficit et réduit la dette publique - éloigne la perspective d’un "déclassement" de la dette par des agences de rating.

Secundo, on ajoute un argument de type juridico institutionnel, sur la base duquel les contraintes prévues par le Traité de l’Union Européenne, en ce qui concerne le déficit et la dette, doivent être rigoureusement respectées. La conclusion est la proposition, déjà pour le prochain budget, d’une orientation de politique fiscale restrictive (qui ne peut vouloir dire que des coupes à la dépense courante, sauf dans le cas de récupérations significatives des recettes fiscales par la lutte à l’évasion) réduisant la charge de la dette publique.

Comme ces arguments paraissent complexes et n’ont pas assez de prise sur l’opinion, les modérés font souvent recours à un véritable « déguisement », en posant la question de l’équité entre les générations : étant donné que la dette publique constituerait un transfert de la charge fiscale aux générations futures, il serait juste de contenir aujourd’hui la dépense publique (autrement ce seraient « nos enfants » qui payeraient. Il s’agit d’une idée dépourvue de toute plausibilité technoscientifique. D’ailleurs, si on fait valoir l’assimilation (très discutable en soi) de l’Etat avec la famille, on peut arriver au résultat opposé selon lequel, normalement, d’autant plus riche est le père, d’autant plus riche est le fils.

Que ces thèses soient dépourvues de fondement me semble désormais clairement démontré par l’appel des économistes pour la stabilisation de la dette publique (on peut le lire dans www.appellodeglieconomisti.com). De plus, un récent article d’Augusto Graziani et Riccardo Realfonzo publié dans Liberazione du 11 septembre 2006 fait la lumière sur les causes effectives qui poussent les modérés à s’opposer aux politiques déficitaires de dépense publique. Leur analyse - très lucide - amène à penser que cette opposition est fondamentalement déterminée par l’objectif de comprimer la demande intérieure pour rééquilibrer notre balance des payements. Je tente de développer davantage cette thèse.

Une politique de relance de la dépense et de l’intervention publique, comme celle que prévoit l’appel, favoriserait, comme on le sait depuis Keynes, une hausse de la demande intérieure et des niveaux de la production ainsi que de l’emploi. Ce processus mènerait inexorablement à un renforcement du pouvoir contractuel des salariés et donc à une croissance tendancielle des salaires. Dans une économie ouverte aux échanges internationaux et fortement dépendante de l’étranger - c’est le cas de l’Italie - l’augmentation de la demande intérieure obtenu par l’expansion de la dépense publique serait dans une certaine mesure destinée à déboucher sur une augmentation de la demande d’importations, avec des effets peu significatifs sur les profits des entreprises italiennes. En somme, au moins tant que les entreprises ne réussissent pas à améliorer la qualité des exportations, l’expansion de la dépense publique et la croissance du revenu qui s’en suit pourrait s’accompagner d’une réduction des profits due justement à la croissance salariale.

En écartant une politique de relance des dépenses en faveur d’une politique de restriction, les forces modérées de l’Unions risquent de se rendre porteuses des intérêts des entreprises qui n’ont aucune propension à innover et qui ont donc tout à perdre dans une augmentation de notre participation aux échanges internationaux. Il est peut-être opportun de préciser que ce qui vient d’être affirmé ne signifie pas ignorer les effets possibles de la réduction de la dépense publique sur les profits, surtout pour les entreprises de service qui semblent à l’abri de la concurrence internationale.

Dans les situations où le problème principal des entreprises est de récupérer les marges de profit perdues dans la compétition internationale (et c’est, de toute évidence, la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui l’économie italienne) - et surtout dans les situations où les entreprises n’ont pas d’autre voie (par exemple l’innovation technologique) pour atteindre cet objectif - il s’avère qu’il leur convient de demander des politiques fiscales restrictives. L’avantage est double : d’un côté, en réduisant les importations on réduit les parts de marché interne détenues par des entreprises étrangères, concurrents potentiels ; de l’autre, et surtout, les marges de profit sont récupérées de la façon la plus simple, à savoir moyennant la stratégie traditionnelle et sûre de la compression des salaires. Adopter une politique fiscale restrictive, comme semble le faire la proposition de loi de finances sur laquelle travaille le ministre Padoa-Schioppa, signifierait servir des intérêts de parties. Pas la plus en avance du Pays.
* Université de Lecce

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