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droits des étrangers souhaitant entrer sur le territoire...

Publie le vendredi 9 mai 2003 par Open-Publishing

LE COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME

Strasbourg, le 19 septembre 2001 CommDH/Rec(2001)1
Version originale

RECOMMANDATION
DU COMMISSAIRE AUX DROITS DE L’HOMME

RELATIVE
aux droits des étrangers souhaitant entrer sur le territoire des Etats
membres du Conseil de l’Europe
et à l’exécution des décisions d’expulsion

Le Commissaire aux Droits de l’Homme agissant en vertu de la Résolution (99)
50 du Comité des Ministres sur le Commissaire aux Droits de l’Homme du
Conseil de l’Europe, adoptée le 7 mai 1999 (ci-après, la Résolution),

Ayant pu constaté, lors de ses différents voyages et visites dans les Etats
membres du Conseil de l’Europe, l’existence d’un problème commun à la
majorité des Etats membres, à savoir la situation juridique et humanitaire
précaire des étrangers souhaitant entrer sur le territoire des Etats membres
 ;

Rappelant que ces problèmes ont déjà fait l’objet d’un grand nombre de
travaux au sein du Conseil de l’Europe et, notamment, de plusieurs
recommandations du Comité des Ministres ;

Constatant toutefois que, depuis l’adoption par le Comité des Ministres de
la Recommandation R(94) 5 « relative aux lignes directrices devant inspirer
la pratique des Etats membres du Conseil de l’Europe à l’égard des
demandeurs d’asile dans les aéroports européens », la situation n’a pas
connu d’amélioration significative ;

Rappelant que les conditions de rétention des demandeurs d’asile et d’autres
personnes dans les zones d’attente d’aéroports ont fait l’objet d’un certain
nombre d’enquêtes du Comité européen pour la prévention de la torture et des
peines et traitements inhumains ou dégradants (ci-après, le CPT) ;

Tenant compte du travail actuel de la Commission des migrations, des
réfugiés et de la démographie de l’Assemblée Parlementaire élaborant un
rapport intitulé « Humanisation des procédures d’expulsion des immigrés
clandestins et demandeurs d’asile déboutés » ;

Rappelant que le Commissaire aux Droits de l’Homme a organisé, du 20 au 22
juin 2001 à Strasbourg, un séminaire consacré à l’étude des « Principes des
droits de l’homme applicables à la rétention des étrangers souhaitant entrer
sur le territoire d’un Etat membre du Conseil de l’Europe et à l’exécution
des décisions d’expulsion » ;

Rappelant que des représentants des ONG nationales et internationales, des
experts gouvernementaux, des représentants des syndicats professionnels,
dont l’Association belge des pilotes de lignes, des représentants du Haut
Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés, ainsi que des membres de l
’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe, des membres du Greffe de la
Cour européenne des droits de l’homme et du Secrétariat du CPT ont pris part
à ce séminaire ;

Rappelant que durant le séminaire, les participants ont examiné le cadre
juridique et la pratique concernant les étrangers se trouvant à la frontière
d’un Etat membre, tenant compte tout particulièrement de la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme (ci-après, la CEDH), de la
Convention relative au Statut des réfugiés de 1951, mais également des
dispositions législatives et réglementaires nationales, ainsi que des
dispositions pertinentes de la Charte des Droits fondamentaux de l’Union
européenne ;

Attendu que l’article 3-e de la Résolution stipule que le Commissaire aux
Droits de l’Homme « identifie d’éventuelles insuffisances dans le droit et
la pratique des Etats membres en ce qui concerne le respect des droits de
l’homme tels qu’ils ressortent des

instruments du Conseil de l’Europe, encourage la mise en ouvre effective de
ces normes par les Etats membres et les aide, avec leur accord, dans leurs
efforts visant à remédier à de telles insuffisances » ;

Compte tenu de l’article 8-1 de la Résolution,

formule les recommandations suivantes :

I. Droits des étrangers à l’arrivée à la frontière d’un Etat membre

1. A l’arrivée à la frontière de tout Etat membre, toute personne a le droit
d’être traitée avec respect pour sa dignité humaine et de ne pas être
considérée d’emblée comme un délinquant ou un fraudeur.

2. Dès l’arrivée, toute personne, dont le droit d’entrée est remis en cause,
doit être entendue, s’il le faut à l’aide d’un interprète à charge de l’Etat
d’arrivée, pour être en mesure, le cas échéant, de formuler une demande d’
asile, ce qui doit impliquer pour elle le droit de remplir un dossier après
avoir été dûment renseignée, dans une langue qu’elle comprenne, sur la
procédure à suivre. Dès lors, tout refoulement « au pied de l’avion » est
inadmissible.

3. Toute restriction à la liberté de mouvement doit demeurer l’exception.
La rétention doit, aussi souvent que possible, être remplacée par d’autres
moyens de contrôle, tels que garantie, cautionnement ou moyens similaires.
Lorsque la rétention est le seul moyen de s’assurer de la présence physique
d’un étranger, elle ne doit pas s’effectuer, de manière systématique, dans
un commissariat de police ou une prison, sauf impossibilité matérielle. En
pareil cas, la rétention ne doit pas dépasser la durée strictement
nécessaire pour organiser un transfert dans un centre spécialisé.

4. Les étrangers retenus doivent avoir le droit de contacter toute personne
de leur choix pour l’informer de leur situation.

II. Conditions de rétention

5. Les Etats membres devraient harmoniser autant que possible les
législations nationales pour ce qui est, d’une part, des garanties
procédurales accordées aux étrangers faisant l’objet d’une mesure de
rétention et, d’autre part, de la durée maximale de rétention à chaque étape
de la procédure.

6. Les Etats membres devraient éviter de retenir dans les zones d’attente
des mineurs non accompagnés, les femmes enceintes, les mères avec des
enfants en bas age, les personnes âgées et les personnes handicapées. Un
mineur non accompagné doit être placé, le cas échéant, dans un centre
spécialisé et sa situation doit être immédiatement portée à l’attention des
autorités judiciaires. Les membres d’une même famille ne devraient pas être
séparés.

7. Les étrangers retenus en attendant une autorisation d’entrer doivent être
placés dans un centre spécialisé, et ne doivent sous aucun prétexte être
mélangés, lors de leur rétention, avec des détenus de droit commun. Il en
est de même de ceux qui attendent l’exécution d’un ordre de quitter le
territoire, sauf, évidemment, les cas de personnes expulsées après avoir
purgé leur peine et de personnes détenues à la frontière en vue de leur
extradition.

8. Toute personne en rétention, quelque que soit la durée de celle-ci, doit
avoir le droit aux soins médicaux d’urgence que nécessite son état de santé.

9. Les centres de rétention ne doivent surtout pas être assimilés à des
prisons.

10. Les autorités nationales doivent garantir une transparence maximum du
fonctionnement des centres de rétention en reconnaissant au moins un droit d
’accès à ces centres aux commissions nationales indépendantes, à l’Ombudsman
ou aux ONG, aux avocats et aux parents des retenus. Il faudra surtout
assurer le contrôle régulier du fonctionnement de ces centres par l’autorité
judiciaire.

11. Il est indispensable de non seulement garantir, mais d’assurer en
pratique le droit d’exercer un recours judiciaire, au sens de l’article 13
de la CEDH, lorsque la personne concernée allègue que les autorités
compétentes ont violé, ou risquent de violer, l’un des droits garantis par
la CEDH. Ce droit à un recours effectif doit être garanti à tous ceux qui
souhaitent contester une décision de refoulement ou d’expulsion du
territoire. Ce recours doit être suspensif de l’exécution d’une décision d’
expulsion, au moins lorsqu’il est allégué une violation éventuelle des
articles 2 et 3 de la CEDH.

III. Exécution des mesures d’expulsion

12. Une expulsion forcée, si elle doit avoir lieu, doit se faire selon un
processus absolument transparent, permettant de s’assurer qu’à toutes les
étapes les droits fondamentaux de la personne ont été respectés.

13. La meilleure solution pour éviter l’utilisation de moyens traumatisants
pour les expulsés, comme pour le personnel devant exécuter les décisions,
est le retour volontaire.

14. Lorsqu’une décision d’expulsion doit être exécutée, il est fondamental d
’informer la personne concernée tout au long de la procédure de ce qui l’
attend pour qu’elle puisse se préparer psychologiquement à l’idée du retour.
Les expulsions collectives sont interdites, tel que stipulé par l’article 4
du Protocole 4 de la CEDH.

15. Les personnes faisant l’objet d’un ordre d’éloignement ne doivent par
faire l’objet de menaces pour les persuader de monter à bord d’un moyen de
transport. Le port de masques rendant impossible l’identification du
personnel chargé de l’exécution d’une mesure d’expulsion forcée doit être
absolument prohibé.

16. Le personnel des centres de rétention, ainsi que les fonctionnaires des
services d’immigration ou d’escorte, doivent recevoir une formation
adéquate, destinée à réduire au minimum les risques de violences.

17. Doivent être absolument prohibés :

 l’usage de tous moyens présentant un risque d’asphyxie ou de suffocation
(tels que sparadrap, bâillon, casque, coussin, etc.), ainsi que l’usage de
gaz incapacitant ou irritant ; l’usage de moyens de contention pouvant
conduire à une asphyxie posturale doit également être évité ;

 l’usage de tranquillisants ou de piqûres sans examen médical préalable et
sans prescription d’un médecin ;

18. Dans un avion, il devrait être interdit, pour des raisons de sécurité,
de menotter les personnes expulsées de force durant le décollage et l’
atterrissage.

Le Commissaire aux droits de l’homme invite les autorités des Etats membres
du Conseil de l’Europe à tenir compte des recommandations ci-dessus pour ce
qui est de l’élaboration et la mise en ouvre concrète de leurs législations
et de leurs pratiques en la matière.