Accueil > Evo Morales : "la directive retour" et l’Union européenne

Evo Morales : "la directive retour" et l’Union européenne

Publie le mercredi 11 juin 2008 par Open-Publishing
10 commentaires

Au nom du peuple de Bolivie, de tous mes frères du monde, je fais appel à la conscience des dirigeants et citoyens pour que ne soit pas approuvé le texte de la "directive retour".

Evo MORALES AYMA
Président de la République de Bolivie

Jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Europe était un continent d’émigrants. Des dizaines de millions d’habitants partirent aux Amériques pour coloniser, échapper aux famines, aux crises financières, aux guerres ou aux totalitarismes européens et à la persécution des minorités ethniques. Aujourd’hui, je suis avec préoccupation le processus de la dite "directive retour".

Ce texte, validé le 5 juin dernier par les ministres de l’Intérieur des 27 pays de l’Union européenne, doit être approuvé le 18 juin par le Parlement européen. Je perçois qu’il durcit de manière drastique les conditions de détention et d’expulsion des migrants sans papier, quelqu’ait été leur temps de séjour dans les pays européens, leur situation de travail, leurs liens familiaux, leur volonté et le succès de leur intégration.

Les Européens sont arrivés dans les pays d’Amérique latine et d’Amérique du Nord, en masse, sans visa, ni conditions imposées par les autorités. Ils furent toujours bienvenus, et le demeurent, dans nos pays du continent américain, qui absorbèrent alors la misère économique européenne et ses crises politiques. Ils vinrent sur notre continent en exploiter les richesses et les transférer en Europe, avec un coût très élevé pour les peuples premiers de l’Amérique. Comme par exemple dans le cas de notre Cerro Rico de Potosi et de ses fabuleuses mines qui donnèrent sa masse monétaire au continent européen entre le XVIe et le XIXe siècle. Les personnes, les biens, les droits des migrants européens furent toujours respectés.

Aujourd’hui, l’Union européenne est la principale destination des migrants du monde, conséquence de son image positive d’espace de prospérité et de libertés publiques. L’immense majorité des migrants viennent dans l’Union européenne pour contribuer à cette prospérité, non pour en profiter. Ils occupent les emplois de travaux publics, dans la construction, les services aux personnes et dans les hôpitaux, que ne peuvent ou ne veulent occuper les Européens. Ils contribuent au dynamisme démographique du continent européen, à maintenir la relation entre actifs et inactifs qui rend possible ses généreux systèmes de solidarité sociale et dynamisent le marché interne et la cohésion sociale. Les migrants offrent une solution aux problèmes démographiques et financiers de l’UE.

Pour nous, nos émigrants représentent l’aide au développement que les Européens ne nous donnent pas - vu que peu de pays atteignent réellement l’objectif minimum de 0,7 pc du PIB d’aide au développement. L’Amérique latine a reçu, en 2006, 68 milliards de dollars de transferts financiers de ses émigrés, soit plus que le total des investissements étrangers dans nos pays. Au niveau mondial, ces transferts atteignent 300 milliards de dollars, qui dépassent les 104 milliards de dollars octroyés au nom de l’aide au développement. Mon propre pays, la Bolivie, a reçu plus de 10 pc de son PIB en transferts de fond des migrants (1,1 milliard de dollars), soit un tiers de nos exportations annuelles de gaz naturel.

Il apparaît que les flux de migration sont bénéfiques pour les Européens et, de manière marginale, aussi pour nous du Tiers-Monde, vu que nous perdons des millions de personnes de main-d’oeuvre qualifiée en laquelle, d’une manière ou d’une autre, nos Etats, bien que pauvres, ont investi des ressources humaines et financières. Il est regrettable que le projet de "directive retour" complique terriblement cette réalité. Si nous concevons que chaque Etat ou groupe d’Etats puisse définir ses politiques migratoires en toute souveraineté, nous ne pouvons accepter que les droits fondamentaux des personnes soient déniés à nos compatriotes et à nos frères latino-américains.

La directive retour prévoit la possibilité d’un enfermement des migrants sans papier jusqu’à 18 mois avant leur expulsion - ou "éloignement" selon le terme de la directive. Dix-huit mois ! Sans procès, ni justice ! Tel qu’il est, le projet de directive viole clairement les articles 2, 3, 5, 6, 7, 8 et 9 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948. Et en particulier l’article 13 qui énonce : "1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat. 2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays." Et, pire que tout, il existe la possibilité d’emprisonner des mères de familles et des mineurs, sans prendre en compte leur situation familiale ou scolaire, dans ces centres de rétention où nous savons que surviennent des dépressions, des grèves de la faim, des suicides.

Comment pouvons-nous accepter sans réagir que soient concentrés dans ces camps nos compatriotes et frères latino-américains sans papiers, dont l’immense majorité travaillent et s’intègrent depuis des années ? De quel côté est aujourd’hui le devoir d’ingérence humanitaire ? Où est la "liberté de circuler", la protection contre les emprisonnements arbitraires ? Parallèlement, l’Union européenne tente de convaincre la Communauté andine des nations (Bolivie, Colombie, Equateur, Pérou) de signer un "Accord d’association" qui inclue en son troisième pilier un traité de libre-échange, de même nature et contenu que ceux qu’imposent les Etats-Unis. Nous subissons une intense pression de la Commission européenne pour accepter des conditions de profonde libéralisation pour le commerce, les services financiers, la propriété intellectuelle ou nos services publics. De plus, au nom de la "protection juridique", on nous reproche notre processus de nationalisation de l’eau, du gaz et des télécommunications réalisés le Jour des travailleurs.

Je demande, dans ce cas : où est la "sécurité juridique" pour nos femmes, adolescents, enfants et travailleurs qui recherchent un horizon meilleur en Europe ? Promouvoir d’un côté la liberté de circulation des marchandises et des flux financiers, alors qu’en face nous voyons des emprisonnements sans jugement pour nos frères qui ont essayé de circuler librement... Ceci est nier les fondements de la liberté et des droits démocratiques. Dans ces conditions, si cette "directive retour" devait être approuvée, nous serions dans l’impossibilité éthique d’approfondir les négociations avec l’Union européenne et nous nous réservons le droit d’imposer aux citoyens européens les mêmes obligations de visas qui nous ont été imposées le 1er avril 2007, selon le principe diplomatique de réciprocité. Nous ne l’avions pas exercé jusqu’à maintenant, attendant justement des signaux positifs de l’UE.

Le monde, ses continents, ses océans, ses pôles, connaissent d’importantes difficultés globales : le réchauffement global, la pollution, la disparition lente mais sûre des ressources énergétiques et de la biodiversité alors qu’augmentent la faim et la misère dans tous les pays, fragilisant nos sociétés. Faire des migrants, qu’ils soient sans papiers ou non, les boucs émissaires de ces problèmes globaux, n’est en rien une solution. Cela ne correspond à aucune réalité. Les problèmes de cohésion sociale dont souffre l’Europe ne sont pas la faute des migrants, mais le résultat du modèle de développement imposé par le Nord, qui détruit la planète et démembre les sociétés des hommes.

Au nom du peuple de Bolivie, de tous mes frères du continent et des régions du monde comme le Maghreb et les pays de l’Afrique, je fais appel à la conscience des dirigeants et députés européens, des peuples, citoyens et militants d’Europe, pour que ne soit pas approuvé le texte de la "directive retour". Telle que nous la connaissons aujourd’hui, c’est une directive de la honte. J’appelle aussi l’Union européenne à élaborer, dans les prochains mois, une politique migratoire respectueuse des droits de l’Homme, qui permette le maintien de cette dynamique profitable pour les deux continents, qui répare une fois pour toutes l’énorme dette historique, économique et écologique que les pays d’Europe ont envers une grande partie du Tiers-Monde, et qui ferme définitivement les veines toujours ouvertes de l’Amérique latine. Vous ne pouvez pas faillir aujourd’hui dans vos "politiques d’intégration" comme vous avez échoué avec votre supposée "mission civilisatrice" du temps des colonies.

Evo MORALES AYMA
Président de la République de Bolivie
Traduction : Perrine Escoriguel
 http://www.lalibre.be/debats/opinio...

Autres posts récents sur la directive de la honte

 CONTRE LA DIRECTIVE DE LA HONTE : LA MOBILISATION DOIT SE POURSUIVRE
 Rassemblement européen silencieux contre la directive de la honte - Strasbourg
 pour une europe ouverte et solidaire !

Messages

  • Y a-t’il un lien pour le texte en espagnol, SVP ?

    En effet, Evo Morales ne parle pas si couramment le français.

    •  Une source en Français , "Courrier International" qui donne la teneur du texte, mais ne le publie pas :
      http://www.courrierinternational.co...

      En espagnol, pas trouvé non plus.

       BBC MUNDO : l’union européenne répond à Morales :

      "Nous espérons que la politique d’immigration de l’UE ne bloquera pas les négociations avec la Communauté Andine des Nations" répondit le porte parole de l’UE pour les relations extérieures
      Christiane Hohmann"

      "Dans une lettre envoyée lundi, le président Evo Morales a dit qu’il pourrait bloquer les relations entre l’UE et la CAN et imposer un régime de visas pour les européens qui se rendraient en Bolivie si le bloc communautaire approuve ce qu’il appelle "la directive de la honte"" ("directiva de la vergüenza")

      "La délégation espagnole compte introduire des modifications à la directive"

      "selon diverses sources consultées par BBC mundo, la directive sera adoptée, car soutenue par les goupes majoritaires au parlement Européen."

      http://news.bbc.co.uk/hi/spanish/la...

       Le ministre des relations extérieures David Choquehuanca a ajouté que la Bolivie avait accueilli les immigrants européens sans exiger de papiers, et que la réciproque serait normale... (http://www.radiomundial.com.ve/yvke...)

  • Comapñeros,

    Voici les textes officiels (complets cette fois, le dernier paragraphe manquait) en espagnol et en français :


    A propósito de la "directiva Retorno"

    Hasta finales de la Segunda guerra mundial, Europa fue un continente de emigrantes. Decenas de millones de Europeos partieron a las Américas para colonizar, escapar de las hambrunas, las crisis financieras, las guerras o de los totalitarismos europeos y de la persecución a minorías étnicas.

    Hoy, estoy siguiendo con preocupación el proceso de la llamada "directiva retorno". El texto, validado el pasado 5 de junio por los ministros del Interior de los 27 países de la Unión Europea, tiene que ser votado el 18 de junio en el Parlamento europeo. Siento que endurece de manera drástica las condiciones de detención y expulsión a los migrantes indocumentados, cualquiera sea su tiempo de permanencia en los países europeos, su situación laboral, sus lazos familiares, su voluntad y sus logros de integración.

    A los países de América Latina y Norteamérica llegaron los Europeos, masivamente, sin visas ni condiciones impuestas por las autoridades. Fueron siempre bienvenidos, y lo siguen siendo, en nuestros países del continente americano, que absorbieron entonces la miseria económica europea y sus crisis políticas. Vinieron a nuestro continente a explotar riquezas y a transferirlas a Europa, con un altísimo costo para las poblaciones originales de América. Como en el caso de nuestro Cerro Rico de Potosí y sus fabulosas minas de plata que permitieron dar masa monetaria al continente europeo desde el siglo XVI hasta el XIX. Las personas, los bienes y los derechos de los migrantes europeos siempre fueron respetados.

    Hoy, la Unión Europea es el principal destino de los migrantes del mundo lo cual es consecuencia de su positiva imagen de espacio de prosperidad y de libertades públicas. La inmensa mayoría de los migrantes vienen a la UE para contribuir a esta prosperidad, no para aprovecharse de ella. Ocupan los empleos de obras públicas, construcción, en los servicios a la persona y hospitales, que no pueden o no quieren ocupar los Europeos. Contribuyen al dinamismo demográfico del continente europeo, a mantener la relación entre activos e inactivos que vuelve posible sus generosos sistemas de seguridad social y dinamizan el mercado interno y la cohesión social. Los migrantes ofrecen una solución a los problemas demográficos y financieros de la UE.

    Para nosotros, nuestros emigrantes representan la ayuda al desarrollo que los Europeos no nos dan – ya que pocos países alcanzan realmente el mínimo objetivo del 0,7% de su PIB en la ayuda al desarrollo. América Latina recibió, en 2006, 68.000 millones de dólares de remesas, o sea más que el total de las inversiones extranjeras en nuestros países. A nivel mundial alcanzan 300.000 millones de dólares, que superan a los 104.000 millones otorgados por concepto de ayuda al desarrollo. Mi propio país, Bolivia, recibió más del 10% del PIB en remesas (1.100 millones de dólares) o un tercio de nuestras exportaciones anuales de gas natural.

    Es decir que los flujos de migración son benéficos tanto para los Europeos y de manera marginal para nosotros del Tercer Mundo ya que también perdemos a contingentes que suman millones de nuestra mano de obra calificada, en la que de una manera u otra nuestros Estados, aunque pobres, han invertido recursos humanos y financieros.

    Lamentablemente, el proyecto de "directiva retorno" complica terriblemente esta realidad. Si concebimos que cada Estado o grupo de Estados puede definir sus políticas migratorias en toda soberanía, no podemos aceptar que los derechos fundamentales de las personas sean denegados a nuestros compatriotas y hermanos latinoamericanos. La "directiva retorno" preve la posibilidad de un encarcelamiento de los migrantes indocumentados hasta 18 meses antes de su expulsión – o "alejamiento", según el término de la directiva. ¡18 meses ! ¡ Sin juicio ni justicia ! Tal como está hoy el proyecto de texto de la directiva viola claramante los artículos 2, 3, 5, 6, 7, 8 y 9 de la Declaración Universal de los Derechos Humanos de 1948. En particular el artículo 13 de la Declaración reza :

    “1. Toda persona tiene derecho a circular libremente y a elegir su residencia en el territorio de un Estado.
    2. Toda persona tiene derecho a salir de cualquier país, incluso del propio, y a regresar a su país.”

    Y, lo peor de todo, existe la posibilidad de encarcelar a madres de familia y menores de edad, sin tomar en cuenta su situación familiar o escolar, en estos centros de internamientos donde sabemos ocurren depresiones, huelgas de hambre, suicidios. ¿Cómo podemos aceptar sin reaccionar que sean concentrados en campos compatriotas y hermanos latinoamericanos indocumentados, de los cuales la inmensa mayoría lleva años trabajando e integrándose ? ¿De qué lado está hoy el deber de ingerencia humanitaria ? ¿Dónde está la “libertad de circular”, la protección contra encarcelamientos arbitrarios ?
    Paralelamente, la Unión Europea trata de convencer a la Comunidad Andina de las Naciones (Bolivia, Colombia, Ecuador y Perú) de firmar un "Acuerdo de Asociación" que incluye en su tercer pilar un Tratado de Libre Comercio, de misma naturaleza y contenido que los que imponen los Estados Unidos. Estamos bajo intensa presión de la Comisión Europea para aceptar condiciones de profunda liberalización para el comercio, los servicios financieros, propiedad intelectual o nuestros servicios públicos. Además a título de la “protección jurídica” se nos presiona por el proceso de nacionalización del agua, el gas y telecomunicaciones realizados en el Día Mundial de los Trabajadores. Pregunto, en ese caso ¿dónde está la “seguridad jurídica” para nuestras mujeres, adolescentes, niños y trabajadores que buscan mejores horizontes en Europa ?
    Promover la libertad de circulación de mercancías y finanzas, mientras en frente vemos encarcelamiento sin juicio para nuestros hermanos que trataron de circular libremente... Eso es negar los fundamentos de la libertad y de los derechos democráticos.

    Bajo estas condiciones, de aprobarse esta "directiva retorno", estaríamos en la imposibilidad ética de profundizar las negociaciones con la Unión Europea, y nos reservamos del derecho de normar con los ciudadanos europeos las mismas obligaciones de visa que nos imponen a los Bolivianos desde el primero de abril de 2007, según el principio diplomático de reciprocidad. No lo hemos ejercido hasta ahora, justamente por esperar buenas señales de la UE.

    El mundo, sus continentes, sus océanos y sus polos conocen importantes dificultades globales : el calentamiento global, la contaminación, la desaparición lenta pero segura de recursos energéticos y biodiversidad mientras aumenta el hambre y la pobreza en todos los países, fragilizando nuestras sociedades. Hacer de los migrantes, que sean documentados o no, los chivos expiatorios de estos problemas globales, no es ninguna solución. No corresponde a ninguna realidad. Los problemas de cohesión social que sufre Europa no son culpa de los migrantes, sino el resultado del modelo de desarrollo impuesto por el Norte, que destruye el planeta y desmiembra las sociedades de los hombres.
    A nombre del pueblo de Bolivia, de todos mis hermanos del continente y regiones del mundo como el Maghreb y los países de Africa, hago un llamado a la conciencia de los líderes y diputados europeos, de los pueblos, ciudadanos y activistas de Europa, para que no se apruebe el texto de la "directiva retorno". Tal cual la conocemos hoy, es una directiva de la vergüenza. Llamo también a la Unión Europea a elaborar, en los próximos meses, una política migratoria respetuosa de los derechos humanos, que permita mantener este dinamismo provechoso para ambos continentes y que repare de una vez por todas la tremenda deuda histórica, económica y ecológica que tienen los países de Europa con gran parte del Tercer Mundo, que cierre de una vez las venas todavía abiertas de América latina. No pueden fallar hoy en sus “políticas de integración” como han fracasado con su supuesta “misión civilizatoria” del tiempo de las colonias.

    Reciban todos ustedes, autoridades, europarlamentarios, compañeras y compañeros saludos fraternales desde Bolivia. Y en particular nuestra solidaridad a todos los “clandestinos”.

    Evo Morales Ayma
    Presidente de la República de Bolivia


    Au sujet de la “directive retour”

    Jusqu’à la fin de la Seconde guerre mondiale, l’Europe était un continent d’émigrants. Des dizaines de millions d’Europe partirent aux Amériques pour coloniser, échapper aux famines, aux crises financières, aux guerres ou aux totalitarismes européens et à la persécution des minorités ethniques.

    Aujourd’hui, je suis avec préoccupation le processus de la dite “directive retour”. Ce texte, validé le 5 juin passé par les ministres de l’Intérieur des 27 pays de l’Union européenne, doit être approuvé le 18 juin par le Parlement européen. Je percois qu’il durcit de manière drastique les conditions de détention et d’expulsion des migrants sans papier, quelque ait été leur temps de séjour dans les pays européens, leur situation de travail, leurs liens familiaux, leur volonté et le succès de leur intégration.

    Les Européens sont arrivés dans les pays d’Amérique latine et d’Amérique du Nord, en masse, sans visa ni conditions imposées par les autorités. Ils furent toujours bienvenus, et le demeurent, dans nos pays du continent américain, qui absorbèrent alors la misère économique européenne et ses crises politiques. Ils vinrent sur notre continent en exploiter les richesses et les transférer en Europe, avec un coût très élevé pour les peuples premiers de l’Amérique. Comme par exemple dans le cas de notre Cerro Rico de Potosi et de ses fabuleuses mines qui donnèrent sa masse monétaire au continent européen entre le XVIème et le XIXème siècle. Les personnes, les biens, les droits des migrants européens furent toujours respectés.

    Aujourd’hui, l’Union européenne est la principale destination des migrants du monde, conséquence de son image positive d’espace de prospérité et de libertés publiques. L’immense majorité des migrants viennent dans l’Union européenne pour contribuer à cette prospérité, non pour en profiter. Ils occupent les emplois de travaux publics, dans la construction, les services aux personnes et dans les hôpitaux, que ne peuvent ou ne veulent occuper les Européens. Ils contribuent au dynamisme démographique du continent européen, à maintenir la relation entre actifs et inactifs qui rend possible ses généreux systèmes de solidarité sociale et dynamisent le marché interne et la cohésion sociale. Les migrants offrent une solution aux problèmes démographiques et financiers de l’UE.

    Pour nous, nos émigrants représentent l’aide au développement que les Européens ne nous donnent pas – vu que peu de pays atteignent réellement l’objectif minimum de 0,7% du PIB d’aide au développement. L’Amérique latine a recu, en 2006, 68 milliards de dollars de transferts financiers de ses émigrés, soit plus que le total des investissements étrangers dans nos pays. Au niveau mondial, ces transferts atteignent 300 milliards de dollars, qui dépassent les 104 milliards de dollars octroyés au nom de l’aide au développement. Mon propre pays, la Bolivie, a recu plus de 10% de son PIB en transferts de fond des migrants (1,1 milliards de dollars), soit un tiers de nos exportations annuelles de gaz naturel.

    Il apparaît que les flux de migration sont bénéfiques pour les Européens et, de manière marginale, aussi pour nous du Tiers-Monde, vu que nous perdons des millions de personnes de main-d’oeuvre qualifiée en laquelle, d’une manière ou d’une autre, nos États, bien que pauvres, ont investi des ressources humaines et financières.

    Il est regrettable que le projet de “directive retour” complique terriblement cette réalité. Si nous concevons que chaque État ou groupe d’États puisse définir ses politiques migratoires en toute souveraineté, nous ne pouvons accepter que les droits fondamentaux des personnes soient déniés à nos compatriotes et à nos frères latinoaméricains. La directive retour prévoit la possibilité d’un enfermement des migrants sans papier jusqu’à 18 mois avant leur expulsion – ou “éloignement” selon le terme de la directive. 18 mois ! Sans procès ni justice ! Tel qu’il est le projet de directive viole clairement les articles 2, 3, 5, 6, 7, 8 et 9 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme de 1948. Et en particulier l’article 13 qui énonce :
    “1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un Etat.
    2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays.”

    Et, pire que tout, il existe la possibilité d’emprisonner des mères de familles et des mineurs, sans prendre en compte leur situation familiale ou scolaire, dans ces centres de rétention où nous savons que surviennent des dépressions, des grèves de la faim, des suicides. Comment pouvons-nous accepter sans réagir que soient concentrés dans ces camps nos compatriotes et frères latinoaméricains sans papier, dont l’immense majorité travaille et s’intègre depuis des années ? De quel côté est aujourd’hui le devoir d’ingérence humanitaire ? Où est la “liberté de circuler”, la protection contre les emprisonnements arbitraires ?

    Parallèlement, l’Union européenne tente de convainre la Communauté Andine des Nations (Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou) de signer un “Accord d’association” qui inclue en son troisième pilier un traité de libre-échange, de même nature et contenu que ceux qu’imposent les États-Unis. Nous subissons une intense pression de la Commission européenne pour accepter des conditions de profonde libéralisation pour le commerce, les services financiers, la propriété intellectuelle ou nos services publics. De plus, au nom de la “protection juridique”, on nous reproche notre processus de nationalisation de l’eau, du gaz et des télécommunications réalisés le Jour des travailleurs. Je demande, dans ce cas : où est la “sécurité juridique” pour nos femmes, adolescents, enfants et travailleurs qui recherchent un horizon meilleur en Europe ?
    Promouvoir d’un côté la liberté de circulation des marchandises et des flux financiers, alors qu’en face nous voyons des emprisonnements sans jugement pour nos frères qui ont essayé de circuler librement... Ceci est nier les fondements de la liberté et des droits démocratiques.

    Dans ces conditions, si cette “directive retour” devait être approuvée, nous serions dans l’impossibilité éthique d’approfondir les négociations avec l’Union européenne et nous nous réservons le droit d’imposer aux citoyens européens les mêmes obligations de visas qui sont nous ont été imposées le 1er avril 2007, selon le principe diplomatique de réciprocité. Nous ne l’avions pas exercé jusqu’à maintenant, attendant justement des signaux positifs de l’UE :

    Le monde, ses continents, ses océans, ses pôles, connaissent d’importantes difficultés globales : le réchauffement global, la pollution, la disparition lente mais sûre des ressources énergétiques et de la biodiversité alors qu’augmentent la faim et la misère dans tous les pays, fragilisant nos sociétés. Faire des migrants, qu’ils soient sans papier ou non, les boucs émissaires de ces problèmes globaux, n’est en rien une solution. Cela ne correspond à aucune réalité. Les problèmes de cohésion sociale dont souffre l’Europe ne sont pas la faute des migrants, sinon le résultat du modèle de développement imposé par le Nord, qui détruit la planète et démembre les sociétés des hommes.

    Au nom du peuple de Bolivie, de tous mes frères du continent et des régions du monde comme le Maghreb et les pays de l’Afrique, je fais appel à la conscience des dirigeants et députés européens, des peuples, citoyens et militants d’Europe, pour que ne soit pas approuvée le texte de la “directive retour”. Telle que nous la connaissons aujourd’hui, c’est une directive de la honte. J’appelle aussi l’Union européenne à élaborer, dans les prochains mois, une politique migratoire respectueuse des droits de l’Homme, qui permette le maintien de cette dynamique profitable pour les deux continents, qui répare une fois pour toutes l’énorme dette historique, économique et écologique que les pays d’Europe ont envers une grande partie du Tiers-Monde, et qui ferme définitivement les veines toujours ouvertes de l’Amérique latine. Vous ne pouvez pas faillir aujourd’hui dans vos “politiques d’intégration” comme vous avez échoué avec votre supposée “mission civilisatrice” du temps des colonies.

    Recevez tous, autorités, eurodéputés, camarades, un fraternel salut depuis la Bolivie. Et en particulier notre solidarité envers tous les “clandestins”.

    Evo Morales Ayma
    Président de la République de Bolivie

  • MERCI EVO MORALES DE NOUS DONNER UN COUP DE MAIN.................

    MERCI ENCORE..........

  • Bonne réponse d’Evo à l’UE.

    Je signe pour qu’il soit Nobélisé.

    Salut fraternel.

    le Renard Rouge

    • Exposé du Chef Guaicaipuro Cuatemoc devant la réunion des Chefs d’Etat de la Communauté Européenne.

      Avec un langage simple, retransmis en traduction simultanée à plus d’une centaine de Chefs d’Etats et de dignitaires de la Communauté Européenne,le Chef Guaicapuro Cuatemoc réussit à inquiéter son auditoire lorsqu’il dit :

      "Ainsi moi, Guaicaipuro Cuatemoc, je suis venu rencontrer ceux qui célèbrent la rencontre.
      Ainsi moi, descendant de ceux qui peuplaient l’Amérique il y a quarante mille ans, je suis venu rencontrer ceux qui l’on rencontrée il y a seulement cinq cents ans. Ainsi, donc, nous nous rencontrons tous. Nous savons qui nous sommes, et cela suffit. Le frère douanier européen me demande un papier écrit avec un visa pour que je puisse découvrir ceux qui m’ont découvert.
      Le frère usurier européen me demande de payer une dette contractée par Judas à qui je n’avais jamais permis de me vendre quoi que ce soit. Le frère avocaillon européen m’explique que toute dette se paie avec intérêt, même si c’est en vendant des êtres humains et des pays entiers sans leur demander leur consentement.
      Et je les découvre peu à peu. Moi aussi, je peux réclamer des paiements, moi aussi je peux réclamer des intérêts.

      Les Archives des Indes,attestent, papier après papier,reçu après reçu et signature après signature, que seulement entre 1503 et 1660, sont arrivés à Sanlucar de Barrameda 185 tonnes d’or et 16 mille tonnes d’argent en provenance d’Amérique.
      Pillage ? Je ne le croirais pas !
      Ce serait penser que les frères chrétiens ont manqué à leur Septième Commandement.
      Spoliation ? Que Tanatzin me garde d’imaginer que les Européens, comme Cain,tuent et nient le sang de leur frère !
      Génocide ? Ce serait accorder crédit aux calomniateurs tels Bartolomé de las Casas, qui qualifient la rencontre de "destruction des Indes" ou d’autres comme Arturo Uslar Pietre qui affirment que le démarrage du capitalisme et la civilisation européenne actuelle se sont produits grâce à cette avalanche de métaux précieux ! Non !

      Ces 185 tonnes d’or et ces 16 mille tonnes d’argent doivent être considérés comme le premier de beaucoup d’autres prêts amicaux de l’Amérique, affectés au développement de l’Europe.
      Le contraire serait présumer de l’existence de crimes de guerre, ce qui ouvrirait droit non seulement à exiger leur remboursement immédiat, mais également à des dommages et intérêts.

      Moi, Guaicaipuro Cuatemoc, je préfère retenir la moins belliqueuse de ces hypothèses. Cette fabuleuse exportation de capitaux ne fut que le début d’un plan "MARSHALLTEZUMA", destiné à assurer la reconstruction de la barbare Europe,ruinée par ses guerres déplorables contre des musulmans cultivés, inventeurs de l’algèbre, du bain quotidien et de bien d’autres progrès importants de la civilisation.

      Donc, en célébrant le Cinquième Centenaire du Prêt, nous pourrions nous demander : les frères européens ont-ils fait un usage rationnel, responsable ou du moins productif des fonds si généreusement avancés par le Fonds International Indo-américain ?
      Nous regrettons de devoir dire non.
      En matière de stratégie, ils l’ont dilapidé lors des batailles de Lepanto,dans les invincibles armadas, dans des troisièmes reichs et dans bien d’autres formes d’extermination mutuelle, sans autre fin que de se retrouver occupés par les troupes gringas de l’OTAN, comme à Panama, le canal en moins.

      En matière financière, après un moratoire de 500 ans, ils ont été incapables, non seulement de liquider le capital et ses intérêts mais également de se rendre indépendants vis-à-vis des revenus en liquide,des matières premières et de l’énergie bon marché que leur exporte et leur fournit tout le Tiers Monde.
      Ce tableau déplorable confirme l’affirmation de Milton Friedman qui dit qu’une économie subventionnée ne peut jamais fonctionner,ce qui nous oblige,dans votre intérêt,à vous réclamer le paiement du capital et des intérêts dont nous avons si généreusement différé le paiement ces derniers siècles.

      Ceci étant, nous devons préciser que nous ne nous abaisserons pas à faire payer à nos frères européens les taux d’intérêt vils et sanguinaires de 20 et même de 30 % qu’à l’occasion certains frères européens font payer aux peuples du Tiers Monde.
      Nous nous limiterons à exiger le remboursement des métaux précieux avancés,plus un intérêt modique fixe de 10 % l’an,cumulé seulement sur les 300 dernières années, soit 200 ans d’exonération. Sur cette base, et si nous appliquons la formule européenne des intérêts composés, nous informons nos découvreurs qu’ils nous doivent, en premier paiement de leur dette, un poids de 484 147 milles tonnes d’or et 42 milliards de tonnes d’argent.
      A savoir, des volumes équivalant aujourd’hui à 212 345 millions de fois la production d’or annuelle mondiale et 3 164 milliards de fois celle d’argent..
      Ce total équivaut également à 70 % de toute l’écorce terrestre, soit 0,7 % de l’ensemble de la planète.

      Elles pèsent lourd ces masses d’or et d’argent.
      Et combien pèseraient-elles si on les comptait en sang ? Ajouter que l’Europe, en un demi millénaire, n’a pas pu générer suffisamment richesses pour régler ce modique intérêt, serait admettre son échec financier absolu et/ou l’irrationalité démentielle des principes du capitalisme.
      Bien entendu,les Indiens d’Amérique ne se posent pas de telles questions métaphysiques.
      Par contre nous exigeons la signature d’une Lettre d’Intention engageant les peuples débiteurs du Vieux Continent, les obligeant à respecter leur engagement par une rapide privatisation ou reconversion de l’Europe,leur permettant de nous la remettre tout entière, à titre de premier versement de la dette historique."

      Quand le Chef Guaicaipuro Cuatemoc a donné sa conférence devant la réunion des Chefs D’Etat de la Communauté Européenne,il ne savait pas qu’il était en train d’exposer une thèse de Droit International destinée à déterminer la VERITABLE DETTE EXTERIEURE.

      Il ne reste plus qu’à trouver un gouvernement latino-américain suffisamment courageux pour porter l’affaire devant les Tribunaux Internationaux.

      Valence, Avril 2002

  • MORT AU COMBAT

    L’esprit impérialiste et l’idéologie de la réparation post-coloniale viennent de faire une nouvelle victime.

    Morales trouve donc normal de déraciner et de vendre une partie de son peuple aux anciens colons. Il refuse également aux pays d’Europe la liberté d’adopter les politiques migratoires qu’ils désirent. Si lui s’accorde le droit d’envoyer une partie de son peuple travailler pour les anciens colons chez les anciens colons, il doit en retour accorder à ces derniers le droit de ne pas vouloir accueillir les « esclaves » (terme volontairement provocateur de ma part) qu’il leur envoie et il doit leur concéder le droit de prendre les mesures qu’ils jugent nécessaire pour cela. A ce titre, Morales s’oppose donc au droit fondamental qu’ont les peuples à pouvoir disposer d’eux-mêmes. A ce titre, Morales raisonne donc comme un colon impérialiste. La raison qu’il avance pour justifier une telle attitude : revanche contre la conquête de l’Amérique du Sud opérée par les pays d’Europe, manière de réparer l’outrage subi. Seulement, le président de la Bolivie oublie une chose essentielle : les travailleurs des peuples européens sont-il responsables de la colonisation de l’Amérique du Sud qui commença il y a 500 ans et qui pour la Bolivie s’acheva en 1825 ? Au nom de quoi les travailleurs européens devraient-ils aujourd’hui subir ce qui s’apparente à la « libre » concurrence libérale voire à une forme de colonisation de la part des compatriotes de Morales ? Au nom de quoi doit-on ajouter des difficultés et des drames au quotidien des travailleurs des pays d’Europe ? Au nom de la solidarité entre les prolétaires de tous les pays ? Au nom du cosmopolitisme citoyen et éco-responsable comme solution au capitalisme mondialisé ? Au nom des Droits-de-l’homme qu’invoquent Morales, cette idéologie impérialiste au nom de laquelle les pays riches oppriment les pays pauvres ?

    Le président bolivien est ici parfaitement représentatif de l’inconséquence de ce qu’il convient d’appeler la pensée altermondialiste qui rêve d’un mondialisme réformé, adapté et moralisé dans lequel s’épanouira leurs chimères d’une social-démocratie réellement représentative et d’une libre concurrence équitable née des transferts internationaux de main d’œuvre. Et les altermondialistes et leurs collègues idiots de SOS Racisme, la Cimade ou Les Verts peuvent rêver encore longtemps, pendant ce temps les oligarques capitalistes eux continuent de se frotter les mains et de remplir le tiroir-caisse en riant de cette stérile contestation planétaire et citoyenne.