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Haïti : 300.000 sans-abri

Publie le vendredi 24 septembre 2004 par Open-Publishing

de Amy Bracken

Encore traumatisés par le passage dévastateur de la tempête tropicale Jeanne, qui a fait plus de 1.100 morts et de très nombreux sans-abri, les Haïtiens continuaient à enterrer les cadavres des victimes vendredi, alors que certains habitants tentaient de piller des camions apportant de l’aide humanitaire.

Affamés et assoiffés, des survivants ayant perdu parfois toute leur famille et tous leurs biens perdaient patience en attendant les secours. Complètement démunis, certains déféquaient dans les rues encore pleines de boue, de carcasses d’animaux et de débris divers, un environnement particulièrement propice au développement des épidémies.

« C’est une situation critique en terme d’épidémies », a d’ailleurs déclaré Françoise Gruloos, directrice de l’Unesco en Haïti.

Aux Gonaïves, la troisième ville du pays particulièrement touchée, on continuait à rechercher les corps de victimes.

Jeudi soir, 1.013 corps avaient été enterrés dans cette cité de 250.000 habitants, a affirmé Dieufort Deslorges, porte-parole de la protection civile, en précisant qu’au total, 1.160 corps avaient été retrouvés vendredi matin. Il a également évalué à 1.251 le nombre de disparus et à près de 300.000 le nombre de sans-abri dans le nord-ouest du pays, essentiellement aux Gonaïves.

Jeudi, des habitants ont pris d’assaut un camion apportant des vivres collectés par des membres du Rotary Club de Port-au-Prince, la capitale située dans le sud du pays. Le camion a essayé de se dégager, mais la foule l’a vidé de toute sa cargaison en une dizaine de minutes : nourriture, eau, gants chirurgicaux et allumettes.

Par ailleurs, un journaliste de l’agence Associated Press (AP) a vu des gens arrêter une cérémonie d’inhumation de nombreux corps. Des employés d’un cimetière demandaient de l’argent. « Nous avons arrêté cette inhumation parce que ça sentait trop mauvais, ça infecte nos poumons et ils ne nous paient pas », expliquait un fossoyeur, Jeudi Nestin. D’autres s’opposaient à ces enterrements parce que selon eux, un corps enterré sans rite religieux va errer sans fin et commettre des actes mauvais.

A l’aube vendredi, des agriculteurs tentaient de se frayer un chemin dans les champs transformés en marécage, emportant des seaux et des sacs vides dans l’espoir d’acheter quelque chose à manger sur le marché d’Aupotau, une ville où ils viennent d’habitude vendre leurs produits, « l’endroit le plus proche qui n’a pas été dévasté », ont-ils expliqué.

Cette semaine, le président par intérim d’Haïti, Boniface Alexandre, avait lancé un appel à la communauté internationale pour obtenir une aide d’urgence.
Plusieurs pays ont déjà envoyé de l’aide en Haïti, ainsi que des membres de la Fédération internationale de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, dans des avions qui sont arrivés du Panama, du Canada et de France ces derniers jours.
Jeudi, le gouvernement américain a annoncé qu’il fournirait plus de deux millions de dollars d’aide.

L’acheminement de l’aide aux personnes qui en ont besoin sera plus difficile. « Nous travaillons à organiser la sécurité aux points de distribution parce que c’est un problème de plus en plus important, avec des gens qui ont passé quatre ou cinq jours sans nourriture ni eau », a expliqué Hans Havik, de la Fédération internationale de la Croix-Rouge. (AP)

http://permanent.nouvelobs.com/etranger/20040924.FAP1958.html?1933