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17, 18 et 19 Septembre 2004 : Les altermondialistes en Congrès à Beyrouth
Publie le samedi 18 septembre 2004 par Open-Publishing2 commentaires
Trois jours durant, les mouvements antimondialisation, venus des quatre coins de la planète, se retrouveront à Beyrouth, pour étudier l’étape à venir.
Une grande manifestation qui a choisi le Liban, comme un symbole d’une action contre la guerre en Irak et les agissements israéliens en Palestine. Tous ceux qui se sont mobilisés contre l’invasion de l’Irak et contre la visite du secrétaire d’État américain en Grèce, il y a deux mois, se retrouveront donc à Beyrouth, pour trois jours de réunions, afin de mettre au point une stratégie pour l’avenir.
Les débats prévus, qui seront en permanence ouverts à la presse, s’annoncent houleux car il s’agit d’étudier les mesures à prendre pour poursuivre la lutte, de déterminer les points forts et les faiblesses du mouvement, d’examiner le rôle que pourraient éventuellement jouer les Nations unies, et enfin de définir un plan d’action au cas où George W. Bush remporterait l’élection présidentielle de novembre aux États-Unis.
Des délégations du monde entier participent au congrès et plus particulièrement des représentants des mouvements européens, extrême-orientaux, pakistanais, américains, palestiniens, turcs, irakiens, africains, égyptiens et australiens.
En marge des travaux du congrès, des activités parallèles sont prévues, notamment une visite au Liban-Sud, une autre dans les camps palestiniens de Sabra et Chatila, une rencontre avec les organisateurs d’une campagne de boycott des produits américains, une autre avec les membres du comité de suivi des prisonniers libanais en Israël, ainsi qu’une soirée musicale au palais de l’Unesco.
Un grand rendez-vous donc, mais surtout un message venu de là où tout se passe désormais, c’est-à-dire du Moyen-Orient.
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1. > 17, 18 et 19 Septembre 2004 : Les altermondialistes en Congrès à Beyrouth, 20 septembre 2004, 09:08
France-Syrie : la lune de miel est finie
La résolution de l’ONU soutenue par Paris est ressentie comme une déclaration de guerre.
18/09/04 - Libération
En juin 2000, Jacques Chirac est l’un des rares chefs d’Etat européens à se rendre à Damas aux obsèques de Hafez el-Assad. Il aurait dit alors à son fils et héritier Bachar : « J’ai tendu une main amicale à votre père, je vous la tends aujourd’hui. » En juillet 1998, la France avait déjà accueilli en grande pompe le dictateur syrien. Et, le 26 juin 2001, le président français recevait à son tour Bachar à Paris. On le voit : la Syrie a toujours été choyée par Paris, qui a largement ignoré les accusations de terrorisme portées par Washington à l’encontre du régime baasiste. Pour ces raisons, le régime syrien ne s’attendait pas à ce qui est ressenti comme une déclaration de guerre : le fait que la France a rejoint les Etats-Unis pour initier, le 2 septembre, la résolution 1559 exhortant la Syrie à respecter la souveraineté du Liban et à ne pas s’ingérer dans l’élection présidentielle libanaise.
C’est la décision de Damas de faire amender la Constitution par le Parlement libanais pour prolonger de trois ans le mandat de son protégé, le président Emile Lahoud qui a mis le feu aux poudres et provoqué la réaction de Paris. L’affaire n’est pas finie puisqu’une résolution plus contraignante, attendue le 3 octobre, devrait suivre à l’issue du délai probatoire d’un mois donné à la Syrie et au gouvernement libanais pour se conformer aux injonctions onusiennes. D’ores et déjà, le Parlement libanais a enfreint la résolution onusienne en prolongeant le mandat d’Emile Lahoud.
Gifle. A Damas, l’initiative française a été ressentie comme « un tir de Scud », selon l’expression d’un homme d’affaires libanais. Il semble même que ses dirigeants, pourtant avertis de la préparation de cette résolution, n’aient pas imaginé que la France puisse aller jusqu’au bout. D’où la question posée à Beyrouth comme à Paris : qu’est-ce qui a poussé brutalement la diplomatie française à s’allier aux Etats-Unis ? Certes, s’il y a eu lune de miel entre Paris et Damas après la prise du pouvoir par Bachar el-Assad, et, naguère encore, coïncidence de vues entre les deux gouvernements pour refuser l’invasion américaine de l’Irak, les relations n’étaient plus au beau fixe ces derniers mois.
A preuve, la gifle reçue par Total, qui, après avoir prospecté un important gisement gazier et reçu l’assurance de Damas que l’exploitation lui reviendrait, a vu in fine le contrat d’un montant de 700 millions de dollars tomber dans l’escarcelle de la compagnie américaine Occidental Petroleum. Pareil au Liban où France Télécom a perdu sa place sur le marché du téléphone portable, sa filiale libanaise ayant été victime des conflits d’intérêts entre le général Lahoud et le Premier ministre, Rafic Hariri. La nouvelle campagne d’adjudication promettait d’être favorable à Orange. Mais le contrat est revenu aux Allemands et aux Koweïtiens. C’est pourtant Paris qui avait organisé, il y a deux ans, un sauvetage financier exceptionnel du Liban, en mobilisant sur une garantie publique française quelque 500 millions de dollars contre l’avis de Bercy. Cela n’explique pas pour autant le brusque revirement de Paris.
« Les Français ont cru que les choses allaient changer en Syrie avec Bachar. Plus maintenant. Ils jugent qu’ils lui ont donné assez de temps. Ils ont vu aussi que les Américains commençaient à les devancer au Liban », estime Simon Abiramia, un proche du général Michel Aoun (en exil à Paris). Un homme d’affaires libanais ajoute : « Les Français ont fini par découvrir qu’il ne peut y avoir de relations un tant soit peu équilibrées avec la Syrie. Il n’y a plus qu’un dernier carré d’irréductibles qui croient pouvoir négocier avec les Syriens. » Mais il y a aussi une autre raison, moins avouable : le rôle du Premier ministre, Rafic Hariri. Ce grand ami de Chirac est un adversaire déterminé de Lahoud, avec lequel il a des relations exécrables. « Ne cherchez pas plus loin : c’est lui qui a poussé Chirac à s’engager contre les Syriens », souligne un ancien ministre français des Affaires étrangères. Un diplomate français, fin connaisseur de la région, renchérit : « Avant, tout ce qu’on faisait pour la Syrie, c’était pour Hariri. Maintenant, tout ce qu’on fait contre la Syrie, c’est encore pour Hariri. »
« Se couper la main ». Là où le bât blesse, c’est que Harari avait promis aux Français de tout faire pour contrecarrer l’amendement constitutionnel voulu par Damas, ce qui légitimait d’autant la position franco-américaine. Selon des sources diplomatiques, il avait même promis de « se couper la main » plutôt que de reculer. Or une convocation à Damas par le président syrien, suivie par une seconde de Rostom Ghazalé, le chef des services de renseignements syriens au Liban, l’ont ramené à la raison. Selon une source proche du Premier ministre, celui-ci « a subi une pression inimaginable des Syriens, qui lui ont mis un pistolet sur la tempe ». Les députés de son Bloc ont donc voté l’amendement et aucun de ses ministres n’a démissionné, contrairement à ceux du leader druze Walid Joumblatt.
Depuis, Paris est furieux. D’autant que le désamour franco-syrien tombe au pire moment : l’enlèvement des deux journalistes français. Or, Damas, fin connaisseur des réseaux au Proche-Orient, est sans doute la capitale la mieux informée sur l’Irak. Et le ministre des Affaires étrangères Michel Barnier ne s’y est pas rendu.
2. > 17, 18 et 19 Septembre 2004 : Les altermondialistes en Congrès à Beyrouth, 21 septembre 2004, 01:29
L’échec cinglant du multilatéralisme franco-américain et de la puissance douce face à la Syrie
12 septembre 2004
a résolution franco-américaine visant à amener un retrait syrien du Liban, acceptée par le Conseil de sécurité de l’ONU, a eu pour effet de renforcer la mainmise de Damas sur Beyrouth. D’après l’analyste Amir Taheri, c’est la preuve que la « puissance douce » est interprétée comme une faiblesse par les régimes autocratiques.
L’un des reproches adressés au Président Bush sur l’Irak est qu’il a contourné les Nations Unies, ignoré ses alliés et agi de manière unilatérale. La théorie voudrait ainsi que l’appui du Secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, et du Président français, Jacques Chirac, soit la meilleure garantie de succès pour la politique étrangère américaine, notamment au Moyen-Orient. Cette théorie a été mise à l’épreuve au début du mois – et s’est révélée non seulement fausse, mais également contre-productive, au moins jusqu’ici.
« ... Loin de s’incliner devant la volonté collective de la communauté internationale, la Syrie a décidé d’ignorer l’alliance Bush-Chirac et a réagi, de fait, en abolissant l’Etat libanais. »
Voici les faits : des diplomates français, désireux d’offrir une alternative au « changement de régime » de Bush, ont passé une bonne partie de l’été à mener des discussions secrètes avec leurs homologues américains pour définir une ligne commune au sujet de la Syrie, l’un des membres les plus anciens du club des « Etats commanditaires du terrorisme. » A la fin du mois d’août, les discussions avaient produit un accord sur une action conjointe afin de mettre un terme à la présence militaire syrienne au Liban.
L’abolition soudaine de l’Etat libanais
Le 2 septembre est survenu ce qui ne s’est pas produit depuis longtemps : la France et les Etats-Unis ont proposé un ensemble une résolution au Conseil de sécurité appelant la Syrie à retirer son armée du Liban et à permettre le désarmement des milices libanaises, y compris le Hezbollah contrôlé par l’Iran. La résolution a été adoptée par 9 voix contre 0, avec 6 abstentions, indiquant un consensus inhabituel à l’ONU. Les diplomates français étaient au septième ciel : ils avaient prouvé qu’ils pouvaient accomplir par la diplomatie ce que le « cow-boy » Bush insiste pour accomplir par la force.
Mais ce qui s’est ensuite passé est moins idyllique : loin de s’incliner devant la « volonté collective de la communauté internationale », la Syrie a décidé d’ignorer l’alliance Bush-Chirac et a réagi, de fait, en abolissant l’Etat libanais. Le Président syrien Bachar el-Assad a convoqué le Premier ministre libanais Rafik Hariri à Damas, la capitale syrienne. Hariri a dû ronger son frein pendant 2 heures avant d’être admis en la présence d’Assad et de recevoir pendant 15 minutes des « instructions », dont un ordre de faire amender la Constitution libanaise afin d’autoriser le mandat de 6 ans du Président Emile Lahoud, nommé par la Syrie, d’être prolongé de 3 ans.
Assad a également convoqué Nabih Berri, Président du Parlement libanais, et lui a ordonné d’amender la Constitution et de prolonger le mandat de Lahoud en une seule session. Le leader syrien a exigé que ses ordres soient exécutés dans les 24 heures suivant le « triomphe » Chirac-Bush au Conseil de Sécurité. Le fait que l’Etat libanais ait concrètement cessé d’exister a été révélé lorsque le prétendu Parlement de Beyrouth a obéi aux ordres d’Assad, par un vote de 96 voix contre 29.
Pour souligner son mépris des Nations Unies, Assad a également ordonné le renforcement de la présence militaire syrienne au Liban de 28’000 hommes à presque 40’000 avant la fin de l’année. Les différents services secrets syriens, dont certains exploitent leurs propres tribunaux et prisons aussi bien en Syrie qu’au Liban, ont également reçu l’ordre d’adopter un profil plus haut à Beyrouth. Et l’Iran a augmenté ses livraisons d’armes à la branche libanaise du Hezbollah via la Syrie.
Tout ceci a été accompagné par une campagne des médias étatiques à Damas et des journaux sous contrôle syrien à Beyrouth contre l’intervention « impérialiste » franco-américaine, visant « à affaiblir l’unité arabe » en expulsant l’armée d’Assad du Liban.
Bien que la Syrie soit de facto la puissance majeure au Liban depuis presque 30 ans, personne ne s’attendait à ce qu’Assad n’en fasse étalage de façon aussi flagrante, en défiant ouvertement l’alliance Chirac-Bush. L’attitude d’Assad était d’autant plus surprenante qu’il n’était pas parvenu à persuader des alliés de longue date comme la Russie et la Chine d’opposer leur veto à la résolution franco-américaine.
Pourquoi Assad s’est-il comporté de la sorte ? La principale raison reste le fait que la dictature baasiste d’Assad fait partie des régimes qui ne réagissent qu’à la menace d’employer la force ou à son emploi effectif. Leur stratégie est basée sur l’hypothèse que si le bâton et la pierre peuvent leur briser les os, les paroles ne pourront jamais leur causer du mal.
La dictature baasiste de Saddam Hussein était également un régime de ce type. Le maître de Bagdad avait appris de 13 années d’expériences, pendant lesquelles il avait ignoré 12 résolutions contraignantes de l’ONU, que la diplomatie ne pourrait jamais menacer la seule chose qui lui importait : sa mainmise sur le pouvoir. Si Saddam a violé 12 résolutions en 13 ans avant de faire face à la menace d’une guerre, il reste 11 résolutions et 12 ans à Assad. Pourquoi donc se soucier aussi tôt dans la partie des parlotes franco-américaines ?
Un régime despotique ne peut se permettre d’écouter les résolutions de l’ONU : il finirait par être prié de cesser l’emprisonnement, la torture et le meurtre de ses opposants, d’accepter des élections libres – bref, de commettre un suicide politique. Il perdrait également en partie son aura d’invincibilité et sa capacité à terroriser sa population.
En fait, Assad compte sur « la grande et bonne nouvelle » que promettent ses médias : une défaite de Bush en novembre. Les médias syriens espèrent que « la tempête Bush » cessera bientôt de souffler et que l’Amérique reviendra à sa politique traditionnelle, consistant à cajoler le despote de Damas. Après tout, Bush est le seul Président depuis 1969 qui a refusé de rencontrer le dirigeant syrien ; Bill Clinton a rencontré deux fois Hafez el-Assad, le père d’Assad [les deux fois à Genève, en 1994 et 2000 – note du traducteur], et a soutenu son occupation du Liban.
Une autre raison de la défiance d’Assad se trouve être les mollahs de Téhéran, qui appuient son régime avec de l’argent, des armes et du pétrole à bon marché, et qui sont déterminés à ne pas laisser la diplomatie internationale jouer un rôle significatif dans la région. Les mollahs craignent que la résolution franco-américaine sur le Liban puisse créer un précédent et mener à une résolution s’opposant au programme d’armes nucléaires iranien. Les mollahs sont également décidés à conserver la branche libanaise du Hezbollah comme leur armée supplétive dans ce qu’ils considèrent être une guerre contre l’Amérique et Israël.
La riposte syrienne à l’initiative franco-américaine ne s’est pas limitée aux manœuvres politiques et à la propagande. En étroite coopération avec Téhéran, la Syrie a appelé ses agents et alliés en Irak à renforcer leur campagne terroriste dans l’espoir d’affaiblir la position de Bush au cours de l’élection à venir. « Le feu va s’étendre en Irak », promet le journal Tishrin, un organe du Baas syrien. De même, les médias iraniens n’ont pas caché leur espoir qu’une défaite de Bush mène rapidement à un retrait américain de la région.
Nous avons donc ici un exemple typique de diplomatie multilatérale, par opposition à « l’extrémisme » de Bush. La Syrie a été courtisée pendant plus de 2 ans par la France et d’autres membres de l’Union européenne, et elle s’est vue offrir la plus large gamme d’avantages que la « puissance douce » peut fournir. Le Président Assad a été fêté dans une demi-douzaine de capitales européennes et célébré comme « un grand dirigeant. »
Nous avons également une très gentille résolution, numéro 1559, écrite dans le langage le plus poli. Elle ne demande pas la lune. Tout ce qu’elle demande, c’est que la Syrie retire son armée du Liban, un membre fondateur de l’ONU, et laisse les Libanais mener leur vie à leur guise, tout comme les habitants du Timor Oriental le font depuis la fin de l’occupation indonésienne. La résolution n’appelle pas à une enquête sur les nombreux crimes que les Syriens sont suspectés d’avoir commis au Liban ces 30 dernières années, dont le meurtre de deux présidents élus et le pillage du trésor libanais.
En d’autres termes, la « puissance douce » ne peut être plus douce que cela. Mais on peut parier sans grand risque que la Syrie ne va pas évacuer le Liban à moins d’en être expulsée de force ou de voir son propre régime être menacé de destruction par le biais d’une action militaire. Voici près d’une année, l’Union Européenne a essayé la « puissance douce » pour convaincre l’Iran de ne pas construire un arsenal nucléaire, et elle a échoué. L’initiative « puissance douce » vers la Syrie se dirige également vers l’échec.
Ceux qui croient encore que Saddam aurait pu être persuadé de changer ses manières par une série infinie de résolutions onusiennes feraient bien de méditer sur les expériences iranienne et syrienne. Nous avons une belle résolution, nous avons Kofi Annan et Jacques Chirac au volant, nous faisons du multilatéralisme, et pourtant nous n’allons nulle part. Ne faudrait-il pas se demander pourquoi ?
Texte original : Amir Taheri, "Fiasco à la française’", New York Post, 10.9.2004
Traduction et réécriture : Lt col EMG Ludovic Monnerat