Accueil > A l’intérieur de Fallujah : Le journal de terreur d’une famille

A l’intérieur de Fallujah : Le journal de terreur d’une famille

Publie le mercredi 17 novembre 2004 par Open-Publishing


de Dahr Jamail

Elle sanglote en racontant l’histoire. La tunique qu’elle porte ne peut cacher
les tremblements de son corps, alors que des vagues de chagrin la traversent. « Je
ne peut retirer de ma tête l’image de son foetus soufflé hors de son corps. »

La soeur de Muna Salim, Artica, était enceinte de sept mois lorsque deux bombes
lancées par des avions US ont frappé leur maison à Fallujah, le 1er novembre. « Ma
soeur Selma et moi sommes les seules survivantes, parce que nous étions restées
dans la maison d’un voisin cette nuit-là », continue Muna, incapable d’accepter
sa survie alors que huit membres de sa famille ont péri durant les bombardements
qui ont été menés sur Fallujah pendant des semaines, en préparation à l’assaut.

Un de ses frères qui a également été tué lors de cette attaque, laisse derrière lui une femme et 5 enfants en bas âge.

« Il n’y avait aucun combattant dans notre zone, alors je ne sais pas pourquoi ils ont bombardé notre maison. » dit-elle. « Lorsque cela a commencé, il y a eu plein d’attaques, venant d’avions et de tanks, alors nous avons fui par l’est de Fallujah et nous sommes arrivées à Bagdad. »

Selma, la soeur de Muna, âgée de 41 ans, raconte des scènes d’horreur dans la ville qui était devenue le centre de la résistance en Irak depuis plusieurs mois. Elle décrit les maisons rasées par les innombrables frappes aériennes US et la puanteur des corps en décomposition répandue dans toute la cité.

« Les maisons bombardées s’étaient écroulées et avaient recouvert les corps, et personne ne pouvait aller les chercher car les gens avaient trop peur de conduire un bulldozer », explique-t-elle, lançant ses mains en l’air de désespoir.

« Même sortir de sa maison est maintenant impossible à Fallujah, à cause des snippers. »

Les deux soeurs décrivent une existence cauchemardesque à l’intérieur de la ville, où des combattants contrôlaient plusieurs zones, la nourriture et les médicaments manquaient, et les énormes secousses des bombes US étaient devenues une réalité quotidienne.

L’eau également manquait souvent, et l’électricité était rare. Comme beaucoup d’autres familles terrées à l’intérieur de Fallujah, elles faisaient marcher un petit générateur quand elles pouvaient avoir du carburant.

« Même lorsque les bombes étaient loin, les verres tombaient des étagères et se brisaient », dit Muna. « Aucun de nous ne pouvait dormir car la nuit, c’était encore pire. »

Lorsqu’elles allaient chercher de la nourriture, au milieu de la journée, elles étaient remplies de terreur à cause des avions de guerre US, qui rugissaient continuellement au-dessus de la ville. "Il y avait tellement d’avions, mais on ne savait jamais quand ils frapperaient. »

« Fallujah était comme une cité fantôme la plupart du temps. La plupart des familles restaient à l’intérieur de leur maison tout le temps, sortant chercher de la nourriture que lorsqu’il le fallait absolument. »

Les tanks attaquaient régulièrement les faubourgs de la ville lors des accrochages avec les résistants, ajoutant au chaos et à l’inquiétude. Les hélicoptères d’assaut étaient particulièrement terrifiants, traversant le ciel au dessus de la cité et lançant des roquettes sur le centre.

Pendant qu’elles racontent les expériences traumatisantes de leur famille durant les dernières semaines dans la maison de leur oncle à Bagdad, chacune des soeurs fait souvent des pauses, fixant le sol comme perdue dans des images, avant d’ajouter d’avantage de détails. Leur mère, âgée de 65 ans, a été tuée dans le bombardement, de même que leur frère, leurs 3 soeurs et leurs enfants

« Notre situation est comme celle de tant d’autres à Fallujah », dit Selma. Les mois de terreur sont gravés sur son visage.

« Tant de personnes ne pouvaient partir, parce qu’ils n’avaient nulle part où aller, et pas d’argent. »

Parmi les victimes, le mari d’Artica et leur fils de 4 ans.

Les deux soeurs ont réussi à fuir la ville par l’est, se frayant prudemment un passage à travers le cordon militaire US qui encerclait pratiquement toute la zone.

« Pourquoi notre famille a-t-elle été bombardée ? », supplie Muna, les larmes coulant le long des joues. « Il n’y a jamais eu aucun combattant dans notre zone. »

traduit de l’anglais par Roland Marounek, pour Cuba Solidarity Project (CSP)

source anglaise :
http://bellaciao.org/en/article.php3?id_article=4397


Après deux semaines de bombardements intensifs à Falloujah et aucune couverture médiatique à l’intérieur de la ville, la guerre de propagande fait rage. Les Américains n’’ont jamais fait allusion à la population (1/3 est restée sur place) de la ville, les victimes annoncées étaient tous des insurgés (terme repris par les agences de presse).

Hier, le général Myers a du lâcher du lest dans la propagande distillée par Négroponte et Allaoui, en évoquant des victimes civiles, une déclaration qui correspondait à l’arrivée d’un convoi du Croissant Rouge dans Falloujah.

Dahr Jamail est un journaliste free lance d’Alaska qui a déjà passé plus de 5 mois en Irak.Ses articles et témoignages retracent le quotidien des Irakiens affectés par l’occupation brutale US. Vous pouvez visitez son site www.dahrjamailiraq.com ou consultez ses articles qui sont publiés sur Electronic Irak http://electroniciraq.net/news/iraqdiaries.shtml