APRÈS L’EXÉCUTION DE SADDAM HUSSEIN : La grande vengeance des pétroliers texans

L’article suit a été écrit par Alberto G. Biuso et publié sur le site Girodivite. Il est republié ici en version française avec l’accord de son auteur.

de Alberto G. Biuso

« Je soutiens que la justice n’est rien d’autre que l’intérêt des plus forts. »

Samedi 30 dicembre 2006, Alberto Giovanni Biuso

La mort de Saddam Hussein al-Majid al-Takriti est pour George W. Bush « un exemple de cette justice qu’il niait aux victimes de son régime brutal”

Cette mort découle de ce que le juriste Antonio Cassese (La Repubblica) a défini comme « un procès farce », parce que la manière dont il s’est déroulé - sous le contrôle total de la puissance occupante - révèle « combien est fallacieuse l’affirmation de la Maison Blanche selon laquelle la pendaison de l’ex-dictateur démontrerait qu’aujourd’hui la « rule of law », c’est-à-dire l’état de droit a succédé à la tyrannie ("rule of a tyrant"). En réalité, les graves irrégularités du procès, la violation des droits de la défense et la réquisition de la peine capitale (interdite par tous les tribunaux pénaux internationaux) prouvent que ce n’est pas vrai. »

Une mort que Vittorio Zucconi (La Repubblica) a bien située dans son contexte et qu’il désigne comme la dernière d’une série de « pantomimes organisées pour donner un paravent de légitimité judiciaire à la vengeance finale des vainqueurs contre le vaincu, avant tout contre l’homme qui avait “tenté de tuer mon papa”. Dans la guerre à la fois globale et privée qui, depuis près de seize ans, depuis la Tempête du Désert, met aux prises les États-Unis et l’Iraq mais sans que jamais l’Irak n’ai agressé les États-Unis, finalement le clan texan des Bush a soldé ses comptes avec le clan sunnite des Takrites. (...) George W. Bush a eu la “pierre de touche” qu’il a achetée avec la vie de 2.992 soldats tués, 42 mille blessés et 600 milliards de dollars, mais aussi celle-ci ne ressemble tristement à rien d’autre qu’une pierre tombale ».

Mais le commentaire le plus adéquat et actuel est celui que Platon fait prononcer au sophiste Thrasymaque : « Tout gouvernement établit la loi en vue de son propre avantage : la démocratie, établit la loi démocratique, la tyrannie la loi tyrannique et ainsi de suite. Et une fois instituée, ceux-ci disposent que leur utilité propre devient pour les sujets ce qui est juste, si bien que ceux qui la transgressent sont poursuivis comme ennemis de la loi et de la justice. Voici donc, excellent ami, ce que dans toute forme de gouvernement je tiens pour être le juste ; au fond, il y a toujours la même chose : ce qui sert le pouvoir constitué. Celui-ci, en fait, il l’a de sa propre force et, par conséquent, qui sait bien raisonner ne peut pas ne pas convenir que dans tous les cas la justice s’identifie avec l’avantage du plus fort. » (République, 338 E - 339 A).

Tout ce qui est arrivé en Irak et au Proche-Orient est la énième conséquence de la guerre totale inventée par la puissance maritime et calviniste anglaise, imposée au monde d’abord par l’empire britannique et ensuite par celui des États-unis, de toute façon toujours alliés. Comme les analyses de Carl Schmitt l’ont montré, la puissance de l’élément maritime - le Léviathan - a contribué au développement de l’aviation et du feu qui détruit de haut. Les deux nouveaux éléments - l’air et le feu - délimitent une transformation ultérieure tendue vers la défaite et le contrôle de l’antique élément terrestre. Dans la première moitié du XXe siècle est né ainsi, à travers les affrontements et les destructions immenses, un nouveau « nomos » de la terre, lequel, de 1945 à nos jours, a contrôlé la planète, soumettant l’Europe continentale, lançant un feu gigantesque et destructeur sur le Japon, imposant partout la globalisation de ses modes de vie et de son économie. L’humanité tout entière est la viande de boucherie asservie aux intérêts financiers des USA et de leur chien de garde israélien au Proche-Orient. Cela n’a rien à avoir avec la démocratie, la paix, la liberté, paroles bonnes pour les masses et pour leurs bonimenteurs alliés de l’Empire.

Le procès truqué contre le dictateur iraquien est la bruyante confirmation du fait que même « les droits de l’homme » représentent une des formes au travers desquelles dans les conflits contemporains l’ennemi est criminalisé et privé de sa dignité d’homme. Qui ne respecte pas les droits humains ou est accusé de ne pas les respecter devient par cela même un monstre contre lequel aucune arme n’est illégitime. L’ennemi, en réalité, serait tué sur le champ - ce que l’honneur impose - et non étranglé dans les chaînes quand il ne peut plus se défendre. De Nuremberg à Bagdad court le fil rouge de l’infamie anglo-saxonne, de sa profonde lâcheté, typique des gens pour lesquels l’argent - et seulement l’argent - est tout.

L’exécution de Saddam Hussein est un homicide politique au nom de la démocratie, une peine de mort infligée au nom des droits humains - bruyant mais significatif oxymore ! - et par-dessus tout c’est avertissement à tous les tyrans du monde, non pour qu’ils renoncent à leur tyrannie mais pour qu’ils l’imposent toujours avec le contrôle, l’alliance, le bon plaisir des États-unis d’Amérique, comme le savait bien Saddam Hussein, tant que ses massacres furent accomplis avec le soutien actif et amical des Bush et de leurs amis. Et comme les savent encore ses collègues, tout aussi féroces que lui mais plus chanceux, qui ont dominé et dominent toujours leurs peuples avec le soutien de la puissance états-unienne : de Pinochet à Videla en Amérique Latine, aux dictateurs de l’Arabie Saoudite et du Pakistan en Asie et aux impitoyables tyranneaux africains auxquels les USA continuent de fournir armes, soutien et justification. Mais pour les pétroliers texans maîtres du monde, « justice est faite ». Encore une fois, Thrasymaque a raison.

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