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Afghanistan : la justice tranche en faveur de la liberté d’expression politique

Publie le samedi 19 septembre 2009 par Open-Publishing
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Afghanistan : la justice tranche en faveur de la liberté d’expression politique

Les juges de la 17ème chambre correctionnelle de Paris ont rendu jeudi un jugement déboutant le ministère de la Défense, qui attaquait l’association CAPJPO-EuroPalestine pour ses articles sur l’Afghanistan.

Me Antoine Comte, avocat de la défense, se félicite de cette décision de justice qu’il qualifie de "grande avancée pour la liberté d’expression politique".

Les juges ont en effet rejeté l’ensemble des accusations portées contre notre association, faisant valoir que nous avions exprimé "des opinions légitimes dans un contexte de débat politque d’intérêt général".

 Considérant l’accusation d’"apologie de crimes de guerres", le jugement souligne que "Le contexte, comme notamment le titre et la fin de l’article (incriminé ndlr), permettent clairement de comprendre que son auteur ne souhaite nullement en réalité « la multiplication des embuscades » ni ne les justifie. En effet, la prévenue déplore qu’il ait fallu attendre la mort de soldats français pour que « la presse française, honteusement silencieuse sur cette guerre » précédemment, amorce « un léger changement de ton » et commence à expliquer que « le peuple afghan supporte de moins en moins l’occupation militaire de son pays ». Elle précise avec une ironie certes provocatrice, que ces embuscades ne seraient souhaitables que « de ce point de vue » à savoir « si elles aident à l’éveil des consciences et de la mobilisation, ici en France, contre la sale guerre ».

Le texte se termine par une exhortation explicite en faveur du départ des troupes d’Afghanistan, ce qui confirme que la prévenue ne souhaite aucunement que les embuscades s’y perpétuent.

Il en est de même du passage contenu dans l’article de 22 août 2008 : « En fait de lutte contre le terrorisme, nos gouvernements font tout, en semant la terreur, pour qu’elle se développe dans le monde entier. Et si des attentats se produisent ensuite ici, en France, nous saurons qui remercier ».

L’auteur ne justifie ici aucun acte terroriste, au contraire, la prévenue dénonce les « mensonges sur la nécessité d’envoyer des troupes en Afghanistan » et la politique des gouvernements qui, en fait selon elle, ne lutte pas contre le terrorisme, mais provoquerait plutôt à sa propagation dans le monde et en France.

Ainsi l’infraction n’apparaît pas constituée.

 Sur le "délit d’injures", invoqué par Hervé Morin, ministre de la défense, les attendus du jugement indiquent :

"Ni l’expression « sale métier » contenue dans le titre de l’article du 20 août 2008, ni la phrase selon laquelle les « pilotes de nos Mirage sèment la mort sans prendre de risques depuis des années déjà » ne sont injurieuses envers les armées de la France. Contrairement à ce qu’il est soutenu en défense, cette dernière phrase ne contient pas l’imputation de faits précis diffamatoires, mais ces propos ne doivent s’analyser que comme l’expression d’une contestation très vive de la politique française en Afghanistan. La prévenue a en effet expliqué tant aux enquêteurs qu’à l’audience ses convictions et prises de position, particulièrement fermes à cet égard, indiquant notamment qu’elle déplorait qu’on forme des soldats pour « larguer des bombes sur des populations qui ne nous ont rien fait » au lieu de « défendre le territoire national », ce qui devrait, de son point de vue, être la seule fonction de l’armée.

Les termes « sinon semer le chaos faire marcher le commerce des armes » ne sont également que l’expression de cette opinion générale antimilitariste. L’auteur indique juste auparavant que « personne (…) n’a réussi à expliquer ce qu’allaient faire les troupes françaises en Afghanistan », ce qui selon la prévenue, se comprendrait puisqu’il n’y aurait justement aucune justification valable à cette présence.

Si la présidente de l’association a ainsi exprimé son point de vue en termes vifs, elle n’a cependant pas excédé, en l’espèce, les limites autorisées de la liberté d’expression consacrée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, d’autant que les propos s’inscrivent dans un débat d’intérêt général sur l’engagement militaire français en Afghanistan et tendent à critiquer la politique gouvernementale – ce qui entre manifestement dans le champ du débat démocratique – sans s’attaquer à des personnes, ni même à l’armée en général."

Le lobby israélien, qui avait expréssément demandé au gouvernement d’engager des poursuites contre nous sur ce thème, a visiblement sous-estimé l’attachement aux valeurs démocratiques d’un nombre significatif de magistrats.

CAPJPO-EuroPalestine

Source : http://www.europalestine.com/spip.php?article4371

via Paz