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Algérie - Justice pour Djamel Kelfaoui

Publie le dimanche 15 novembre 2009 par Open-Publishing

Du Collectif Les Amis de Djamel Kelfaoui

Communiqué de presse

JUSTICE POUR DJAMEL KELFAOUI !

Lundi 16 novembre 2009 à 8h du matin, Soufiane Ben Amar, officier de l’armée algérienne, comparaît devant le tribunal militaire de Béchar, dans le sud algérien, pour sa responsabilité dans la mort du réalisateur Djamel Kelfaoui, survenue le 22 mai 2009 à Laghouat suite à une altercation liée à un simple embouteillage sur la voie publique.
Deux jours auparavant, l’officier s’en est pris brutalement à Djamel Kelfaoui au moment où celui-ci s’apprêtait à relever le numéro d’immatriculation du véhicule, et lui porte un violent coup au thorax. Le réalisateur se rend alors en compagnie de son cousin, témoin de la scène, à la gendarmerie pour porter plainte. Il y est pris d’un malaise consécutif à l’agression subie. Après un pic de tension, il fait une hémorragie cérébrale. Transporté aussitôt à l’hôpital de Laghouat, il y décède après deux jours de coma profond.

Djamel Kelfaoui, Algérien né à Paris en 1961, a grandi à Bondy en banlieue parisienne, où il a été un des acteurs de la grande effervescence sociétale et culturelle des années 80. Par la suite, il a réalisé de nombreux reportages et documentaires, dont "Algérie, Mémoires du raï" et "Cheb Hasni, je vis encore". Militant pour l’égalité des droits et homme de culture, il ambitionnait de faire partager ses passions aux publics des deux rives de la Méditerranée.

Sa brutale disparition a profondément choque sa famille, ses amis et plus largement les milieux culturels en France et en Algérie. Dans la perspective de transmettre la mémoire et les engagements de Djamel Kelfaoui, de sauvegarder et de valoriser son oeuvre, ils ont constitué une nouvelle association. Celle-ci se donne aussi pour objectif de permettre que toute la lumière soit faite sur les conditions de la mort de Djamel Kelfaoui, et que justice soit rendue.

Les amis de Djamel ne peuvent se résigner à l’idée que le responsable de sa mort puisse circuler en toute liberté et que, de surcroît, il continue à exercer dans l’armée. C’est en ce sens qu’ils adressent la Lettre ouverte suivante au président de la République algérienne :

Lettre ouverte au Président de la République, Abdelaziz Bouteflika

Affaire Djamel Kelfaoui : nous exigeons la vérité et Justice

Monsieur le Président de la République,

Nous, amis, proches et membres de la famille de Djamel Kelfaoui, tenons à vous interpeller personnellement, afin que toute la lumière soit faite sur la dramatique affaire ayant causé la mort d’un innocent. Comme vous le savez, Djamel Kelfaoui, documentariste de films, est décédé le vendredi 22 mai 2009 à Laghouat, alors qu’il était sur place pour préparer un nouveau film. Ce décès est intervenu deux jours après avoir reçu un coup fatal au thorax, donné par un officier supérieur de l’armée algérienne, en civil, qui - à l’occasion d’un banal embouteillage urbain - leur intimait l’ordre de reculer avec arrogance pour le laisser passer.

Cette disparition violente a provoqué un vif émoi en France et en Algérie car Djamel Kelfaoui n’était pas n’importe qui.

Algérien, né à Paris en 1961, il grandit à Bondy en banlieue parisienne. Dès le début des années 80, il mena de front des études de sociologie et de communication à l’université Paris X de Nanterre, puis crée l’association « SOS ça Bouge ! » et lance à Bondy, le fameux festival interculturel « Y’a de la Banlieue dans l’air » mêlant musique, théâtre, cinéma, sports... avec l’organisation de concerts réunissant des artistes renommés tels Youssou N’dour, Cheb Mami, Mano Negra, Khaled, Zebda... Djamel Kelfaoui faisait partie de ces personnalités qui ont marqué de leur dynamisme et de leur volonté le paysage culturel et artistique des banlieues populaires de Bondy à Mantes, St Etienne, Toulouse… et tant d’autres. Il était l’un de ces passionnés, acteurs de la « Marche pour l’égalité » de 1983 en France, prêts à déplacer des montagnes pour réaliser ses rêves, dont le dernier fut d’imaginer la création d’un festival culturel à Laghouat.

Par la suite il devint réalisateur de nombreux films documentaires dont le célèbre « Algérie, mémoires du raï » devenu film de référence et son dernier « Cheb Hasni, je vis encore » consacré à cette idole de la jeunesse algérienne, assassiné à Oran en 1994. C’est pour approfondir la deuxième partie de ce film que Djamel était revenu tourner en Algérie.

Bien que né à Paris, il avait toujours gardé sa nationalité algérienne, parallèlement à ses multiples attaches en France. En effet, Djamel nourrissait une véritable passion pour le peuple Algérien et voulait faire partager cette passion aux publics des deux rives de la Méditerranée. C’est donc un véritable ambassadeur de la culture et du peuple algérien qui a été tué le 22 mai 2009 à Laghouat.

Malheureusement, sa mort subite a brutalement interrompu cette passion et soulève de nombreuses interrogations. Comment dans l’Algérie du XXIe siècle un officier supérieur peut-il ainsi abuser de son autorité pour frapper mortellement un homme simplement parce que celui-ci voulait relever le numéro minéralogique de son véhicule afin de porter plainte contre les insultes subies ? Suite à cette exaction, et malgré la violence du coup, Djamel ne réagit pas et choisit de se rendre auprès de la brigade de gendarmerie pour porter plainte. C’est alors qu’il fut pris d’un terrible malaise consécutif au coup subit, conduit d’urgence à l’hôpital civile de Laghouat et malgré tous les soins intensifs, tomba dans un profond coma et décèdera 48 heures après.

Une autopsie fut ordonnée par le Procureur du Tribunal de Laghouat. Puis une seconde expertise demandée à un légiste de l’Hôpital de Djelfa... mais finalement fut exécutée à Tiaret. Pourquoi ce changement de lieu, quand on sait que Djelfa est bien plus proche de la ville de Laghouat ?!

Ensuite les parents, accourus depuis la France, se présentèrent chez le Procureur de la République auprès du Tribunal de Laghouat, lieu du drame : ce dernier n’avait pas enregistré leur dépôt de plainte et les dirigea vers le T.M.O. 4ème Région. Ils y furent reçus par le Procureur du Tribunal Militaire qui leur demanda « de pardonner à l’inculpé, prétextant que la femme de celui-ci était venue plaider en sa faveur et lui exposer son cas d’épouse chagrinée et mère de deux enfants légitimes »… Cela démontre hélas que l’épouse de l’inculpé avait pu devancer l’audition de la famille de la victime devant le Procureur Militaire avant même que l’agresseur, n’y ait été présenté ! Le Procureur déclara alors, à l’intention des parents, que « suivant le rapport d’autopsie, le coup porté à la victime n’était point la cause du décès ».

Monsieur le Président, trop de pressions, trop de dysfonctionnements, trop de restrictions des droits de la partie civile obscurcissent la recherche de vérité sur les circonstances exactes ayant entraînées la mort de Djamel Kelfaoui.

Ce lundi 16 novembre le meurtrier de notre fils et ami va comparaître en audience devant le tribunal militaire de Béchar.

Monsieur le Président, nous vous demandons instamment de faire tout ce qui est en votre pouvoir pour que toute la lumière soit faite sur cette sinistre affaire et pour que Justice soit rendue. Il en va de l’honneur de l’Algérie et aussi de son prestige international.

Nous ne pouvons nous résigner à l’idée que le meurtrier de Djamel Kelfaoui soit en liberté et que, de surcroît, il continue à exercer dans l’armée

Dans cette attente, soyez assuré, Monsieur le Président, de notre Haute considération.

Fait le 13 novembre 2009.

Collectif Les Amis de Djamel Kelfaoui