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Au diable

Publie le mardi 14 février 2006 par Open-Publishing

de GABRIELE POLO traduit de l’italien par karl&rosa

"Un éclat de rire les enterrera" était un slogan aussi ingénu que radical, une prise de distance par raport aux puissants de chez soi pour souligner l’autonomie extrême de ceux qui refusaient d’annuler des différences sociales et de classe dans un "bien commun" indistinct. C’était une nique adressée à son propre monde, pas à l’autre ; elle raillait sur soi-même et décomposait des unités nationales (ou communautaires) présumées, ne les raffermissait pas.

Aujourd’hui on n’arrive plus à rire, mais il serait beau de jeter à nouveau ce slogan au visage des intégrismes qui - en Occident comme en Orient - s’offrent comme un ciment d’identités "nationales" à affirmer ou de supériorités morales à souligner, d’avoir le courage de reconduire la foi à un fait privé (pour ceux qui y tiennent) et redire que les religions sont une escroquerie, utile seulement à ceux qui en tirent les ficelles, à confirmer des guides ou à en confirmer de nouveaux.

Partout. Mais il est difficile, depuis la chaire de ceux qui font partie du monde riche, de dire aux musulmans en révolte à cause de stupides caricatures : "Vous êtes en train de vous tromper, on est en train de vous arnaquer". C’est difficile parce que le prêche viendrait de nos maisons tièdes et sûres, d’un monde qui fait payer sa démocratie (d’ailleurs en crise) à d’autres ; et ce prêche tomberait sur des maisons froides et peu sûres, sur des systèmes politiques créés volontairement pour les séparer de nous en confirmation de nos privilèges.

Avec quels arguments pouvons-nous convaincre les autres mondes quand nous avons refoulé les différences qui existent dans le nôtre ? Quand nous nous sommes montrés comme des communautés soudées par la peur de l’autre (quant aux privilèges sur lesquels on nous demandait des comptes) et l’avons bombardé pour un peu de pétrole ou enfermé dans des ghettos métropolitains pour garder sous contrôle l’exploitation que nous en faisons ? En donnant ainsi à nos "pauvres" un ennemi dont il fallait se défendre. Et quand, au nom du marché, nous avons décidé que c’était l’échelle des consommations qui devait établir la valeur des individus de la planète ?

Ce mécanisme d’identification religieuse que nous estampillons aujourd’hui comme barbarie nous le connaissons bien, il est écrit dans notre histoire, nous l’avons pratiqué longtemps, en semant le sang et la terreur des siècles durant en Europe et ailleurs. Nous devrions posséder tous les anticorps pour le déraciner, mais nous nous étonnons que d’autres s’en servent parce que les remède illuministes - fruit de tragiques leçons - nous les avons écartés en même temps que l’idée d’un monde différent, en exportant hors de nous le conflit qui nous agitait.

Ainsi la liberté (de presse, de parole, d’action) est devenue un privilège pour peu de gens ; et les autres l’ont vécue comme une violence, un attirail "idéologique" des guerres et des marchandisations. Elle n’est plus une valeur, mais seulement un instrument hostile. Pour lui redonner un sens universel, nous devrions tout réviser : des politiques internationales à la xénophobie de quartier. Ce n’est que de cette façon que nous pourrions dire à ceux qui défendent Mahomet en brûlant des ambassades - en mourant ou en tuant - que la querelle ne traite pas du sort de l’âme mais de celui du corps. Et offrir à nous-mêmes et à eux un appui pour envoyer au diable un imam, un rabbin ou un évêque quand ils prétendent dicter la loi des hommes.

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