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Avec les jeunes Grecs, au coeur de l’université polytechnique d’Athènes

Publie le mardi 9 décembre 2008 par Open-Publishing
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Avec les jeunes Grecs, au coeur de l’université polytechnique d’Athènes

Mardi 9 décembre, 09h35

LeMonde.fr

Leur citadelle n’a pas de mirador, mais des salles de cours. Ils en ont fait leur mur d’enceinte. C’est l’université polytechnique d’Athènes, 13 000 étudiants en temps normal. Trois jours après la mort d’un garçon de 15 ans, tué par un policier, le 6 décembre, à quelques centaines de mètres de là, elle est devenue la principale place forte de ce que certains d’entre eux appellent, déjà, leur "guerre civile".

Eux, ce sont des étudiants, des jeunes actifs, des garçons, des filles. Des capuches et des foulards qui les protègent des gaz lacrymogènes dépassent autant de joues barbues que de boucles d’oreilles. Toute une génération en fait : ils ont entre 15 et 35 ans. Toute une société aussi : des smicards, des jeunes cadres, des militants d’extrême gauche, et d’autres pas engagés. Ce sont leurs tenues d’émeutiers vêtements sombres, baskets Converse qui estompent les lignes.

Leur leitmotiv, c’est la haine des "flics, porcs, assassins", équivalent local du "CRS, SS". Au pied des hauts murs beiges graffités de l’université derrière lesquels ils se réfugient entre deux assauts de pavés, on ne parle que cette langue. L’institution qui leur sert de camp de retranchement à de quoi galvaniser : c’est de là, en 1974, qu’est partie la révolte étudiante qui a précipité la chute du régime des colonels, la dictature militaire qui a été à la tête de la Grèce de 1967 à 1974. Aujourd’hui, la loi interdit aux forces de l’ordre d’y mettre un pied.

Cette nuit du lundi 8 décembre est la troisième nuit blanche pour certains dans ce lieu d’aubaine. Ils y rêvent à leur tour de renverser un gouvernement, celui de centre droit de Costas Caramanlis actuellement au pouvoir. Ce gouvernement, ils le jugent responsable de corruption et d’inégalités sociales. Responsable aussi de leurs salaires de débutants à 650 euros par mois, de leur obligation de cohabiter, pour beaucoup, jusqu’à 30 ans avec leurs parents.

"On n’a pas de jobs, pas d’argent, un Etat en faillite avec la crise, et tout ce qu’il a comme réponse c’est de donner des armes aux policiers, résume l’un d’eux. Alors ce n’est peut-être pas bien ce que l’on fait, mais au moins, on fait quelque chose."

Les feux de planches auprès desquels ils se réchauffent, à chacune des trois entrées de l’université, finissent en tout cas par plus éclairer leurs cernes que leurs barricades. Car, comme les jours précédents, en plus de combattre, ils ont manifesté, plus tôt dans la journée, dans les rues de la capitale.

LA "GUERRE CIVILE" S’ORGANISE MÉTHODIQUEMENT

Lundi, le cortège est parti de la place Omonia, en fin d’après-midi. Mais très vite, comme la veille et l’avant-veille, les événements ont dégénéré. Certains ont choisi la méthode pacifique. Mais parmi eux, les "koukoulofori" (les cagoulés) avaient envie de plus. Cela a été la nuit la plus violente depuis le 6 décembre.

Dans leur sillage, le centre-ville d’Athènes est ravagé. Dans le périmètre de plusieurs kilomètres carrés qui avait été bouclé pour l’occasion, il n’y a pas 50 mètres de trottoirs qui aient échappé à leurs destructions. Ici, un cinéma entièrement brûlé, là, des dizaines de boutiques incendiées. Les cabines téléphoniques sont systématiquement défoncées, comme les abribus. Les vitrines, caillassées, sont innombrables. Le sapin de Noël qui ornait la grande place centrale de Syntagma a très vite terminé en brasier. Un manifestant hurle dans un haut-parleur : "Du calme les enfants, du calme !" En vain.

Vers 22 heures, le cortège s’est dispersé et beaucoup sont revenus au QG. Là, à l’université polytechnique donc, où après plusieurs heures de jeu de chat et à la souris avec les "MATS" (les CRS grecs), on tousse, on crache, la gorge abrasée par les gaz lacrymogènes qui empestent tout le centre-ville. Là où ça crie, ça explose, ça hurle autour des sirènes de pompiers, aussi nombreux que les policiers. Mais là aussi où, éventuellement, à la cafétéria réquisitionnée, on peut espérer un café tiède.

Dans la cour de la fac, la "guerre civile" s’organise méthodiquement. Dans un recoin, à l’abri des regards, une équipe fabrique des cocktails Molotov. Dans un autre, les propriétaires de scooters et mobylettes assurent à tour de rôle des rondes dans les quartiers alentour. Dans un autre encore, c’est le carré des "koukoulofori", tous dans leur tenue noire, et peu causants.

Au dernier et septième étage d’un des bâtiments en fond de cour, même l’administration est là, recluse. Ils sont une dizaine à veiller à tour de rôle. "Au début on était plus nombreux, mais là, les gens commencent à fatiguer", explique le vice-président de l’université, Gerasimos Spathis. Il veille avec bienveillance, et même avec enthousiasme, sur ce qui se passe dans son enceinte. Notamment parce que, de longue date, le corps enseignant et les directeurs d’université sont profondément opposés au gouvernement, et en particulier à la politique de "privatisation" des facultés. Alors devant des "koukoulofori" qui arrachent les dalles des terrasses du bâtiment pour les jeter du 7e étage où il a trouvé refuge, M. Spathis encourage : "C’est un moindre mal, estime-t-il, si on n’était pas là, il y aurait des morts."

A quelques pâtés de maisons de la citadelle, au carrefour de quatre ruelles poisseuses et étroites, des fleurs et des bougies se sont accumulées à l’endroit où Andreas Grigoropoulos est mort, le 6 décembre. Un bloc-notes de feuilles blanches a aussi été laissé, avec un rouleau de Scotch et quatre stylos. Depuis, des dizaines de mots ont été griffonnés et accrochés sur un pan de mur au-dessus des cierges. Message posthume : "Bon voyage Andreas. Peut-être qu’il fallait que tu partes pour que nous nous réveillions. Tu seras toujours dans nos coeurs, le dernier sang innocent."

http://fr.news.yahoo.com/64/20081209/twl-avec-les-jeunes-grecs-au-coeur-de-l-acb1c83.html

Messages

  • Le consulat grec à Paris occupé par des manifestants

    Soixante étudiants grecs occupaient, mardi 9 décembre, la cour du consulat de Grèce à Paris "en solidarité avec la jeunesse grecque." "C’est une occupation symbolique", a déclaré une porte-parole des étudiants jointe par téléphone par Reuters. La porte-parole des étudiants a indiqué qu’une trentaine de policiers avaient pris place aux abords du bâtiment, précisant que le mouvement se déroulait dans le calme. Une cinquantaine de personnes manifestaient devant l’immeuble situé dans le 16e arrondissement de Paris en fin de matinée. –

    (Avec AFP et Reuters)
    Source : Le Monde

  • La direction de la police de Patras attaquée par des manifestants

    PATRAS (Grèce) - Quelque 500 personnes ont attaqué mardi soir à coups de pierres et d’engins incendiaires le bâtiment de la direction de la police du port de Patras, dans l’ouest de la Grèce, a-t-on appris de source policière locale.

    Les policiers encerclés par les manifestants ont répondu en faisant usage de gaz lacrymogènes pour les disperser.

    Ces nouveaux affrontements interviennent après les obsèques à Athènes du jeune Alexis Grigoropoulos, tué samedi par un policier dans la capitale.

    Des escarmouches ont suivi la cérémonie dans un quartier proche du cimetière ainsi que dans le centre d’Athènes devant l’Ecole Polytechnique, près du quartier contestataire d’Exarchia où l’adolescent a été tué.

    D’autres accrochages ont également eu lieu mardi à Salonique, deuxième ville de Grèce, dans le nord du pays, dans le quartier des universités, selon un correspondant de l’AFP.

    09 décembre 2008 17h31

    http://www.romandie.com/ats/news/081209163101.mm1b7ep2.asp