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Bamako ouvre le bal du FSM

Publie le vendredi 20 janvier 2006 par Open-Publishing
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Antilibéralisme . Avant Caracas, Karachi et Bangkok, le premier Forum social mondial décentralisé commence dans la capitale malienne. On attend près de 35 000 participants.

de Thomas Lemahieu, Bamako (Mali)

Au siège du secrétariat d’organisation du Forum social mondial (FSM) « polycentrique » de Bamako, accoudé sur la terrasse au 1er étage, Bourema Tabalaba jauge, en plongée, le ballet des boubous. « Toutes ces femmes sont des leaders dans leurs quartiers, contemple ce militant d’une ONG qui s’occupe des plus pauvres. Chez nous, ce sont vraiment les femmes qui font les mouvements, ce sont des battantes, elles sont sur tous les fronts. Si vous voulez que votre action, votre manifestation réussissent, il faut mettre l’accent sur les femmes ! Pour un homme, en revanche, quand il n’a pas pris un engagement ferme de participer, vous pouvez être sûr que vous ne le verrez pas ! »

Mais voilà qu’on tire notre observateur par la manche, c’est un collègue qui ne vient pas protester en tant que mâle, non, il y a plus grave que les mots : on vient de voler sa moto garée devant l’office central du forum. Après avoir doctement conseillé d’écrire au FSM pour signaler l’incident, Bourema glisse avec fatalisme : « Mais c’est la misère qui produit ce type de comportement... Les gens n’ont pas de quoi manger trois fois par jour. »

Si loin, si proche : adieu le Brésil, bonjour l’Afrique ! Après quatre éditions à Porto Alegre, sans oublier l’étape décisive de Mumbai (Bombay) qui, en 2004, a contribué à élargir le mouvement au sous-continent indien, le processus de mondialisation des résistances au néolibéralisme débarque pour la première fois en Afrique à l’occasion de sa décentralisation ou, mieux, de son « polycentrage » à Bamako, à Caracas, à Karachi et à Bangkok (lire en page 4).

Un continent martyrisé

Alors que, dans le chef-lieu brésilien de « l’autre monde possible », une centaine d’Africains seulement réussissaient à faire le déplacement, le FSM, qui s’ouvre aujourd’hui dans la capitale malienne, constitue un test avant le grand saut en 2007, quand le forum se déroulera exclusivement à Nairobi, au Kenya, mais c’est surtout un atout pour la dynamique altermondialiste qui va voir bourgeonner le continent noir : depuis le Burkina, la Guinée-Conakry, le Sénégal, la Côte d’Ivoire et d’autres pays encore, des bus sillonnent depuis plusieurs jours le continent pour gagner Bamako. Sur la réserve il y a quelques mois, les organisateurs tablent désormais sur 30 000 à 35 000 participants. « Jusque-là, nous étions un peu le maillon faible, rigole Demba Moussa Dembelé, animateur du Forum africain des alternatives, basé à Dakar et membre du Forum social africain. Sur un continent martyrisé et victime des plans d’ajustement, voir Bamako relever le défi du FSM, c’est déjà une grande victoire en soi. Pour les mouvements sociaux du monde entier qui arrivent ici, ça va donner, je pense, un optimisme débordant dans les luttes ! »

À l’instar de ce qui va probablement se passer la semaine prochaine lors du FSM « polycentrique » de Caracas (Venezuela) dans le haut lieu de la « révolution bolivarienne » conduite par Hugo Chávez, mais dans un décalage de plus en plus patent avec la « charte des principes » du FSM, les questions de l’État et de la prise du pouvoir politique sont désormais loin d’être taboues dans le mouvement altermondialiste, et le forum de Bamako entend bien s’interroger sur les alliances à nouer à l’avenir. « Nous sommes aussi des boucliers pour nos États, considère Mamadou Goïta, un des coordinateurs du FSM au Mali. Nos dirigeants reçoivent des ordres de partout qu’ils n’ont pas le temps d’analyser avec le peuple, mais par nos analyses, on permet à tout le monde de se réapproprier les grandes questions. On l’a vu pour la dette comme pour le coton : nos chefs d’État n’osent pas toujours dire ce que nous, en tant que société civile, nous permettons de lancer à la face du monde. C’est ainsi que nos luttes s’inscrivent dans les processus de décisions politiques... »

« il faut passer de la parole à l’acte »

Toujours sur son promontoire, Bourema Tabalaba appuie dans le même sens : « Il faut qu’on passe maintenant de la parole à l’acte. Du concret dans le forum, c’est cela qui doit convaincre toute la population de s’engager ! Sinon, les gens qui souffrent terriblement dans leur vie et qui attendent les changements se diront que c’est toujours la même histoire, qu’on parle toujours bien des autres pour mieux engranger les bénéfices soi-même... »

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