Accueil > Bon anniversaire Darwin, nous te fêtons
Bon anniversaire Darwin, nous te fêtons
Publie le samedi 18 février 2006 par Open-Publishing4 commentaires

Le scientifique, né le 12 février 1809, vient d’obtenir une nouvelle victoire aux USA. Un juge a rejeté les instances créationnistes, déguisées maintenant sous le nom de "dessein intelligent".
de Mauro Capocci traduit de l’italien par karl&rosa
Cette année aussi il y a quelque chose à fêter. On doit fêter, par exemple, une nouvelle victoire en Amérique, où Darwin - qui aurait demain 197 ans - vient de gagner l’énième procès que lui ont intenté les créationnistes à Dover, dans l’état du Massachussets. Ils voulaient un adhésif sur les livres scolaires, un avant-propos invitant à considérer l’évolution darwinienne comme une hypothèse, à mettre en comparaison avec d’autres.
Un procès qui voulait démontrer que Darwin et les évolutionnistes ne sont que des "quaquaraqua" qui font beaucoup de bruit mais sont incapables de résister à la charge de la preuve. Darwin & Co. se sont montrés, au contraire, pour continuer la taxonomie de Sciascia, des hommes. Le darwinisme s’est accru sans cesse, s’est répandu, s’est renforcé dans les adversités et encore une fois le juge a rejeté les instances créationnistes (pudiquement déguisées sous le nom de dessein intelligent).
Mais les adversités augmentent plutôt que de diminuer par ces tristes et sombres temps, avec des fanatismes religieux à la rescousse et des religions dont on se sert comme prétextes pour des fanatismes politiques. C’est justement à ces derniers que Darwin fait peur : à ce mélange de religion et de politique qui voit dans la supercherie, dans la guerre permanente son unique possibilité de survie. C’est pour cela qu’en Italie s’élèvent de temps à autre des voix pétulantes voulant mettre en discussion la saine matérialité darwinienne faite d’histoire, de hasard et de temps longs. La ministre Moratti et ses savants, qui ont voulu éliminer l’enseignement de l’évolution des collèges. Mais encore auparavant (toujours en parlant déjà du troisième millénaire) cela a été Azione Giovani [Action Jeunes, ndt] à organiser une ridicule "semaine antiévolutionniste" en 2003, parrainée par l’ex-député Pietro Cerullo, dont le nom dans les recherches sur Internet est associé au massacre de Piazza Fontana.
Mais c’est encore davantage pour la droite religieuse des Etats-Unis, les tristement célèbres theo-con, que Berlusconi regarde comme une lumière de culture et de civilisation, que défaire l’évolution a une signification ouvertement politique. Revenir aux croyances religieuses tirées d’une interprétation littérale de la Bible et donc refuser l’évolution darwinienne, signifie continuer à éroder des droits, au nom d’un credo religieux pour lequel l’égalité entre les citoyens et les citoyennes n’est pas prévue, bien au contraire. Renier la conquête évolutionniste est donc aussi un moyen pour pouvoir imposer des interdits, concernant surtout les femmes ; si je dis non à Darwin je dis non aussi, par exemple, à la possibilité d’avorter ou à la laïcité de l’école, au nom d’un christianisme qui se fait directement doctrine politique. D’ici naissent les attaques instrumentales comme celles de Dover.
Mais il existe une autre perspective qui rend l’attaque à Darwin encore plus nocive et odieuse. Un des points fondamentaux de l’évolution est la destruction de l’anthropocentrisme caractéristique de la philosophie de la nature jusqu’au XIX siècle. C’est-à-dire que Darwin a changé "la place de l’homme dans la nature" comme le dit le titre d’un livre de Thomas H. Huxley (surnommé "le mâtin de Darwin"), en le mettant à côté d’autres organismes, partie intégrante et acteur non protagoniste du monde organique. Tombait donc la thèse selon laquelle l’environnement est le terrain de jeu de l’humain, le biblique Adam qui a tout à sa disposition. Le lien avec la stratégie d’exploitation écologique typique d’un pétrolier comme Bush devient alors évident : si l’environnement est à ma disposition pour la volonté de Dieu, qu’il y aura-t-il de mal à cribler de trous l’Alaska pour chercher du pétrole ? Le refus obstiné de l’administration Bush de signer le protocole de Kyoto contre les émissions de gaz de serre rentre lui aussi dans cette vision. Ce n’est pas un hasard si justement le climat - et l’effet désastreux que notre civilisation est en train d’avoir sur l’environnement - est une des deux matières dans lesquelles la Maison Blanche a exercé la plus forte pression sur la communauté scientifique (l’autre a été la recherche sur les embryons). La semaine passée un scientifique de la NASA, James E. Hansen, a dénoncé publiquement les intimidations qu’il a subies précisément à cause de ses critiques à George W. et à ses idées sur le changement climatique. Bush et ses acolytes, en somme, on mit en œuvre une stratégie à large spectre, qui n’entraîne pas seulement l’évolution darwinienne, pour arriver à ce que la science ne soit pas ouvertement contraire à leurs propres idéologies. Il faut bien dire qu’il y a désormais plusieurs années que les chercheurs semblent plus s’orienter vers le profit que vers la recherche de la vérité, en admettant que cela ait jamais été leur préoccupation.
Il est par contre amusant d’observer une énorme contradiction entre l’idéologie théo-con et l’attaque contre Darwin. La droite ultra-libérale américaine et chrétienne, très semblable au cocktail Berlusconi-Ruini, réfute l’idée que la merveilleuse diversité de la vie devant laquelle nous nous trouvons quotidiennement puisse être due seulement au hasard. La perfection de l’œil, une structure répandue sous diverses formes dans tout le règne animal, ne peut être simplement le résultat de milliards de mutations aléatoires : doit y être la main d’un créateur, autrement ce serait le chaos. Aucun système complexe ne peut donc fonctionner sans un guide qui le dirige vers un résultat final. Cependant si nous rapprochons ces argumentations de l’invocation en faveur d’une pure économie de marché, le hiatus devient criant, de toute évidence. D’un côté, on n’accepte pas que le hasard, l’histoire et la sélection naturelle aient construit avec patience le monde de la vie que nous connaissons. De l’autre, on pense que le marché, laissé libre d’aller son chemin, évoluera automatiquement vers la situation de meilleure distribution des richesses, en rendant tout le monde heureux ou, du moins, en permettant l’émergence d’une classe sociale "plus adaptée" et donc plus méritante. Nous savons que les phénomènes biologiques et les phénomènes sociaux sont difficilement comparables mais on ne voit pas pourquoi qui a confiance dans le darwinisme social serait contraire à l’évolutionnisme.
Nous pouvons donc fêter, cette année aussi, la naissance de Charles Darwin et de nombreux évènements marqueront l’évènement. Nous ne devons toutefois pas oublier que cette bataille scientifique pour l’évolution fait aussi part d’une bataille politique plus vaste, décisive pour le destin de la planète et de ses habitants.
Messages
1. > Bon anniversaire Darwin, nous te fêtons, 18 février 2006, 21:06
Nous suivons tout cela de près sur le blog de l’Association des athées des Pyrénées-Orientales.
URL ://associations.midiblogs.com
Venez nous rendre visite et faites-nous connaître ça nous fera plaisir.
2. > Bon anniversaire Darwin, nous te fêtons, 19 février 2006, 05:32
Problème de traduction : Intelligent design ne se traduit pas par dessin intelligent, mais éventuellement par dessein intelligent avec un e, un dessein étant un projet, un but, rien à voir avec une aquarelle. Il s’agit en gros de dire qu’un créateur ( Dieu, mais sans le dire ) a conçu un projet, celui du monde actuel dans lequel vit l’Homme, et que toute l’histoire passée de l’univers n’est que le chantier permettant d’arriver à ce but.
Grasyop
3. > Bon anniversaire Darwin, nous te fêtons, 20 février 2006, 12:29
Je suis heureux de voir quelqu’un faire le lien entre la pensée d’une évolution au hasard et l’économie de libre marché... mais il faut faire ce lien dans les deux sens ! Pourquoi accepter le hasard dans la biologie et pas dans l’économie ? Je ne suis pas prêt à faire ce choix, pour ma part.
Je crois que Bush est le meilleur argument contre le christianisme, de nos jours, meilleurs que Darwin. C’est bien dommage, parce que ce type ne me semble pas respecter le livre qu’il utilise pour assoir son pouvoir. L’écologie, dont tu parles, est présente dés le début de la bible. L’homme est sensé gérer l’environnement, et non pas le saccager.
Franchement, ton idée que l’évolution est la libération de la femme, ça me fait hurler de rire ! La loi du plus fort, qui est un des axes de la pensée évolutionniste, devrait faire frémir les femmes, bien au contraire.
Bref, glorifier l’évolution comme le sommet du progrès humain, c’est soutenir des idées telles que celle d’Hitler et sa race pure, etc...
Finalement, toutes ces remarques ne font rien avancer au débat. L’évolution ou la création peuvent être utilisé avec de mauvaises intentions, mais ce n’est pas ça qui les justifie ou les disqualifie. Il faut aller au fait scientifique.
Le fait scientifique en faveur le la création n’est pas au point. Donc on n’a pas de modèle acceptable pour cette hypothèse. Mais cela ne qualifie pas automatiquement le darwinisme, ou plutôt ses successeurs : l’absence d’alternative plausible n’a jamais été une preuve en sciences.
Regardons donc aux faits liés aux théories héritières de Darwin. Quels sont les éléments à notre disposition : une série de fossile ; des observations de mutations au hasard ; la mort prématurée des individus inadaptés à leur environnement...
Quelles sont les hypothèses plaquées dessus sur par les évolutionnistes ? La filiation entre deux fossiles qui se ressemblent, ou dont l’ADN se ressemble (le fameux arbre des espèces qu’on nous montre partout... c’est une hypothèse, pas un fait ; on peut l’enseigner à l’école, mais pourquoi cacher que ce n’est pas un fait ?), l’apparition de la cellule mère, originelle, dans la soupe primitive (ce qu’on oublie de dire, c’est que ça c’est un énorme postulat : il a fallu que, par hasard, apparaîsse une cellule capable de se reproduire. le système de reproduction est immensément complexe. on dira que c’est le résultat d’une évolution, mais non, ce n’est pas possible, parce que l’évolution vient à travers plusieurs générations, donc il a fallu plusieurs générations d’individus incapables de se reproduire pour aboutir à une système de reproduction).
Il y en a beaucoup, comme ça. Où je veux en venir ? Je ne dis pas que les théories de Darwin et héritiers sont fausses, mais qu’elles posent autant de problème qu’elles semblent en résoudre, et donc qu’elles sont encore l’objet de recherches. Ce n’est pas une honte, la recherche est quelque chose qui doit encore avancer, pourquoi n’ose-t-on pas dire qu’il faut encore réfléchir à tout ça, que ce n’est pas établi ?
Parce qu’il me semble qu’il y a des prises de parti philosophiques là-dessous. Tu dénonces la recherche au service d’un système économique, ou d’un système religieux, mais là aussi on nage en plein dedans. Darwin a mis au point ses théories à la grande époque de la lutte contre les religions au XIXème siècle. L’athéisme devenait un choix qui était de moins en moins honteux, enfin les gens étaient libre de penser ce qu’ils voulaient, mais il leur fallait une base scientifique à leur pensée. Faire des recherches sur l’évolution est une bonne chose en soi, dire que l’évolution est un fait établi, c’est détourner des recherches scientifiques en arme de conquête philosophique.
1. > Bon anniversaire Darwin, nous te fêtons, 17 janvier 2007, 22:47
Merci pour cette brillante réponse à un article que l’on peut ranger au rayon des inutilités (pour rester modéré).
Tout ce que l’on sait, c’est qu’on en sait beaucoup moins que ce qu’il nous reste à découvrir que l’on soit crétioniste, scientifique ou les deux. La réaction des "croyants" est souvent exacerbée par le dogmatisme des "scientifiques". Si l’on pose comme postulat que les deux doivent s’opposer on passera, à mon avis, pendant encore longtemps à côté d’avancées réelles dans notre compréhension globale.
Bruno Alexandre prétend que : "Science et dogme : il ne peut y avoir de domaines plus opposés car le dogme est l’affirmation d’une vérité absolue, irrévocable du moment qu’il a été solennellement proclamé, sous inspiration divine, à partir de la Révélation biblique et de la Tradition. Le dogme est anhistorique.
La science par contre n’affirme que des vérités relatives qui ne prétendent que s’approcher de la réalité. . . En bref les connaissances scientifiques progressent alors que le noyau des connaissances dogmatiques est figé pour l’éternité.
Son observation est très pertinente, sauf que, de mon vivant, j’ai plutôt vu des croyants avançant avec prudence dans la compréhension du monde qui leur a donné la vie car la bible est loin de donner un récit précis des chose (c’est assez imagé selon ce que j’en tire) et des scientifiques qui remaquillent leurs théories (ou plus exactement celles de ceux qui les ont échaffaudées) en vérité absolue - et non relative comme le présente Bruno Alexandre.
A force de se ranger dans la simplicité, chaque camp nuit à sa crédibilité.
Encore merci.