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"C’est décidé, j’entre en résistance !!" (lettre d’un directeur d’école)
Publie le mardi 21 octobre 2008 par Open-Publishing12 commentaires
Samedi 18 octobre 2008
Lettre de Roland :
C’est décidé, j’entre en résistance !!
Je ne supporte plus l’hypocrisie des discours officiels qui se gargarisent de grandes phrases sur l’intérêt des élèves, sur l’égalité des chances, …, alors que les seuls critères sont comptables avec un arrière fond idéologique pour le moins inquiétant.
· Qui peut croire que l’intérêt des enfants a compté dans la suppression du samedi matin ?
· Qui peut croire que les deux heures de travail personnalisé pourront compenser le travail des maîtres spécialisés des RASED qu’on est en train de supprimer ?
Je ne supporte plus la malhonnêteté des effets d’annonce alors que j’assiste, chaque jour un peu plus à une entreprise systématique et planifiée de démantèlement de l’école publique.
Je ne supporte plus le harcèlement administratif des courriels qui arrivent par vagues. Lorsqu’ils ne sont pas accompagnés de pièces jointes (jusqu’à 20 dans un seul envoi !) ou de documents à aller chercher soi-même sur le site de l’académie, il s’agit en général d’injonctions (« merci de me transmettre – toujours dans l’urgence – telle information ») ou de rappels à l’ordre (« Sauf erreur ou omission je n’ai pas été destinataire de tel document »). Et je suis déchargé totalement ! J’imagine ce que doivent ressentir la grande majorité des directeurs, ceux qui n’ont qu’une journée ou pas de décharge du tout, lorsqu’ils ouvrent leur boite aux lettres électronique.
Je ne supporte plus le « flicage institutionnel », les multiples tableaux à compléter pour vérifier que nous faisons correctement notre travail, que nous ne tirons pas au flanc pour l’aide personnalisée, que nous participons bien à toutes les animations pédagogiques. J’ai eu la chance de vivre des stages de formation continue (pas beaucoup, il est vrai – mais quand même !) passionnants, stimulants, qui interrogeaient la réflexion et les pratiques, dont je suis sorti avec le sentiment d’avoir progressé. Que nous propose-t-on aujourd’hui ? Des grand-messes où l’on paraphrase du « PowerPoint » durant des heures, du formatage au nouveau discours officiel, de l’endoctrinement ! Pas étonnant dans ces conditions que les seules animations pédagogiques qui fassent le plein soient les animations sportives. Pas étonnant dans ces conditions que les IEN doivent demander aux directeurs de « susciter des candidatures ». Pas étonnant qu’il faille « fliquer » pour que les gens viennent !
Je ne supporte plus cette forme d’infantilisation et ce manque de confiance qui consistent à nous faire rédiger des projets (projet d’école, projet d’organisation de l’accompagnement éducatif, …) à corriger (pardon « à valider ») par les IEN.
Au mieux, ils nous reviennent « validés » avec une remarque du style « Le projet, dans sa formalisation et dans son contenu, est conforme aux attentes ». Bon élève !
Au pire, on nous demande de revoir notre copie.
Ou l’administration fait confiance à notre professionnalisme et je ne vois pas alors la nécessité de valider a priori notre travail ou alors nos supérieurs estiment que nous ne sommes pas capables de construire nous-mêmes nos projets, mais dans ce cas, qu’ils soient cohérents et qu’ils les rédigent eux-mêmes !
Par ailleurs, quelle illusion de contrôle et de toute puissance dans ce formalisme !!
Je ne supporte plus la répression rampante, les atteintes au droit de grève, la restriction du droit à l’information syndicale, ….
Je me refuse à terminer ma carrière dans la dépression, en plaignant les étudiants que je croise à l’école ou mes jeunes collègues qui ont encore quelques dizaines d’années à passer dans cette galère.
Le découragement conduit à la résignation et à l’inaction, la colère conduit à l’action et à la résistance.
Je choisis donc la colère et l’action !
Comment résister ?
Un principe d’abord : la principale priorité, la seule, ce sont nos élèves !
Tout le reste est secondaire sinon accessoire !
Faisons comme nos IEN, examinons toutes leurs exigences à la lumière d’une grille d’analyse toute simple :
· Est-ce que cette demande va aider mes élèves ?
· Est-ce que cette demande me permettra de mieux faire fonctionner l’école ?
· Est-ce que cette demande va servir à mes collègues dans leur travail quotidien au bénéfice des élèves ?
Si la réponse à ces questions est non, alors la demande n’est pas urgente, quels que puissent être les éventuels délais de réponse. Et si d’aventure, il n’y avait pas de réponse, il est au moins certain que cela ne portera préjudice ni aux élèves, ni aux collègues.
Comment résister ?
· Soyons positifs, affirmons-nous, ne restons pas isolés et ne nous laissons pas culpabiliser !
Après tout, l’école, c’est nous qui la faisons vivre au quotidien, et elle ne fonctionne pas si mal finalement, quoi qu’on essaie de nous faire croire. Même les enquêtes PISA et PIRLS, utilisées comme prétexte pour tout changer ne sont pas aussi catastrophiques que certains le prétendent, - les ont-ils lues ?
En tout cas, malheureusement, il est déjà certain, (ce n’est pas moi qui le dit mais la plupart des chercheurs en pédagogie) que ce ne sont pas les nouvelles orientations qui feront remonter le niveau de nos élèves.
Comment résister ?
· Ne nous laissons pas intimider
Retournons les agressions de l’administration contre elle :
· Il faut se déclarer gréviste 48 heures à l’avance !
Soit ! Alors déclarons-nous systématiquement grévistes. Cela ne nous engage à rien mais annule l’intérêt de la déclaration préalable et oblige les communes à se positionner sur le service minimum.
· Les réunions d’information syndicale doivent être prises sur le temps de travail hors présence élève (les fameux 48 heures) !
Qu’à cela ne tienne ; inscrivons nous massivement aux réunions d’information syndicale au lieu de participer aux animations pédagogiques. Elles seront certainement plus intéressantes et probablement aussi formatrices !
Comment résister ?
· Engageons-nous dans les mouvements pédagogiques.
Ils sont en train d’être étouffés par une réduction dramatique des subventions publiques et la suppression des postes de mis à disposition ou de détachés. Pourtant ce sont des lieux extraordinaires de rencontres, de réflexion et de formation.
L’ICEM (Pédagogie Freinet), l’OCCE, la Ligue de l’enseignement, les PEP, la JPA, les CEMEA et d’autres que j’oublie, ceux qu’on appelait il n’y a pas si longtemps, les œuvres complémentaires de l’école sont peut être les derniers remparts de cette Ecole qui prend l’enfant dans sa globalité pour le faire avancer, pour en faire un citoyen, face au dogmatisme et au formatage de ce qu’on cherche à nous imposer. Les trois quarts de ce qui fait ma compétence professionnelle aujourd’hui, c’est à leur contact que je les ai acquis et non dans l’Institution.
Comment résister ?
· Syndiquons-nous
J’entends trop souvent des collègues me dire que les syndicats ne servent à rien.
Mais les syndicats, c’est nous !
Si nous voulons qu’ils agissent plus, mieux, qu’ils soient plus près du terrain, à nous de les faire bouger, de les interpeller, de nous engager.
Ils n’existent que pour défendre nos droits et nos valeurs.
Mais en même temps, ils n’existent que par nos adhésions et notre soutien.
Je ne me suis jamais considéré comme un militant syndical, mais j’ai toujours été payé ma cotisation syndicale, pour une raison très simple : je n’oublie pas que des personnes sont mortes pour que nous ayons le droit, ce droit tout simple, d’être représentés et défendus face au pouvoir en place. Je n’oublie pas qu’aujourd’hui encore, dans certains pays pas éloignés, les syndicalistes sont menacés et assassinés.
La démocratie ne s’use que si l’on ne s’en sert pas !!
Un mot encore pour terminer. Une lecture rapide de mon texte pourrait faire croire que j’en veux à nos supérieurs hiérarchiques directs, les IEN !
Il n’en est rien !
Je connais la plupart des inspecteurs du département. Il y en a que je compte parmi mes amis. J’ai suffisamment discuté ou milité avec certains d’entre eux pour savoir qu’ils ne sont pas plus emballés que moi par l’évolution actuelle de l’Ecole. Comme nous, plus que nous certainement, ils sont pris entre le marteau et l’enclume, entre l’inertie du monde enseignant et les pressions de leur hiérarchie.
Je ne voudrais pas être à leur place, mais ils ont choisi et comme nous, ils ont la liberté !
· La liberté d’être de simples courroies de transmission, d’essayer de nous convaincre que tout va bien, que les nouveaux programmes ne changent pas grand-chose par rapport aux anciens, que l’on peut faire dans les 24 heures qui nous restent tout ce qui est demandé par ces fameux programmes, même la religion et les trois heures d’allemand.
· Ou la liberté de parler vrai, de défendre leurs convictions, d’être des citoyens avant d’être des fonctionnaires !
Et peut être de résister !!!
Bon courage à vous tous.
Roland BRAUN
Directeur de l’école Saint Exupéry à Colmar
le 16 octobre 2008
Cette lettre est lisible sur le blog suivant : http://dp.over-blog.com/article-238...
ou alors comme d’hab’sur :
http://moissacaucoeur.elunet.fret/ou http://democrite.over-blog.org/
Messages
1. "C’est décidé, j’entre en résistance !!" (lettre d’un directeur d’école), 22 octobre 2008, 09:09, par Lung Ta
voir aussi ce blog :
http://resistancepedagogique.blog4ever.com/blog/index-252147.html
2. "C’est décidé, j’entre en résistance !!" (lettre d’un directeur d’école), 22 octobre 2008, 10:04, par la révoltée permanente
Cela fait chaud au coeur de voir " un résistant " de l’éducation nationale à Colmar. Je n’y croyais plus, je réside dans le secteur...
Il se peut qu’un mouvement de résistance plus général y naisse d’ici peu, pour autant que l’on parvienne à mobiliser et à contrer cette inertie ambiante dans ce petit coin d’Alsace où le quotidien devient de plus en plus difficile à vivre.
3. "C’est décidé, j’entre en résistance !!" (lettre d’un directeur d’école), 22 octobre 2008, 11:29, par Alien D
En retraite depuis la rentrée je me retrouve sans "revenus" jusqu’en décembre pour cause de naissance fin novembre...voyant ce qui arrivait je n’ai pas eu le "courage"(?) de continuer un an de plus... lassitude non pas du métier (27 années de CP et de bonheur au compteur !...mais de ses "à côtés" si bien décrits dans cet article... j’entends presque parler de "gâchis" par "mes" parents d’élèves avec qui étaient et sont encore noués des liens solides de confiance voire même d’amitié au bout de 15 ans dans l’école du quartier que j’habite... ça doit être ça le "progrès" selon darcos ses gourous et ses IEN petits chefs... il y a des "réponses"... moi-même j’ai expédié mon tout dernier rapport d’inspection (6 mois avant mon départ !) ...à la poubelle malgré les demandes de l’IEN pour le "récupérer" signé...
4. "C’est décidé, j’entre en résistance !!" (lettre d’un directeur d’école), 22 octobre 2008, 21:54
Bravo à ce directeur, son courage est admirable et sa lettre pointe fortement les problèmes de l’école que tout le monde perçoit, comme les résistances possibles pour ceux qui subissent cette casse sans précédent de l’instrument de construction d’un avenir pour les enfants, les parents, l’ensemble de ce pays !
Soleil Sombre
5. "C’est décidé, j’entre en résistance !!" (lettre d’un directeur d’école), 22 octobre 2008, 23:47, par cyloog
Merci et bravo pour cette prise de position !
Préparant le CRPE cette année, je ne suis pas enchantée des nouveaux axes pris par les instructions ministérielles.. 24h-soutien-rasedmort-récitation-calculmental-instructioncivique-et on se lève quand on entend la marseillaise !
Cherchons les failles (fissures ?) et plongeons à grand bruit ! (Je trouve mes collègues "pas encore PE" très modérés et apeurés quant à l’affirmation de leurs vues pédagogiques...)
Courage et à bientôt (si on daigne nous ouvrir quelques postes au concours 2009)
Cécile
6. "C’est décidé, j’entre en résistance !!" (lettre d’un directeur d’école), 23 octobre 2008, 16:08, par Majo Bescond
Merci. A l’heure actuelle c’est le seul pouvoir qu’il nous reste face à ce régime autoritaire et je reste nuancée. Moi aussi je suis entrée en résistance et j’espère que des milliers d’enseignants vont nous suivre, il n’y a qu’en empruntant cette voie que nous pouvons sauver les valeurs de l’école publique. Nous avons oublié que l’union fait la force et il serait urgent de réintégrer cet adage. Je souhaite que les IEN se mouillent un peu et cessent de collaborer ( je sais que certains prennent position et j’ai de l’estime pour ce qu’ils font).
7. "C’est décidé, j’entre en résistance !!" (lettre d’un directeur d’école), 24 octobre 2008, 18:41
Je suis enseignant depuis 1990, 5 ans en ZEP difficile mais une expérience extraordinaire de vie et de réflexion avec des ien trop contents qu’on fasse tourner l’école. Puis enseignants spécialisé, 12 ans de Clis, même constat, moins d’élèves, du temps pour travailler, des enfants, des parents qui marquent une vie et mes recherches d’aide à ces élèves en apprentissages même s’ils sont déficients intellectuels.
Puis deux années en collège auprès d’enfants dyslexiques en grande souffrance, rencontre avec les enseignants du collège, très enrichissant et des réussites très intéressantes.
J’ai plus de 40 ans me dis-je, de la bouteille, envie de faire partager mes connaissances de enfants et mes idées et principes.
Après une année à la direction d’une école de neuf classes, 203 enfants, 10 collègues, deux demi-journées de décharge de direction, beaucoup de stress, je retourne dans le spécialisé pour les mêmes raisons qui poussent ce directeur à entrer en résistance. Moi ma résistance ce fut le refus de cette école complètement folle ou les programmes changent trop vite, les nouveaux dispositifs n’ont pas le temps d’être expérimentés, on n’a pa s le temps de s’occuper des élèves.
Sans moi
8. "C’est décidé, j’entre en résistance !!" (lettre d’un directeur d’école), 26 octobre 2008, 10:45, par tignouz glas
Merci pour ce message d’espoir, qui décrit exactement ce que je ressens. Personnellement j’ai craqué il y a deux ans, j’ai abandonné la direction d’école au bord du burning out, et je suis devenue ZIL. Le pire, c’est que je gagne mieux ma vie maintenant...... sans les emmerdes.
Le seul regret que j’ai c’est que la personne qui a pris la direction derrière moi était sortante d’IUFM, et s’est joliment cassé les dents... De quoi vous écoeurer pour le reste de la carrière.
Défendons le service public, ne laissons pas la loi du fric le démolir
9. bien dit, 5 novembre 2008, 23:32, par maîtresse détresse
ça fait du bien quand quelqu’un dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas ou du moins pas assez haut pour dépasser les murmures dans les couloirs de nos écoles ou les cris dans nos cours de récréation. Arrêtons de nous taper la tête contre les murs, tapons du poing sur la table !On a l’avantage c’être fonctionnaire -donc sécurité de l’emploi (pour combien de temps ? ) Alors profitons en pour résister. On ne risque rien. Et si personne n’avait pris de risque on n’aurait pas de congés payé, pas de retrraite et on n’aurait même pas aboli la monarchie ! On n’est adultes, alors prenons clairement position !
10. "C’est décidé, j’entre en résistance !!" (lettre d’un directeur d’école), 9 novembre 2008, 19:17, par nathalie
bravi Maximilien ! tout est dit !
je ne suis pas duirectrice, mais j’entre aussi en résistance ! nous sommes plusieurs de mon école à avoir également décidé de nous mettre systhématiquement en "intention de grève".
Surtout votez aux élections syndicales qui arrivent.
nathalie
11. résistance ! pour être et oublier l’obsession de l’avoir, 11 novembre 2008, 21:01, par utremi
bravo,
Souhaitons que tous nous soyons vigilants dans cette résistance !
Les fonctionnaires que nous avons choisi d’être, le sont pour le bien du service que nous rendons au public,( et pour pas bien cher payés d’ailleurs !) service aux enfants, à tous nos chers enfants, pour leur permettre de devenir des "êtres de coeur et de pensée" et non pas des objets usinés en "avoirs manipulés".
12. "C’est décidé, j’entre en résistance !!" (lettre d’un directeur d’école), 15 novembre 2008, 18:20, par Chantal Garnier
Ta position est celle que j’ai soutenue lors de la dernière info syndicale à laquelle j’ai assistée. Je suis d’accord avec toi de quoi a- t -on peur ? Le système nous infantilise : la peur de l’inspection !Pendant le régime de Vichy combien de fonctionnaires n’ont fait qu’obéir à leurs supérieurs ! Attention la hiérarchie c’est fait pour ça : on dilue les responsabilités et tout le monde obéit. Aujourd’hui notre devoir c’est la désobéissance à notre cher Ministre ! Attention nous laissons les réformes se fairent, mais bientôt il sera trop tard et nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas.
Alors moi aussi j’entre en résistance, je suis syndiquée, je vais aux réunions syndicales pendant mon temps de travail, je vais faire grève le jeudi 20 novembre, je ne veux pas de cette école dont rève notre gouvernement. Arrêtons d’être des moutons, je serais peut-être fichée à cause de mes emails sur internet ! Mais je défends l’école publique de toutes les façons possible ! Chantal Garnier