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CHARCUTAGES ELECTORAUX : le cas de l’italie et du Senegal

Publie le mardi 20 septembre 2005 par Open-Publishing
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Qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui, les gouvernements italien et sénégalais peuvent se retrouver sur la même longueur d’ondes ? Il y a certainement beaucoup de choses mais ce que l’actualité retiendra, c’est leur convergence en matière de manipulation électorale. En Italie, par exemple, l’un des gros scandales en ce moment, c’est la volonté de Berlusconi de modifier le mode de scrutin, et ce à 6 mois des élections en rétablissant la représentation proportionnelle à 100 %, système qui, tous le reconnaissent, était pourtant à l’origine de l’instabilité politique depuis la fin de la seconde guerre mondiale.

Cette décision, comme il fallait s’y attendre, a soulevé un tollé dans la classe politique et particulièrement au sein de l’opposition. Tout le monde sait qu’un système électoral n’est jamais neutre. La proportionnelle à la plus forte moyenne ou au plus fort reste n’a pas les mêmes résultats concernant les grands et les petits partis : selon que l’on veut favoriser la bipolarisation autour des grands partis ou voir venir à l’Assemblée le plus de sensibilités, on jouera sur l’un ou l’autre des modes de scrutin.

Et en Italie, le premier Ministre a fait ses calculs : ce n’est pas par amour de la démocratie, par souci de promouvoir des coalitions stables, il sait très bien qu’avec le nouveau mode de scrutin, il a beaucoup plus de chances de conserver le pouvoir et il décide de foncer d’autant plus que les sondages ne cessent de renforcer l’écart entre lui et Romano Prodi. Dix points d’écart, ce n’est pas de la rigolade. Alors aux grands maux, les grands remèdes : rétablissement de la proportionnelle avec un seuil de 4 % de suffrages et un mécanisme à dormir debout de prime à la coalition la moins éclatée. Comme la coalition qui soutient Romano Prodi est la plus parcellarisée, comprenant des partis qui ne dépassent pas tous les 4% de suffrages, alors Berlusconi pourra dire "Par ici la bonne soupe ! ".

Au Sénégal, Abdoulaye Wade décide de reculer les élections législatives pour les faire coïncider avec la présidentielle. Là aussi, l’intention n’est pas tout à fait angélique et conditionnée par des préoccupations d’économie et de redistribution sociale comme cela est avancé par ceux de son camp. Nul n’ignore en effet que lorsqu’on couple les élections présidentielles et législatives, on parvient toujours à cette assimilation au niveau de l’électeur que voter pour le député, c’est voter pour le président. Cela permet surtout au président Wade d’entrer en campagne pour son propre compte mais également pour son " écurie " alors que de tradition consacrée au Sénégal, le président de la République ne doit pas s’immiscer dans la bataille législative. Il y a surtout, disent les opposants, que ce report d’un an des élections législatives créerait un vide juridique puisque le mandat que les députés tiennent du peuple viendrait à expiration sans qu’aucun moyen constitutionnel n’autorise l’Exécutif à prorogation.

Dans un cas comme dans l’autre, la réaction ne s’est pas faite attendre. Les Italiens se sont mis en ordre de bataille pour rappeler Berlusconi au respect de l’éthique démocratique. C’est un " vol, une escroquerie, un coup d’Etat institutionnel ", disent-ils en chœur. Et à Romano Prodi de lancer, solennel : " Dans l’histoire des nations, il y a des moments où la démocratie est en jeu.

L’Italie vit un de ces moments-là ". Quant à Ezio Mauro, le directeur du quotidien " La Republica ", il n’en revient pas : " Quand nous disions que l’agonie politique de Berlusconi serait terrible et qu’il fallait s’attendre au pire, on n’imaginait tout de même pas ça ". Pour Piero Fassino, le leader des Démocrates de gauche, principal parti d’opposition en Italie, " On ne peut pas changer la loi simplement parce qu’on a peur de perdre ". Ce cri du cœur du leader italien, qui considère l’intention du premier Ministre italien comme "une honteuse machination", a résonné dans le Landerneau politique et au-delà. Il n’est jusqu’au chef de l’Etat, Carlo Azeglio Ciampi, qui ne critique cette intention de retour à la proportionnelle.
Au Sénégal également, la mobilisation de l’opposition a été générale et exemplaire. Pour elle, " la démocratie a un coût et ne saurait dépendre de contingences climatiques auxquelles tous les pays sont confrontés ". Abdoulaye Bathily du LD/MPT a trouvé que la proposition de Wade pose problème au plan de l’ éthique et de la morale politique : "Le pire dans cette affaire est que le président de la République utilise par la ruse la détresse des sinistrés pour les mettre à mal avec l’opposition ...La politique n’est pas faite pour des arrangements personnels. C’est un problème de morale qui se pose sur cette question. Si les députés acceptent, ils vont contribuer à discréditer l’institution parlementaire ". Ousmane Tanor Dieng, le patron du Parti Socialiste, a indiqué au président de la République que " le couplage des élections est un reniement " ajoutant que Me Wade " s’était lui-même battu pour la séparation des deux élections ".

Si l’opposition n’a pas réussi à faire retirer définitivement le projet, en tout cas, elle a pu déclencher un dialogue démocratique avec à la clef une suspension sinon un gel de l’initiative présidentielle.

Ce qu’on peut dire de tout cela, c’est que réellement, la démocratie n’est nulle part définitivement acquise pas plus dans un pays comme l’Italie qui peut figurer parmi les templiers de la démocratie qu’au Sénégal, qui pendant longtemps incarnait en la matière, un relatif leadership en Afrique. Mais une autre leçon aussi à tirer, c’est qu’il appartient aux combattants de la démocratie de ne jamais baisser la garde. S’ils sont vraiment soudés dans la défense de la Constitution et des valeurs républicaines, ils peuvent briser toute velléité d’y porter atteinte.

La Rédaction

http://www.sanfinna.com/aucourantdelaplume.htm

Messages

  • Ce qui arrive en Italie est très grave.On sait par les manipulation électorales de la droite que la démocratie n’est pas acquise une fois pour toute et que ,actuellement Berlusconi la menace.
    Dans ce cas,le peuple italien doit la défendre,chasser l’usurpateur golpiste,lui faire entendre que jamais il ne détruira cette démocratie pour affirmer ses interets personnels par l’exercice de sa charge publique de Premier Ministre

    Patrizia