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Sur Arte, hier soir, un formidable document, largement appuyé sur le témoignage du nazi autrichien, Heinrich Harrer qui a passé une dizaine d’années dans les jupons du Dalaï Lama à la charnière des années 30-40. Curieusement, si les images de Harrer ont été largement utilisée, les commentaires écrits de ce sympatisant du boudhisme tibétain ont été complètement occultés. Voyons-en quelques-uns ci après.
Au passage on relèvera, dans le même document, que l’influence des anglais sur le Tibet de l’époque visait, textuellement, à "assurer son indépendance", et que "l’invasion" chinoise de 49 était illustrée par des images de 69 (Livre rouge), et un mot : "génocide" assaisonné à toutes les sauces. Le plateau était du même niveau, avec, dans le rôle du modérateur, l’inévitable Ménard (RSF-CIA)
Mais que disait Harrer en 47 ?
Qui est réellement le Dalaï Lama ? Disons déjà, pour commencer, qu’il n’est pas né dans le Tibet historique, mais dans un territoire incontestablement chinois, très exactement dans la province de Amdo qui, en 1935, année de sa naissance, était administrée par le Kuomintang. En famille, on parlait un dialecte régional chinois, si bien que notre héros apprend le tibétain comme une langue étrangère, et est obligé de l’apprendre à partir de l’âge de trois ans, c’est-à-dire à partir du moment où, reconnu comme l’incarnation du 13ème Dalaï Lama, il est enlevé à sa famille et enfermé dans un couvent, pour être soumis à l’influence exclusive des moines qui lui enseignent à se sentir, à penser, à écrire, à parler et à se comporter comme le Dieu-roi des Tibétains, c’est-à-dire comme Sa Sainteté.
Je tire ces informations d’un livre (Heinrich Harrer, Sept ans au Tibet, diverses éditions en français autour du film de J-J. Annaud, je reprends ici la notation des pages de l’auteur de l’article dans la version italienne du livre, chez Mondadori, NdT) qui a même un caractère semi-officiel (il se conclut sur un « Message » dans lequel le Dalaï Lama exprime sa gratitude à l’auteur) et qui a énormément contribué à la construction du mythe hollywoodien. Il s’agit d’un texte, à sa façon, extraordinaire, qui réussit à transformer même les détails les plus inquiétants en chapitres d’histoire sacrée.
En 1946, Harrer rencontre à Lhassa les parents du Dalaï Lama, qui s’y sont transférés désormais depuis de nombreuses années, abandonnant leur Amdo natal. Cependant, ceux-ci ne sont toujours pas devenus tibétains : ils boivent du thé à la chinoise, continuent à parler un dialecte chinois et, pour se comprendre avec Harrer qui s’exprime en tibétain, ils ont recours à un « interprète ». Certes leur vie a changé radicalement : « C’était un grand pas qu’ils avaient réalisé en passant de leur petite maison de paysans d’une province chinoise reculée au palais qu’ils habitaient à présent et aux vastes domaines qui étaient maintenant leur propriétés ». Ils avaient cédé aux moines un enfant d’âge tendre, qui reconnaît ensuite dans on autobiographie avoir beaucoup souffert de cette séparation. En échange, les parents avaient pu jouir d’une prodigieuse ascension sociale. Sommes-nous en présence d’un comportement discutable ? Que non. Harrer se dépêche immédiatement de souligner la « noblesse innée » de ce couple (p. 133) : Comment pourrait-il en être autrement puisqu’il s’agit du père et de la mère du Dieu-roi ?
Mais quelle société est donc celle sur laquelle le Dalaï Lama est appelé à gouverner ? Un peu à contrecœur, l’auteur du livre finit par le reconnaître : « La suprématie de l’ordre monastique au Tibet est absolue, et ne peut se comparer qu’avec une dictature. Les moines se méfient de tout courant qui pourrait mettre en péril leur domination ». Ce n’est pas seulement ceux qui agissent contre le « pouvoir » qui sont punis mais aussi « quiconque le met en question » (p. 76). Voyons les rapports sociaux. On dira que la marchandise la meilleure marché est celle que constituent les serfs (il s’agit, en dernière analyse d’esclaves).
Harrer décrit gaiement sa rencontre avec un haut- fonctionnaire : bien que n’étant pas un personnage particulièrement important, celui-ci peut cependant avoir à sa disposition « une suite de trente serfs et servantes » (p.56). Ils sont soumis à des labeurs non seulement bestiaux mais même inutiles : « Environ vingt hommes étaient attachés à la ceinture par une corde et traînaient un immense tronc, en chantant en cœur leurs lentes mélopées, et avançant du même pas. En nage, et haletants, ils ne pouvaient pas s’arrêter pour reprendre leur souffle, car le chef de file ne l’autorisait pas. Ce travail terrible fait partie de leur impôt, un tribut de type féodal ». Ç’aurait été facile d’avoir recours à la roue, mais « le gouvernement ne voulait pas la roue » ; et, comme nous le savons, s’opposer ou même seulement discuter le pouvoir de la classe dominante pouvait être assez dangereux. Mais, selon Harrer, il serait insensé de vouloir verser des larmes sur le peuple tibétain de ces années-là : « peut-être était-il plus heureux ainsi » (p.159-160).
Un abîme incommensurable séparait les serfs des patrons. Pour les gens ordinaires, on ne devait adresser ni une parole ni un regard au Dieu-roi. Voici par exemple ce qu’il advient au cours d’une procession :
« Les portes de la cathédrale s’ouvrirent et le Dalaï Lama sortit lentement (…) La foule dévote s’inclina immédiatement. Le cérémonial religieux aurait exigé que l’on se jetât par terre, mais il était impossible de le faire à cause du manque de place. Des milliers de gens se courbèrent donc, comme un champ de blé sous le vent. Personne n’osait lever les yeux. Lent et compassé, le Dalaï Lama commença sa ronde autour du Barkhor (…) Les femmes n’osaient pas respirer ».
La procession finie, l’atmosphère change radicalement :
« Comme réveillée soudain d’un sommeil hypnotique, la foule passa à ce moment-là de l’ordre au chaos (…) Les moines soldats entrèrent immédiatement en action (…) A l’aveuglette, ils faisaient tourner leurs bâtons sur la foule (…) mais malgré la pluie de coups, les gens y revenaient comme s’ils étaient possédés par des démons (…) Ils acceptaient maintenant les coups et les fouets comme une bénédiction. Des récipients de poix bouillante tombaient sur eux, ils hurlaient de douleur, ici le visage brûlé, là les gémissements d’un homme roué de coups ! » (p.157-8).
Il faut noter que ce spectacle est suivi par notre auteur avec admiration et dévotion. Le tout, ce n’est pas un hasard, est compris dans un paragraphe au titre éloquent : « Un dieu lève la main, en bénissant ». Le seul moment où Harrer a une attitude critique se trouve quand il décrit les conditions d’hygiène et de santé dans le Tibet de l’époque. La mortalité infantile fait rage, l’espérance de vie est incroyablement basse, les médicaments sont inconnus, par contre des médications assez particulières ont cours : « souvent les lamas font des onctions à leurs patients avec leur salive sainte ; ou bien tsampa ( ? NdT) et beurre sont mélangés avec l’urine des saints hommes pour obtenir une sorte d’émulsion qui est administrée aux malades ». (p.194).
Ici, même notre auteur dévot et tartuffe a un mouvement de perplexité : même s’il a été « convaincu de la réincarnation du Dieu Enfant » (p. 248), il n’arrive cependant pas à « justifier le fait qu’on boive l’urine du Buddha vivant », c’est-à-dire du Dalaï Lama. Il soulève la question avec celui-ci, mais sans trop de résultats : le Dieu-roi « ne pouvait pas combattre seul de tels us et coutumes, et dans le fond, il ne s’en préoccupait pas trop ». Malgré cela, notre auteur, qui se contente de peu, met de côté ses réserves, et conclut imperturbable : « En Inde, du reste, c’était un spectacle quotidien de voir les gens boire l’urine des vaches sacrées ». (p.294).
A ce point, Harrer peut continuer sans plus d’embarras son œuvre de transfiguration du Tibet prérévolutionnaire. En réalité, celui-ci est lourd de violence, et ne connaît même pas le principe de responsabilité individuelle : les punitions peuvent aussi être transversales, et frapper les parents du responsable d’un délit même assez léger voire imaginaire (p. 79). Qu’en est-il des crimes considérés comme plus graves ? « On me rapporta l’exemple d’un homme qui avait volé une lampe dorée dans un ces temples de Kyirong. Il fut déclaré coupable, et ce que nous aurions nous considéré comme une sentence inhumaine fut exécutée. On lui coupa les mains en public, et son corps mutilé mais encore vivant fut entouré d’une peau de yak mouillée. Quand il arrêta de saigner, il fut jeté dans un précipice » (p. 75).
Pour des délits mineurs aussi, par exemple, « jeu de hasard » on peut être puni de façon impitoyable s’ils sont commis les jours de festivité solennelle : « les moines sont à ce sujet inexorables et inspirent une grande crainte, parce que plus d’une fois il est arrivé que quelqu’un soit mort sous la flagellation de rigueur, la peine habituelle » (p. 153). La violence la plus sauvage caractérise les rapports non seulement entre « demi-dieux » et « êtres inférieurs » mais aussi entre les différentes fractions de la caste dominante : on « crève les yeux avec une épée » aux responsables des fréquentes « révolutions militaires » et « guerres civiles » qui caractérisent l’histoire du Tibet prérévolutionnaire (la dernière a lieu en 1947) (p.224-5). Et pourtant, notre zélé converti au lamaïsme ne se contente pas de déclarer que « les punitions sont plutôt drastiques, mais semblent être à la mesure de la mentalité de la population » (p.75). Non, le Tibet prérévolutionnaire est à ses yeux une oasis enchantée de non-violence : « Quand on est depuis quelques temps dans le pays, personne n’ose plus écraser une mouche sans y réfléchir. Moi-même, en présence d’un tibétain, je n’aurais jamais osé écraser un insecte seulement parce qu’il m’importunait » (p.183). Pour conclure, nous sommes face à un « paradis » (p.77). Outre Harrer, cette opinion est aussi celle du Dalaï Lama qui dans son « Message » final se laisse aller à une poignante nostalgie des années qu’il a vécues comme Dieu-roi : « nous nous souvenons de ces jours heureux que nous passâmes ensemble dans un pays heureux » (happy) soit, selon la traduction italienne, dans « un pays libre ».
Titre original : La Chine, le Tibet et le Dalaï Lama
Messages
1. Cadoudal au Tibet, 2 avril 2008, 10:22
Harrer en 47 depuis l’eau à coulé sous les ponts ! c’est aussi débile de considérer les écrits d’un "sportif nazillon" comme étant une vérité ! le film de jj anault n’a jamais été revendiqué comme une vérité historique, dans les croyances boudhistes il n’est pas question de dieu, le boudhisme ce rapprochant actuellement plus d’une philosophie avec des pratiques certes dogmatiques (un peu comme le pc chinois, et y a pas si longtemps le pcf
ménard est aussi démago que peut l’etre actuellement les défenseurs de la doctrine post maoiste capitaliste chinoise, les langues ne sont pas des dialectes, cette confusion propagandiste qui est typiquement française et jacobine, d’ailleurs rien n’empèchera un jour que la langue de molière soit elle aussi considérée comme un dialecte par les américo-chinois de demain ! le monde diplomatique s’en inquiètait il y a peu, a ce sujet le breton était aussi un dialecte sous la 3 éme république en france, la spécificité de toutes ces langues est aussi sinon plus importante a respecter que la bio diversité , les humains ne seront jamais sur un pied d’égalité culturel, ce dogme totalitaire franco-stalino-communiste-maoiste ! L’universalité pour le partage des richesses matérielles oui , non pour le formatage planifié de la culture en générale.
il est évident, que les élites tibétaines et les élites chinoises sont à condamnés au mème titre, défendre l’un ou l’autre de toute façon ne donnera rien de bon aux tibétains ; arrèter la parano, vous servez du bon pain de cette manière au représentant ménard ce ..... de la cia
Trop d’amalgames et de contre vérité, ce Tibet mérite un peu plus de réflexions avant les actions si tant est que nous autres occidentaux avons des leçons à donner à tous ces protagonistes dont un grand acheteur de technologies nucléaires ! du bruit pour rien, juste pour la bonne conscience chrétienne occidentale ! et pour un militant communiste cela est vraiment surprenant !
1. Cadoudal au Tibet, 2 avril 2008, 13:10
les humains ne seront jamais sur un pied d’égalité culturel, ce dogme totalitaire franco-stalino-communiste-maoiste !
Ah bon, et qui sera en haut ? et qui en bas ?
C’est pas de ma faute si depuis quelques semaines, on nous matraque sur le thème des "méchants chinois" et des "gentils tibétains" et de "l’océan de sagesse non violente" incarné dans le 14° Dalaï Lama.
CN46400
2. Cadoudal au Tibet, 2 avril 2008, 14:43, par Skapad
CN 46400, ce n’est pas spécialement toi que je voulais engueuler, mais c’est l’ensemble de nos commentateurs à qui l’on attache beaucoup trop d’importance.
Pour l’égalité culturel, le terme n’est pas bien choisi j’en conviens, mais sur le fond je pense que l’a saisi. Dans le mot culturel il ne doit pas y avoir effectivement de notion hiérarchique. La culture n’est pas non plus a ce confondre avec les traditions.
Ce sujet est d’ailleurs plus complexe qu’il n’y parait et devrait etre mis en débat mais surtout pas avec ces commentateurs qui a l’affut racontent tous azimuts des conneries monumentales.
Véderine, à qui je ne voue pas une sainte foi, (loin de là) était l’invité de Stéphane Berne sur FI. Ce qu’il a dit lors de cette émission me semblait pertinent.
D’ailleurs je le rejoins, le déclin de la suprématie occidentale est en marche, ert tant mieux. Ce monde occidental, avec son interventionisme catho à prétendre à gérer les affaires de toute la planète, va devoir ce recadrer, car pour le Tibet, l’Iran, l’Irak, La Palestine jamais ces interventions occidentales n’auront a ma connaissance fait avancer d’un moindre poil le chmilblick.
Cordialement, et sans méprise. A + ;-)]
PS : Je te conseil un article du canard de Claude Angeli ,il y évoque les plans de ces stratèges militaires de l’Otan : la possibilité de l’utilisation d’arme dite Mininuck ! et de missile a faire exploser dans l’atmosphère au dessus des territoires d’ennemis désignés, à lire absolument, ça va pèter tout ou tard.
Va falloir resserer les rangs, et arrèter de palabrer pour peanut.
3. Cadoudal au Tibet, 2 avril 2008, 23:08
C’est vrai : c’est même pas sûr que s’user au clavier pour tenter de contrer le terrorisme médiatique auquel nous sommes soumis empêche les mininuke et autres joujous de fous de venir tuer et empoisonner des êtres humains. Drones pilotés depuis les USA, dans un fauteuil, avec de la bonne viande européenne pour aller se faire trucider et irradier sur le terrain.
Y a-t-il vraiment besoin de "l’approbation" du "peuple" pour ce faire ? Ou bien ce projet sanglant est-il juste couplé avec un perfectionnement des outils tu terrorisme médiatique ? Toujours pour "s’amuser". Un film sur Arte , c’est pas mal, faut reconnaître, vu la réputation de la chaîne. L’infâme Ménard dont le nom de l’association évoque pour les Français celle du bon docteur Koukouche avec son bon sac de riz peut y passer pour un enfant de choeur... Faut-il cesser de démonter tous ces pièges à pauv’cons ?