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Chirac : le choix de tous les dangers

Publie le lundi 3 avril 2006 par Open-Publishing

de Yves Housson

CPE . En décidant de promulguer la loi sur le CPE, moyennant deux aménagements sans portée véritable, le chef de l’État a choisi de poursuivre l’épreuve de force.

Sourd. En dépit de tout, il reste sourd. Hier soir, à la télévision, après avoir affirmé qu’il avait entendu les « interrogations, appréhensions, critiques » suscitées par le CPE, qu’il avait compris le « besoin de sécurité » exprimé par les jeunes, Jacques Chirac s’est refusé à annoncer la seule mesure susceptible d’ouvrir une issue à la crise, celle qu’attendaient l’ensemble des organisations syndicales de salariés, d’étudiants, de lycéens : le retrait de la loi instituant le contrat première embauche.

Se retranchant derrière le vote du Parlement et sa validation par le Conseil constitutionnel, le chef de l’État a pris la décision la plus lourde de dangers : la promulgation d’un texte condamné, rejeté par l’écrasante majorité des forces vives du pays. En guise de concession, de gage d’une prise en compte de « l’inquiétude des jeunes, de leurs parents », Jacques Chirac a simultanément annoncé qu’il demandait au gouvernement de préparer sans délai une « modification » de cette loi, sur les deux points les plus controversés. La période d’essai, dite de consolidation serait ramenée de deux ans à un an, soit encore beaucoup plus que la durée « raisonnable » prévue par la législation du travail et qui se traduit généralement, dans les conventions collectives, par une période de deux mois.

Deuxième point cité par le président : en cas de rupture du contrat, le jeune salarié licencié devrait « en connaître les raisons ». Il pourrait donc s’agir d’une simple information, donnée avant éjection des effectifs. On resterait vraisemblablement hors du droit actuel du licenciement (entretien préalable, lettre de motivation) qui permet au salarié concerné de se défendre devant les tribunaux. Jacques Chirac a invité les syndicats à « prendre part à l’élaboration de ces nouvelles dispositions ». Mais sa décision de promulguer la loi ne lui laissait aucune chance de voir les partenaires sociaux accepter son offre. Son appel à ne voir « ni vainqueur ni vaincu », à « se rassembler », ne pouvait que tomber à plat.

Ne voyant, à juste titre, aucune modification réelle dans la position du chef de l’État, les leaders syndicaux ont immédiatement fait part de leur insatisfaction. « En aucun cas, le président n’apporte un début de réponse », alors qu’il « avait la possibilité de saisir le Parlement pur demander une nouvelle délibération », a déclaré Bernard Thibault. « Les deux petites modifications qu’il a annoncées sont celles déjà envisagées par le premier ministre depuis quinze jours et qui n’ont pas suffi », a relevé le secrétaire général de la CGT. Même tonalité chez Jean-Claude Mailly, de FO, et Bruno Julliard, de l’UNEF. Pour tous, le cap reste plus que jamais mis sur la prochaine journée d’action de mardi. Les premières réactions des manifestants rassemblés par centaines sur la place de la Bastille à Paris, qui ont sifflé l’allocution du chef de l’État diffusée par un camion-sono, laissaient clairement augurer la poursuite de la mobilisation. Sans surprise, en revanche, Nicolas Sarkozy se disait aussitôt satisfait du « compromis » proposé par Chirac.

Jacques Chirac, dont la position avait été étroitement concertée avec Dominique Villepin, a donc choisi d’ignorer les nombreuses mises en garde qui lui avaient été adressées ces derniers jours. À commencer par celles des syndicats, dont Jean-Claude Mailly, de FO, résumait le sentiment en déclarant : « Pour arriver à l’apaisement, il n’y a pas trente-six solutions, il n’y en a qu’une : demander une deuxième lecture (de la loi à l’Assemblée - NDR) pour abroger le CPE. » Cette détermination syndicale était relayée hier matin par un autre front uni, celui des partis de gauche, demandant « solennellement à Jacques Chirac le retrait du CPE pour engager des négociations avec les syndicats puis revenir devant le Parlement ». Promulguer la loi « serait un coup de force inacceptable », avertissaient-ils. « Les risques d’un engrenage, d’une confrontation » sont « immenses », soulignait le leader du PS, François Hollande, invitant Chirac à « les éviter ». Le chef de l’État a pourtant choisi de les prendre.

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