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Chronique d’une Omerta annoncée qui est Y.Salesse

Publie le jeudi 23 novembre 2006 par Open-Publishing
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Chronique d’une Omerta annoncée, qui est Y.Salesse.

Yves SALESSE : éléments de biographie

Plusieurs collectifs souhaitent une courte biographie des “ candidats à la candidature ”. Je suis né en 1945. J’ai quatre enfants. Je me suis engagé politiquement dès l’âge de douze ans. Mes parents étaient instituteurs socialistes dans un village du Calvados où régnait une terrible pauvreté à côté d’une richesse insolente, où la cantine scolaire a été une énorme avancée sociale pour les trois quarts des enfants, où l’école laïque était dénoncée comme “ l’école du diable ”. J’y ai appris l’arrogance des riches, le service public, le respect des milieux populaires “ qui travaillent dur pour vivre et que leurs enfants s’en sortent. ”

C’était la guerre d’Algérie. J’ai abord mis sous enveloppe le journal d’une petite organisation pacifiste : “ La voix de la paix ”. A quatorze ans, écoeuré par la politique coloniale de la SFIO, j’ai adhéré aux JC puis à l’UEC. Mais je gardais le souvenir terrible de ce titre d’un magazine de 1956 : “ Budapest : la milice tire sur les ouvriers ”. La question de l’URSS m’a conduit à l’exclusion de 1965 avec ceux qui fondèrent la JCR devenue LCR. J’ai longtemps été membre de son comité central et de son bureau politique. Je l’ai quittée vers 1988, lui reprochant de s’en tenir à une posture protestataire.

J’eus ma première expérience syndicale en 1967-1968. Une curieuse expérience. Maître -auxiliaire de mathématiques au lycée de Deauville, j’étais membre du SNES. Cette position me permit de proposer à la CGT et à la CFDT, essentiellement présentes dans la fonction publique, de coordonner les efforts dans une terre hostile. Ce fut “ l’intersyndicale” dont je fus président. Elle se réunissait en assemblée générale ouverte des syndiqués et de ceux qui voulaient s’informer. Le moment s’y prêtait. Nos réunions réunirent dès janvier 1968 jusqu’à 400 travailleurs. Nous construisions des sections syndicales dans des entreprises de vente de bois en gros, de confection, etc. ; y compris un syndicat de petits patrons pêcheurs ! Et nous animions une université populaire. La réponse patronale fut très dure. La grève de 68 sauva l’essentiel de ce que nous avions construit. Mes études furent interrompues par mai 68 dont je fus un animateur à Caen. 1969, reflux. L’éducation nationale se passe de mes services. Tous les patrons du coin me connaissent. Chômage, départ à Paris, petits boulots et l’expérience des conséquences personnelles de l’extrême précarité. Je suis devenu “ permanent ” de la LCR vers 1972 et ai quitté cette fonction vers 1977 pour entrer à la SNCF comme employé des services sociaux. La tâche était d’aider les jeunes cheminots, vivant dans des foyers et subissant les effets du déracinement et du travail de nuit.

Membre puis secrétaire du syndicat CGT des cheminots de la gare du Nord une dizaine d’années, ce fut la période la plus rude et la plus riche humainement de mes années militantes. Le syndicalisme est évidemment moins difficile à la SNCF que dans le privé. Il ne faut pas croire qu’il y est facile. La direction était brutale, les cadres frais émoulus de polytechnique extrêmement méprisants. Il fallait, comme ailleurs, combattre la division, le racisme. Organiser une grève était toujours une épreuve de forces. J’étais également délégué des personnels sous contrat de tout le secteur : essentiellement des femmes et des hommes venus des DOM-TOM ou d’origine étrangère travaillant dans les cantines, au nettoyage. Mais mon lent travail de construction syndicale dans un milieu a priori méfiant, fut d’abord ingrat. Mais les premiers résultats (correction d’erreurs sur les feuilles de paye, lutte contre le harcèlement, établissement d’une grille d’évolution des salaires) furent l’occasion de fêtes. A la fin de mon mandat de délégué, la CGT organisait plus de 80% de ces personnels.

La direction cherchait à se débarrasser de moi (et des collègues qui faisaient le même travail et s’étaient révélés également militants). Après avoir cherché la petite bête, voire la provocation dans mon travail, la suppression de ces postes fut programmée. J’avais entamé des études d’économie, convaincu que c’était utile pour notre lutte. A 41 ans, mon avenir à la SNCF s’assombrissant sérieusement, j’ai passé le concours de l’ENA par la 3e voie, ouverte aux élus et aux syndicalistes. Ma motivation était double. Cela me tentait d’avoir des responsabilités dans la fonction publique et j’étais convaincu que la connaissance de l’Etat était aussi nécessaire. Nombreux ont été ceux alors qui prédisaient mon passage “ de l’autre côté ”. Ils avaient tort. C’est sans doute que mes origines et mon existence jusqu’à l’ENA (vivre et élever ses enfants en gagnant le SMIC ou moins est une violence sociale indélébile) constituent une expérience qui peut prémunir de la corruption par les ors de la République. Ils n’ont pas entamé, au contraire, ma conviction que le capitalisme est un système inacceptable.

Je suis sorti de l’ENA au Conseil d’Etat. Outre le travail qu’il implique, cela m’a permis de participer à des commissions sur les services publics, de me familiariser avec les questions européennes et d’effectuer des missions d’information ou de coopération en Afrique. En 1995, j’ai répandu l’émotion dans cette honorable institution, et au delà, en y faisant signer la pétition de soutien aux grévistes initiée par Bourdieu. Les propositions de mission se sont immédiatement taries. En 1995-1996 j’ai participé à l’Institut des hautes études de la défense nationale. En juin 1997, J-C Gayssot m’a demandé de participer à son cabinet au ministère des transports. Cela n’allait pas de soi. Plusieurs camarades syndicalistes m’ont convaincu de tenter l’expérience. Elle fut passionnante et très décevante. Je m’y suis occupé des affaires européennes et internationales et de l’industrie aéronautique. S’agissant de l’Europe, j’ai appris à bloquer les tentatives d’aggravation des libéralisations européennes. En revanche les tentatives d’améliorer les textes européens concernant les conditions de travail des chauffeurs routiers ont échoué. Ma connaissance des questions de coopération avec les pays du Sud s’y est enrichie. J’ai vécu de l’intérieur la pression progressive et de plus en plus impérative du social-libéralisme. J’ai décidé d’arrêter les frais en juillet 1999 après la nouvelle illustration par la privatisation d’Aérospatiale.

J’ai tiré le bilan de cette expérience gouvernementale dans un livre intitulé Réformes et révolution : propositions pour une gauche de gauche. J’ai travaillé de façon approfondie et écrit notamment sur les services publics et l’appropriation sociale, la démocratie, les institutions et l’Etat, l’Europe, les relations avec les pays du Sud. Cela m’a valu, avant la campagne du Non, de faire plusieurs tours de France, invité par des organisations syndicales, les comités ATTAC et d’autres associations, des formations politiques. Depuis, mon départ de la LCR, je n’ai appartenu à aucun parti. A partir de 2000, je me suis consacré à la fondation Copernic. J’adhérais profondément à son objectif : faire travailler ensemble les forces de la gauche anti-libérale et du mouvement social, prendre le temps de discuter les divergences et chercher toujours à approfondir les convergences, dépasser la seule dénonciation du système pour élaborer des réponses et des propositions.

En juin 2004, en tant que coprésident de Copernic, j’ai invité les possibles participants à se réunir pour préparer une campagne commune contre le projet de “ constitution ” européenne et proposé un projet d’appel. Les différentes sensibilités que l’on a retrouvées dans les collectifs du Non se côtoyaient déjà dans la fondation et j’avais animé un groupe Copernic sur l’Europe pendant un an qui avait contribué à la convergence de leurs positions. Les réunions de juin et septembre 2004 ont permis d’aboutir à “ l’appel des 200 ”. J’ai participé activement à la campagne du Non par des argumentaires, des tribunes, un grand nombre de réunions publiques et plusieurs débats télévisés ou radiophoniques. Après la victoire du 29 mai, je me suis investi dans la poursuite du processus unitaire des collectifs du 29 mai. Parallèlement, dans le cadre de Copernic, j’ai constitué un groupe large pour l’élaboration de documents programmatiques plus précis qui ont été utiles pour l’écriture de la Charte et de nos propositions actuelles. J’ai travaillé à la préparation de l’appel pour les candidatures unitaires puis à la coordination de la production de nos “ 125 propositions ”.

Voilà résumé un parcours guidé depuis maintenant plus de dix ans par un objectif : contribuer à combattre un éparpillement mortifère ; réunir les forces de la gauche antilibérale autour de propositions alternatives. L’enjeu, au delà des échéances de 2007, est de restaurer l’espoir de la transformation sociale.

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