Accueil > Chroniques citoyennes (6) : Le fax est un assassin
Il y a des exotismes dont nous nous passerions et lorsque le mot délocalisation entre dans le champ de notre compréhension, nous entrevoyons une myriade de Chinois trimant en lieu et place de nos ouvriers ou une palanquée de Roumains, Polonais qui assemblent des biens que nous consommerons plus tard. Bref, il y de l‘exotisme et un soupçon d’amertume quand on aborde ce sujet épineux.
En la matière, nous avions du reste, connu bien des modalités toutes aussi traumatisantes les unes que les autres : les entreprises déménagées de nuit, les patrons réfugiés dans des pays sans extradition, les produits détournés de leur destination finale. Nous en avions vu et entendu mais là, j’avoue : l’assassinat par fax est une première ! Nul besoin d’aller loin et tout le monde sait déjà que mon indignation du jour sera pour l’attitude des patrons de l’entreprise agroalimentaire de Lacourt-Saint-Pierre. En effet, après 100 ans de bons et loyaux services ce sont 8 femmes et 1 homme, derniers employés d’une longue implantation locale, qui ont appris l’arrêt de la production et la fermeture de leur usine… Et cela, par un fax laconique et bourré de fautes daté du 8 mars ! Une telle grossièreté, un tel mépris pour les personnes et pour l’outil de travail a ému l’ensemble des politiques, des élus, des salariés et habitants (cf. le Petit Journal).
Il faut dire que le groupe espagnol Borges (N°1 mondial de l’huile d’olives) n’en est pas à cela prêt et les 630 millions de son chiffre d’affaires dans 105 pays place ses dirigeants sur un tel piédestal que l’unité de Lacourt n’est qu’une goutte d’eau dans leur empire. L’ancien dirigeant au nom célèbre sur les emballages d’olives n’a pas non plus fait d’efforts pour venir s’expliquer devant les anciens salariés qu’il avait vendu comme de vulgaires marchandises, comme au bon vieux temps de l’esclavage. Mais je m’égare !
Pour services rendus, parfois après 17 ans de « boite », les employés effondrés devraient accepter que les 16 lignes de la missive télécopiée soient leur dernier salaire, avec les compliments de la direction en sus. Presqu’une ligne par année de travail… Il y a des assassinats qui ne coûtent qu’à ceux qui en sont les victimes…
Gageons que le fax sera poursuivi en justice en lieu et place de son intouchable expéditeur. A moins qu’un soupçon de justice… A moins qu’après enquête le commissaire remonte la filière…A moins que…
Le 31 mars 2007
Démocrite