Accueil > Comment Cuba utilise Internet
De José R. Vidal*
Version originale espagnole sous :
Como utiliza Cuba la Internet
http://www.rebelion.org/noticia.php?id=40228
Traduction française par Raymond Muller :
De temps à autre et presque toujours à partir des mêmes sources, on entend des voix qui réclament le « libre accès à Internet » pour tous les cubains. Selon ces sources Cuba est un pays qui pourrait connecter à Internet la plus grande partie de sa population, et d’un certain point de vue ils ont raison. Cuba n’a pas les limitations éducatives qui empêchent que des milliards de personnes dans le monde accèdent à la toile.
En définitive, Cuba n’a pas d’analphabètes, possède une scolarisation pratiquement totale jusqu’au neuvième degré, a une dotation d’ordinateurs et d’instituteurs préparés dans toutes les écoles du pays, même dans les écoles rurales les plus éloignées, et de peu et même d’un seul élève. De plus le pays dispose dans toutes les communes de « Jeunes Clubs d’informatique » qui accueillent des personnes de tous âges qui souhaitent connaître ces technologies et en faire usage. L’enseignement et l’usage des technologies digitales se dispensent aussi aux niveaux secondaire et universitaire qui fonctionnent maintenant dans toutes les communes,.
Tout ceci a été obtenu malgré le blocus économique imposé par les Etats-Unis depuis 46 ans contre l’Île, un blocus qui non seulement empêche toute relation économique entre des citoyens et des entreprises des deux pays, mais aussi qui interfère, poursuit, et sanctionne des citoyens et des entreprises de pays tiers qui osent violer les termes de ce blocus, ou qui empêche que Cuba puisse accéder aux crédits des institutions financières internationales.
Ce fut durant ces dernières années que beaucoup de ces réussites sommairement décrites plus haut ont connu un élan particulier lorsque le pays sortait à peine de la profonde crise économique provoquée par la disparition de l’Union Soviétique et des pays socialistes européens qui alors s’étaient précisément convertis en nos principaux partenaires économiques comme alternative de survie et de développement face au blocus.
De ce qui vient d’être dit, deux conclusions peuvent être tirées. L’une : combien de plus aurait pu faire Cuba en conditions moins adverses ; et deux : combien auraient pu faire de nombreux gouvernements qui n’avaient pas de telles limitations pour contribuer au développement éducatif de leurs peuples pour que leurs pays puissent sortir de la dépendance et faire reculer la pauvreté dans un monde où de plus en plus le savoir est le facteur fondamental de développement et de bien être.
Mais revenons donc à la réclamation initiale de ces voix qui, bien sûr, omettent tous ces éléments dans leurs déclarations. Pourquoi donc à Cuba il n’y a pas de “libre accès à internet” ?
En tant que pays, Cuba n’a pu avoir accès à Internet par voie satellitaire qu’en 1996 et aujourd’hui, 10 ans plus tard, n’a pas pu, comme conséquence du blocus étasunien mentionné, avoir accès aux cables de fibres optiques qui passent tout près de ses côtes. Il en découle que les largeurs de bande dont dispose le pays sont insuffisantes pour ses besoins de développement et les coûts d’accès à Internet sont très élevés. Par ailleurs, la téléphonie nationale elle-même n’avait pas pu se développer jusqu’à très récemment vers la digitalisation et l’installation de fibres optiques sur le territoire national, ce qui est une limitation d’infrastructure.
Que faire face à ces restrictions ?
Les instititions cubaines optèrent pour ce qu’aujourd’hui nous appelons un modèle d’appropriation sociale des technologies de l’information et de la communication (TICs). Ainsi, surgirent des expériences tellement réussies comme le réseau de santé (Infomed) qui met au service des médecins de l’Île l’information nécessaire pour leur formation continue et les espaces pour gérer le savoir en ligne, à partir de l’échange d’expériences et d’informations. Des réseaux et des portails pour les intellectuels et les artistes (Cubarte) ont aussi vu le jour ainsi que des réseaux pour les chercheurs et les professionnels en général dans différentes branches de la science, la production ou les services.
De cette manière, les maigres ressources financières et technologiques se mettent au service des intérêts vitaux du pays et les possibilités qu’offre internet et, en général, les TICs favorisent toute la population et pas seulement les personnes qui sont connectées aux réseaux. Ainsi, la dame du troisième âge qui ne s’est jamais assise devant un ordinateur se bénéficie grâce à son médecin de ce que celui-ci reçoit du réseau digital Infomed, ou bien alors, le nouveau-né qui est vacciné gratuitement contre 13 maladies dans sa première année de vie, reçoit les bénéfices de l’information que les scientifiques obtiennent au cours des échanges avec des collègues ou en accédant aux coûteuses bases de données informatiques.
Ceci ne peut pas s’obtenir si on se laisse mené uniquement par la logique du marché, c’est à dire si seuls ceux qui en ont les moyens financiers peuvent se connecter « librement ». Dans certains pays d’Amérique latine on a mis en marche des programmes complémentaires pour l’appropriation sociale des TICs. Mais dans les conditions concrètes de Cuba, aussi bien par la structure de propriété, la centralité du social dans les visions concernant le développement et les disponibilités de ressources financières et technologiques, ces programmes constituent l’axe médullaire de l’appropriation de ces technologies.
Cette politique rationnelle et efficace de l’usage d’internet constitue un modèle pratique de ce que les théoriciens ont signalé comme étant “un usage sensé” et “une appropriation sociale des TICs” qui est valable non seulement pour le cas cubain mais aussi pour tous les pays en voie de développement qui doivent cibler leurs efforts dans la recherche de moyens meilleurs et propres à eux pour utiliser la révolution technologique dans ce domaine vital, au lieu de copier de manière mimétique et compulsive les modèles d’usage et de consommation qui proviennent des centres générateurs des technologies.
Une autre importante conclusion que l’on peut extraire de l’expérience cubaine c’est que les investissements dans ces technologies ne sont pas une fin en soi qui cherche à tout prix à maintenir la “brèche digital”, mais qu’au contraire ils sont mis en fonction de programmes qui permettent de diminuer la « brèche sociale ». Ce n’est pas seulement un acte de justice et de reconnaissance des droits humains fondamentaux mais aussi la condition pour que les pays qu’on appelle par euphémisme “en voie de développement” cessent d’être des nations dépendantes et appauvries.
Dans le cas de Cuba, connaitre le nombre de personnes connectées à Internet n’est pas substanciel, en plus c’est difficile de l’établir avec rigueur. Ce qui oui peut se dire, c’est qu’on y fait un usage massif des bénéfices des technologies digitales, et que cette utilisation peut être et sera beaucoup plus grande dans la mesure ou les institutions et les professionnels s’engagent dans la maitrise non seulement de l’informatique mais aussi des techniques et des procédés d’accès, de gestion et d’utilisation de l’information, c’est-à-dire des processus d’apprentissage qui permettent de la convertir en savoir.
D’autre part, on ne peut pas ne pas tenir compte que le gouvernement étasunien actuel, non seulement a renforcé le blocus, mais qu’il a aussi créé « une commission pour la transition à Cuba », a nommé un fonctionnaire du Département d’Etat pour être le “coordinateur” de la soi disant transition, et il a un plan du nom de son progéniteur “Mr. Bush” qui octroie des millions de dollars pour la subversion du régime cubain et qui possède en plus une clause secrète. Devant cela, celui qui regarde sereinement et sans préjugé la réalité cubaine peut-il juger comme étant une vocation totalitaire, injustifiée, engagée à déconnecter les cubains du monde - parmi d’autres nombreuses accusations que l’on porte - les mesures de sécurité et de contrôle que le gouvernement cubain exerce sur l’utilisation d’Internet ? Ne serait-il pas préférable de réclamer la fin de cette agression et la création d’un climat de respect de la souveraineté de Cuba et de reconnaissance de la capacité de son peuple de décider de son destin sans ingérence étrangère ?
Le peuple de Cuba n’a pas besoin que personne n’exige son accès à Internet, ce dont il a besoin c’est que l’on en finisse avec l’injuste et criminel blocus et toute mesure de force qui prétende déterminer depuis l’étranger le cours de l’histoire de la nation. Nous les cubaines et les cubains nous saurons alors comment poursuivre chaque jour la construction d’une société plus juste, plus libre, plus solidaire.
* Coordinateur du Programme de Communication Populaire du Centre Dr. Memorial Martin Luther King, Jr. et professeur titulaire de l’Université de La Havane.
Messages
1. > Comment Cuba utilise Internet, 29 octobre 2006, 23:36
Merci d’avoir si bien décrit la situation, que 80 pour cent des européens ignorent.
Nous profitons du sujet traité pour lancer un appel : le comité toulousain France-Cuba récupère
tout matériel informatique réutilisable pour le reconditionner et l’expédier à Cuba via l’ICAP
(institut cubain d’amitié des peuples ) qui en a la responsabilité et en assure la répartition.
Henri France-Cuba Toulouse michedlo@free.fr