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Compte rendu d’une rencontre avec les ouvrières d’Hotrifat (Moknine - Tunisie)

Publie le dimanche 8 février 2004 par Open-Publishing

RAID Attac Tunisie
Compte rendu d’une rencontre avecles ouvrières d’Hotrifat (Moknine - Tunisie)
qui occupent leur usine depuis le 7 janvier 2004

A l’initiative du Comité de soutien aux ouvrières d’Hotrifat (CSOH), une forte délégation s’est rendue le 2ième jour de l’Aïd (fête musulmane) à l’entreprise Hotrifat afin d’exprimer, de vive voix, le soutien et la solidarité de certaines associations et partis politiques tunisiens indépendants.

Les membres de la délégation sont venus de plusieurs villes de Tunisie ; de Sfax, de Sousse, de Monastir, de Tunis, des villes avoisinantes et de Moknine même, où nous étions donné rendez-vous vers midi. Une fois le groupe formé, nous nous sommes rendus à Hotrifat, situé dans un quartier proche, où nous fûmes accueillis très chaleureusement par plus de 200 ouvrières.
Notre rencontre fut partagée entre :

· La visite des ateliers, où des centaines de machines, sont alignées en bon ordre. Mais, malgré qu’elles soient totalement inanimées, ces machines sont soigneusement gardées ? dans l’attente d’un heureux dénouement qui leur redonnerait vie.

· La visite d’une remise attenante qui tient lieu maintenant de dortoir de fortune, où quelques dizaines d’ouvrières se relayent chaque nuit, depuis le 7 janvier 2004, afin de parer à toute tentative de la part du patron qui voudrait, éventuellement, déménager les machines dans ses deux nouvelles entreprises installées, à quelques kilomètres de là, dans la ville voisine de Ksar Hélal. Mais surtout, le besoin de garder leur seul moyen de pression (« politique ») sur les autorités locales beaucoup plus que sur le propriétaire de l’entreprise. Après tout, ces machines ne sont-elles pas toutes suffisamment amorties depuis de longues années ? Quand aux locaux de l’entreprise, elles sont tout simplement loués.
Les ouvrières dorment à même le sol ; sur des litières de fortune (cartons, palettes en bois, matelas ?) sans chauffage, ni sanitaires et réfectoires pouvant répondre, un tant soit peu, aux besoins d’un si grand nombre d’occupantes. Certaines femmes campent avec leur bébé !

· Enfin, un meeting improvisé dans la cour de l’entreprise où prises de paroles, chants et slogans se sont entremêlés. La détresse des ouvrières étaient réelle et pouvait se lire sur tous les visages. Mais, assez paradoxalement, leur détermination semblait, elle aussi, sans limites. Certaines, décrivaient, les larmes aux yeux, les difficultés matérielles dans lesquelles se débattent leur famille depuis 2 mois, passés sans salaires. Quant à l’avenir, il vaut mieux ne pas en parler ?
Pour toute consolation, les autorités locales ont finalement proposé à chacune des ouvrières une « aide sociale » de 100 dinars (65 euros ou 80 dollars US) et une « prime de chômage exceptionnelle » de 180 dinars (une sorte de prime de licenciement attribuée pour une seule fois), et des promesses de solutions probables, en contre partie de quoi, les ouvrières arrêtent leur action et rentrent chez elles !

Celles-ci ont tout à fait raison de voir, dans une proposition pareille, l’_expression d’un mépris manifeste de la part des autorités, qui ne voit en elles qu’un poids devenu gênant et dont on ils doivent se débarrasser au moindre coût dans l’intérêt de l’ordre établit.

Au début de l’après midi, alors que nous apprêtions à partir, les ouvrières sont spontanément sorties dans la rue et ont entamé une courte manifestation (d’une centaine de mètres), en chantant et en scandant des slogans exprimant un moral bien haut et une détermination sans faille, malgré le malheur qui les frappe.
Les agent de la sûreté (tous en tenue civile) qui surveillaient les alentours sont restés à l’écart durant notre rencontre avec les ouvrières d’Hotrifat.

D’autres rencontres de ce genre sont prévues dans les jours qui viennent. Les ouvrières nous ont promis de tenir bon, mais ont insisté sur la nécessité de la mobilisation du soutien local et international, afin d’écourter leurs souffrances, en favorisant une solution équitable et rapide à leur problème.

Moknine

Fathi Chamkhi

Porte parole de RAID Attac Tunisie et membre de la CSOH