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Dans la cage à Guantanamo

Publie le samedi 1er juillet 2006 par Open-Publishing

Trois ex-détenus de la base américaine à Cuba sont les héros d’un film coup de poing

de Claire Cousin

Ils parcourent le monde pour donner des interviews mais n’en ont encore jamais parlé avec leur mère. Deux ans et demi de détention à Guantanamo, c’est difficile à aborder en famille. Le réalisateur Michael Winterbottom en a fait un film d’une heure et demie.

Au départ, Ruhel Ahmed, Asif Iqbal et Shafiq Rasul sont une erreur de casting. Jeunes Anglais d’origine pakistanaise vivant à Tipton, près de Birmingham, ils sont quatre, avec Monir, à se rendre au Pakistan fin septembre 2001 pour le mariage d’Asif.

Pris au piège à Kunduz

Lors de leur séjour à Karachi, ils visitent une mosquée. Un imam appelle à la solidarité envers les Afghans menacés par les Américains. Les quatre amis décident d’aller découvrir ce pays inconnu et d’aider les populations civiles. "Nous n’avions même pas vingt ans et nous étions plutôt stupides", reconnaissent-ils aujourd’hui.

Pris au piège des bombes américaines qui s’abattent sur le pays, ils se retrouvent malgré eux à Kunduz, fief taliban. Là, ils perdent la trace de Monir, que personne n’a jamais revu. Finalement capturés par les troupes de l’Alliance du Nord, ils sont entassés dans des conteneurs où Asif manque de mourir. Début 2002, ils sont transférés sur la base américaine de Guantanamo. La deuxième partie du film, la plus intéressante, décrit le quotidien de ces prisonniers fantômes, sans statut légal, sans tribunal et sans avocat.

Tortures en musique

Réduits à l’état de bête, ils subissent jour après jour tabassages, privations et humiliations. "On était enfermés en cage et constamment battus. Mais la réalité est plus dure que ce que montre le film. Si on avait décidé de tout raconter, je crois qu’on ne nous aurait pas crus", explique Shafiq.

L’isolement dans des conteneurs en métal, l’utilisation des positions de stress et la musique à un niveau sonore insupportable sont accompagnés de tortures psychologiques destinées à faire craquer le prisonnier. Tout est bon pour faire avouer le lien présumé à Al-Qaida. La plupart des prisonniers, selon les ex-détenus, n’avaient pas été capturés par les Américains sur le champ de bataille. L’un d’eux avait été accusé par son voisin cynique qui convoitait une parcelle de son champ, raconte Ruhel, évoquant aussi la présence d’un enfant de 10 ans parmi les détenus.

Les "Trois de Tipton" ont entamé des poursuites judiciaires contre le gouvernement américain dans le cadre de l’affaire Rasul contre Rumsfeld. "Au moment de notre libération, les autres hurlaient : ’Racontez ce qui se passe ici. Il faut que le monde sache.’ Tant que Guantanamo ne sera pas fermé, l’affaire ne pourra être classée", insiste Asif. Les trois amis affirment n’avoir pas changé. "La seule chose, précise Ruhel, c’est que, maintenant, on prie. Avant on ne le faisait jamais".

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