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De la violence, de la moralité et de l’éthique des grands dirigeants
Publie le jeudi 14 mai 2009 par Open-Publishingde Laiguillon
Introduction
Les grands patrons ne sont pas à la fête en ce moment. On leur sucre leurs primes, on dévoile leurs retraites, on épie leurs « stock options » et on étale leurs noms sur les manchettes. Ils tentent bien de trouver un peu de consolation auprès de leur famille politique, mais rien n’est gagné.
Habitués à s’en sortir avec un peu de morgue, ils ont bien senti que ce ne sera pas suffisant cette fois-ci.
L’inénarrable Parisot les rassure en leur disant que malgré les gesticulations politiques, leurs avantages ne disparaîtront pas. Cependant elle leur confirme que la situation est vraiment tendue et qu’elle ne peut raisonnablement pas les défendre ouvertement. Le mieux qu’elle puisse faire réside dans l’évitement des coups en prenant comme exemple les sociétés qui ont la décence d’être vraiment en difficultés et de disparaître.
D’un autre coté, notre tsar leur en veut d’être aussi peu discrets et si peu inventifs. Sa marge de manœuvre est mince. Faire les gesticulations habituelles et leurs cortèges de déclarations qui cognent sans aucune réelle action, c’est une technique qui a fait ses preuves. Maintenant, que les faits exposent aussi crûment l’écart entre cette démagogie théâtrale et une réalité jusqu’alors bien discrète, ne peut souffrir une dissimulation supplémentaire. Dès lors, il ne peut pas les défendre non plus.
C’est étrange comme ce ballet me laisse perplexe. Il est de plus en plus évident que certains d’entre eux sont malhonnêtes, pas mal d’entre eux sont incompétents et quelques uns idiots. La probabilité de cumuler ces trois tares parait faible mais pas impossible. En revanche, une quatrième caractéristique de ce type de poste est souvent mise en avant dans les commentaires revanchards et habituels des tireurs sur ambulances de notre paf : la moralité ou l’éthique. Ajoutons à ce tir rangé actuel, les déclarations de bonnes intentions de Parisot, Sarkozy, Fillon et d’autres, j’ai le sentiment sourd que nous basculons dans le grotesque, dans la pantalonnade, comme nous en avons tant l’habitude maintenant. Tous les ingrédients sont réunis pour une bonne dissimulation. Mais laquelle ?
Je vous propose, en restant factuel et objectif (au moins jusqu’à la conclusion. Je vous jure que ce n’est pas facile) de mieux comprendre le fonctionnement des salaires des grands patrons.
Les rémunérations des grands patrons
Il faut entendre patrons des grandes entreprises ou grands groupes français, la plupart cotés au CAC40 ou plus discrètement du SBF120. En général, la rémunération des grands patrons peut se présenter sous six formes (cumulées ou pas) :
Le salaire écrit dans le contrat de travail
Les « stock options » écrites dans le contrat de travail
Les primes exceptionnelles (bonus de bienvenu, bonus de départ, etc...)
Les rémunérations pour leur présence dans les conseils d’administration
Les détournements d’argent quelconques
Les retraites chapeau
Salaires
Très difficile d’obtenir la partie fixe des salaires des grands patrons. Très souvent ces données sont fournies en incluant les parties variables (B et D).
En 2005 il était de l’ordre de 690’000 euros par an, il a pratiquement doublé en 2008. Aux Etats-Unis il était de l’ordre de 2 millions de dollars en 2002 et a aussi progressé. Il reste plus élevé aux Etats-Unis (environ 40% supérieur) et c’est une des raisons de cette augmentation pour les entreprises du CAC40.
L’autre raison, la privatisation. Quand une entreprise est privatisée, les grands patrons demandent à ce que leurs salaires soient alignés sur le privé...
En fait tout est histoire de suivre les plus gros salaires des autres pays.... Quand les salaires des patrons des entreprises plus petites évoluent peu, quand les salaires des cadres stagnent et quand ceux des salariés baissent, il est urgent d’aligner ceux des grands patrons sur le maximum...
Stock Options
Le principe des stocks options n’est pas foncièrement mauvais. Il a été prévu comme une sorte de salaire au mérite. On donne un certain nombre d’actions à un prix fixé à la signature du contrat. Le manager ne touche pas l’argent immédiatement mais au moment où il quittera l’entreprise, ces actions seront revendues aux prix du moment et il touchera ainsi une plus value si l’action a grimpé.
Ouais, ça, c’est la partie apparente. Dans la réalité, une série de tricheries annulent totalement un éventuel intérêt de ce principe. Ces tricheries si elles ne sont pas contractuellement écrites comme telles, sont monnaie courante et passées totalement dans les mœurs. Par exemple :
# Ces actions sont offertes avec un rabais important par rapport au prix présent de l’action, rendant l’opération positive quelque soit l’évolution de l’entreprise sous la direction de ce patron.
# Quand les actions baissent, les conseils d’administration acceptent volontiers de modifier le prix d’exercice des options. Serge Tchuruk, ancien patron d’Alcatel, était un spécialiste de ce sport.
# Les attributions de stock-options sont antidatées pour profiter d’une éventuelle hausse intervenue entre-temps.
# Les managers utilisent des produits dérivés pour garantir leurs gains futurs sur les stock-options.
Ajoutons pour enfoncer le clou qu’aucunes cotisations sociales sont prélevées sur ces gains et qu’elles bénéficient d’une fiscalité très avantageuse (16 % seulement si les actions sont revendues six ans après que les stock-options ont été accordées.)
Primes
En prenant le SBF 120 (les 40 entreprises du CAC40 et 80 entreprises du premier marché), un tiers des rémunérations des grands patrons est contenu dans les « Bonus ». Hormis que les « stock options » ou les actions gratuites font partie des ces bonus, ceux-ci contiennent aussi les bonus de départ (Jean-Marie Messier était un champion dans ce domaine quand il était à la tête de Vivendi Universal).
Dans une grande entreprise, les managers ou les membres des conseils d’administration ne sont pas soumis aux dispositions contenues dans les conventions collectives. En effet, ceux-ci ne sont pas des salariés à proprement parlé mais des « Mandataires Sociaux » (si, si, c’est le terme. Ah, humour noir quand tu nous tiens). A ce titre, ils n’ont pas droit aux allocations chômage habituelles ni aux indemnités de licenciements. Alors on crée de manière régulière, des conventions particulières pour leur garantir un pécule quand ils se font virer ou qu’ils quittent, car ces primes ne sont pas dépendantes des résultats de l’entreprise. Oh, ces primes ne sont que des broutilles, voici quelques exemples récents ou moins :
Jose Luis Duran - Carrefour - Nov2008 : 4.7 Millions d’euros
Alex Miller - Dexia - Oct2008 : 3.7 Millions d’euros
Gerard Le Fur - Sanofi Avantis - Sep2008 : 2.7 Millions d’euros
Patricia Russo - Alcatel - Jui2008 : 6 Millions d’euros
Antoine Zacharrias - Vinci - 2006 : 12.9 Millions d’euros
Etc...
Détournements
De temps en temps des détournements directs mais plus généralement des contournements de la loi (voir plus bas).
Retraites max
Excellente méthode pour « masquer » un revenu de grand dirigeant. Ceux-ci devraient toucher les retraites de la Sécurité sociale et des régimes complémentaires auxquels ils ont cotisé au cours de leur vie de travail.
Mais le plus souvent, pour le compte de leurs dirigeants, les entreprises souscrivent à des retraites dites "sur-complémentaires". Ces retraites se nomment « retraites chapeau ». Chapeau effectivement quand on connait les montants de ces retraites :
Daniel Bernard, ancien PDG de Carrefour, gratifié chaque année de 1,2 million d’euros.
La société Générale a mis 32.93 Millions d’euros pour ces fameuses retraites.
La BNP a mis 28.6 Millions d’euros pour ces retraites.
Conseils d’administration
En plus de leurs fonctions au sein de l’entreprise, ces dirigeants sont le plus souvent un rôle de membre dans un ou plusieurs conseils d’administration d’autres entreprises (certaines fois dans leur propre entreprise, ils sont alors PDG). Ce rôle d’administrateur leur confère un salaire que l’on nomme un « jeton de présence ».
Nous ne parlerons pas, pour ne pas nous faire trop de mal, des rémunérations exceptionnelles allouées pour les missions ou mandats confiés à des administrateurs. Pas plus que nous parlerons du remboursement, autorisé par le conseil d’administration, des frais de voyage et de déplacement et des dépenses engagées par les administrateurs dans l’intérêt de la société.
Pour l’ensemble des entreprises cotées en France, le montant des jetons de présence s’élève en moyenne à 20.000 euros par an par administrateur. Rien de terrible, me direz-vous après les sommes folles que nous avons survolé.
Oui, mais. Pour la société, les jetons de présence ne sont déductibles de l’assiette de l’impôt sur les sociétés que dans la mesure où ils n’excèdent pas 5% du produit obtenu en multipliant la moyenne des rémunérations déductibles attribuées au cours de cet exercice aux 5 ou aux 10 salariés (selon que la société comprend moins ou plus de 200 salariés) les mieux rémunérés de la société par le nombre d’administrateurs en fonction, soit :
Jetons de présence déductibles = 5% x [moyenne des meilleures rémunérations] x [nombre d’administrateurs].
Oui, mais. Sur le plan social, les jetons de présence ne sont pas soumis aux cotisations sociales (à l’exception des jetons de présence versés au président du Conseil d’administration et à un Directeur général).
Oui, mais. Il y a des cadors et ceux-ci cumulent les présences dans différents conseils d’administration.
L’IFA (Institut Français des Administrateurs) a publié un TOP 10 :
Claude Bébéar (BNP Paribas, Vivendi, Schneider Electric et Axa) a ainsi empoché 267.958 euros en 2005.
Antoine Berheim, associé-gérant chez Lazard Frères. Avec la seule vice-présidence du conseil d’administration de LVMH, il s’est vu attribuer 249.528 euros.
Henri Lachmann, président du conseil de surveillance de Schneider Electric. Il pointait en 2005 à 231.875 euros avec des fauteuils aux conseils de Vivendi, Schneider Electric et Axa.
Oui mais. Ces types là, quand ils passent du temps dans les conseils d’administration, ils ne bossent pas pour leur propre entreprise. Ainsi, soit ils passent très peu de temps dans ces conseils (ce dont se plaint l’IFA par exemple) et nous pouvons nous demander si ils méritent leurs places, soit ils y passent beaucoup de temps et ce, au détriment de leur présence au sein de l’entreprise sur laquelle ils devraient se concentrer et sont grassement payer.
Ce qui n’est jamais dit
Historique
Rappelons qu’en 1998, notre cher DSK, ministre socialiste des finances, libéralise le régime des stock-options qui existent en France depuis 1970. Elles vont connaître un développement fulgurant. Déjà ce type avait participé à la libéralisation d’EDF, et est directeur actuel du FMI. Je me demande si ce n’est pas vrai finalement qu’il soit pressenti comme premier ministre. Voilà effectivement un socialiste qui trouverait forcément sa place dans la tribu actuelle.
Le Tsar Sarkozy et sa passion pour le poker menteur
Pendant la campagne présidentielle, Nicolas Sarkozy faisait la promotion des stock-options. Il voulait, disait-il « les étendre à tous les salariés », parce que « ce qui est bon pour les uns doit être bon pour tous ». Aujourd’hui, le gouvernement instruit le procès des stocks options parce que les responsables de la Société Générale ont été maladroits (moi je dirais complètement cons mais ne jouons pas sur les mots).
Dans un récent communiqué, la Société Générale fait savoir que ses mandataires sociaux « s’engagent à renoncer à lever ces stock-options tant que la Société Générale bénéficie d’un appui en fonds propres de l’Etat. ». Aussitôt certains commentateurs de mes deux, en déduisent que le Président de la République a été entendu. En fait, les mandataires sociaux de la Société Générale se sont bien fendu la gueule, tout comme Laurence Parisot qui a joué l’outrée (elle est très forte pour ça). Pourquoi ? en grattant un peu la surface des choses, nous découvrons qu’une « stock option » a trois vies.
1ère vie : La date où l’option est attribuée. L’entreprise s’engage alors à offrir à son PDG, un nombre donné d’actions à une date ultérieure que le salarié choisira lui-même, à un prix fixé au départ.
2ème vie : La date est celle où l’option est levée, au moins quatre ans plus tard, si l’entreprise et le salarié veulent bénéficier de tous les avantages fiscaux prévus en faveur des stock-options.
3ème vie : La date où l’action est cédée sur le marché, après un délai de portage d’au moins deux ans, afin de payer un impôt le plus bas possible sur la seconde plus value réalisée entre la deuxième et la troisième vie.
Il est peu probable que dans quatre ans, la Société Générale doive encore un centime à L’Etat, elle a donc fait un pied de nez au Chef de l’Etat. Ils ne se sont engagés qu’à attendre des jours meilleurs.
Nicolas Sarkozy déclare, dans son habit de vengeur masqué, qu’il souhaite un partage de la valeur ajoutée des entreprises plus favorable aux salaires. Ce qu’il sait mais qu’il ne dit pas est qu’il est très avantageux, pour une entreprise, de reverser des profits aux salariés plutôt que d’augmenter leurs salaires, car les profits ainsi distribués n’acquittent pas les cotisations sociales. Les bénéficiaires ont ainsi l’illusion d’y gagner. Or le déficit de la Sécurité sociale se creuse. On le montre alors du doigt pour justifier une réduction des dépenses, c’est-à-dire une moindre protection sociale.
Quand les stocks options font plonger la sécu
2007 : Recommandation du Medef et de l’Afep. Les deux organisations recommandent de négocier dès leur embauche les fameux parachutes dorés, les indemnités de départ des chefs d’entreprise.
La Cour des comptes dénonce les niches sociales. Elle souligne en particulier l’ampleur du manque à gagner pour la Sécurité sociale lié aux stock-options : "sur la base d’une valorisation des stock-options distribuées en 2005 à 8 569 millions d’euros, la perte de recettes peut être estimée à 3 246 millions".
2008 : Nouveau code de conduite du Medef et de l’Afep : Ce énième code demande notamment aux entreprises de ne pas verser de parachute doré en cas d’échec du dirigeant, de supprimer les rabais accordés jusque-là lors de l’attribution de stock-option et d’interdire les instruments de couverture desdites options. Un mécanisme qui permettait aux dirigeants de garantir leurs gains futurs sur les stock-options, vidant ainsi le dispositif de son sens. L’accès aux fonds du plan de soutien aux banques françaises adopté à l’automne dernier est conditionné à l’adoption de ces recommandations.
2009 : Toujours pas de cotisations sociales pour les stock-options. La loi de financement de la Sécurité sociale pour 2009 prévoit que les parachutes dorés de plus de 1 million d’euros seront soumis à cotisations sociales dès le premier euro, mais les parlementaires ont refusé, à la demande du gouvernement, de soumettre les stock-options et les actions gratuites à une cotisation sociale minimale de 2 %...
Ils sont membres des conseils d’administration entre eux et entre potes, on se sert les coudes
Cela avait été dénoncé il y a quelques années maintenant. Il faut savoir que dans un conseil d’administration, il y a quatre groupes ou comités : le comité d’audit, le comité de stratégie, le comité de rémunération et le comité de nomination.
Le plus intéressant est évidemment dans notre cas, le comité de rémunération. Ils débattent, entre autres, du salaire des dirigeants et plus particulièrement du directeur. Le fait est que si je suis dans le comité de rémunération d’une entreprise et que je suis conciliant, il y a de fortes chances que l’on soit conciliant dans mon conseil d’administration concernant mes rémunérations de directeur.
Si de plus, j’y retrouve les mêmes personnes, alors c’est Byzance.
Membres croisés ou pas, il s’exerce une sorte de loi clanique dans les conseils d’administration. En effet, on ne sait jamais ce que l’avenir nous réserve et il est préférable de ne pas jouer les rabat-joie. Ainsi, les entreprises présentes dans l’indice du Cac 40 en 2005 ont au total distribué 21.245.668 euros à 453 administrateurs. C’est une moyenne de 45.886 euros par mandataire social. "C’est moitié moins qu’aux Etats-Unis et 50% inférieur à ce qui se pratique chez la plupart de nos voisins européens", indique Daniel Lebègue, le président de l’Ifa, l’Institut français des administrateurs.
Entreprise la plus généreuse avec ses mandataires sociaux, le groupe de luxe LVMH, qui avec 1.148.042 euros pour 17 administrateurs verse en moyenne à chacun d’entre eux 67.531 euros.
Axa a pour sa part alloué 1.000.000 d’euros à des mandataires. Cela représente en moyenne 58.823 euros. C’est moins que L’Oréal (64.000 euros en moyenne) et Vivendi (64.053 euros en moyenne).
Les entreprises ayant alloué le moins d’argent pour la rémunération de leurs administrateurs en 2005 sont EDF (97.304 euros), Michelin (140.500 euros), Essilor (206.642 euros), Carrefour (285.000 euros) et les AGF (285.907 euros).
G20 ou tour de passe-passe No 1
Quelques remarques qui apportent une dimension supplémentaire :
La Chine a signé une convention bilatérale contre le blanchiment mais avec un amusant renvoi de note : « Excluant les zones administratives spéciales qui se sont engagées à appliquer les normes fiscales internationales ». Et voilà comment Hong Kong et Macao sont anonymement exclus de la liste blanche, sans entrer toutefois dans la liste grise. Le paradis, c’est « ailleurs ».
Israël, qui figura jusqu’en 2003 parmi les pays blanchisseurs d’argent sale, n’est plus nulle part lui non plus : ni blanc, ni gris, ni noir.
Le Royaume Uni figure dans la liste blanche, bien que la City soit le premier centre offshore du monde ; et que les riches étrangers établis à Londres bénéficient d’une exonération fiscale totale de leurs revenus.
Paradis fiscaux et tour de passe-passe No 2
Le sandwich Néerlandais ou l’une des martingales qui rendent la liste noir, blanche et grise de G20 comme une gentille plaisanterie.
Etape 1
La fiscalité de Zoug oblige à payer l’impôt sur les dividendes et revenus assimilés tels que les bénéfices, par une taxe de 30% prélevée à la source par le fisc.
Etape 2
Création d’un super-holding à Curaçao détenant un compte en banque localement mais n’ayant aucune activité commerciale.
Etape 3
Cette société de Curaçao créé un holding néerlandais (donc UE) lui même propriétaire de la société suisse enregistrée à Zoug.
La société zougoise fait apparaitre des bénéfices et devrait donc en toute logique payer 30% d’impôt à la source sur les dividendes. Cependant, la Suisse a signé un accord de double imposition avec les Pays-Bas évitant au contribuable la ponction de 30%, celui-ci étant censé payer ses impôts au Pays-Bas, il rapatrie donc en franchise ses bénéfices vers les Pays-Bas : pas d’impôt coté suisse.
Mais le bénéficiaire est une société de Curaçao, dépendance antillaise des Pays-Bas, avec laquelle ce pays a autre accord de défiscalisation. Vous pourrez donc en toute légalité vous faire payer vos bénéfices dans ce pays à un taux d’imposition de paradis fiscal : entre 0% et 5% maximum, au lieu des 30% initiaux. Il s’agit là de faire jouer les accords sur la double imposition.
Ce système dit du “sandwich néerlandais” est très difficilement à dénoncer. C’est en effet la “route” fiscale des grandes compagnies pétrolières installées à Curaçao, centre pétrolier international, aux Pays-Bas (Rotterdam autre grand pétrolier) et Zoug, une destination appréciée des compagnies pétrolières...et pour cause. Vous pourriez faire le même type de montage avec Hong Kong et la Belgique par exemple.
Oh oui, soyons un peu fourbes
Emaillons ce discours de quelques possibilités bien scandaleuses et pour ce faire, partons des trois exemples récents : Société Générale, Valéo et Dexia.
Société Générale
Daniel Bouton - Il va toucher une retraite de près d’un million d’euros par an. Ce montant regrouperait à la fois les pensions attribuées au titre de mandataire social et le "régime sur-complémentaire de retraite ».
Ce type est un gros nul :
la sous-évaluation des positions de la Société Générale dans l’immobilier américain ayant conduit à la perte de 2 milliards d’euros dans la crise immobilière des sub-primes.
la responsabilité des manquements du contrôle des risques de la Société Générale dans une affaire de délit d’initié Amber Fund de 2003, due à une filiale située aux îles Cayman appartenant au département proche de celui de Kerviel « Dérivés Actions », affaire sanctionnée avec indulgence par l’AMF fin janvier 2008 pour avoir « méconnu des règles de bonne conduite et les conditions de surveillance et le contrôle des transactions sur les valeurs inscrites sur sa liste de surveillance. »
la responsabilité des manquements du contrôle des risques de la Société Générale dans la prise de position frauduleuse dite Kerviel sur cinquante milliard d’euros et la gestion perdante de celle-ci ayant conduit à une perte de cinq milliards, une sanction inégale de la ligne hiérarchique dont Philippe Citerne, grand banquier écarté puis finalement mis à la retraite ce 30 avril 2009 et la nomination d’un jeune collègue de l’ENA, Fréderic Oudéa, au poste de directeur général.
plus récemment, le 17 février 2009, la Société Générale a dû s’engager par accord particulier avec New York State Banking Department et la Federal Reserve Bank de New York à prendre diverses mesures pour une meilleure application des réglementations fédérales et de l’Etat de New York en matière de lutte contre le blanchiment, de suivi des transactions bancaires, de communication d’activités suspectes et de suivi des clients.
la Société Générale s’est illustrée ces dernières années par un réel dynamisme d’affaires mais aussi par sa proximité facile de certains dirigeants de performance ou d’intégrité contestables comme J.M. Messier, S. Tchuruk (administrateur de Total depuis vingt ans !), Lakshmi Mittal ou Patricia Russo comme du soutien apporté à l’un de ses actionnaires administrateurs Anthony Wyand, président d’AVIVA France, groupe condamné en appel en 2008 pour complicité d’abus de confiance dans le dossier de l’AFER.
le résultat final de cette gestion se retrouve dans le cours du titre Société Générale, qui à 28 euros le 18 mars 2009, se retrouve sur dix ans parmi les moins bien classées des valeurs financières à un niveau très inférieur à son cours d’origine et au CAC40.
Ce type est un malhonnête :
La seule renonciation par Daniel Bouton à six mois de salaire fixe, soit 600 000 euros et son apothéose comme président non exécutif ont constitué les seules sanctions de sa gestion pour 2007. Certains observent que ses opérations d’achat ou de vente de titres de sa propre banque entre le 21 février et le 6 octobre 2008 lui ont permis ainsi, selon les documents de l’Autorité des Marchés Financiers, une plus-value d’environ 1,8 million d’euros, mais ceci était prévu et valorisé dans une rémunération annuelle évaluée de l’ordre 5M€ pour 2006, que nous avons toujours qualifiée d’abusive... Accepter courant 2008 la dotation de 70 000 stock-options conditionnelles au cœur de la crise et au plus bas des cours ne procède évidemment pas d’un sens aigu de l’équité ou de la décence.
Bizarre, vous avez dit bizarre ?
Les autres dirigeants de la Société Générale sont :
Frederic Oudea PDG, Severin Cabannes Dir. Délégué, Didier Alix Dir. Délégué, Philippe Citerne Dir. Délégué
Je ne comprends pas que : Une filiale de la Société Générale, la Société Générale Marocaine des banques fait des bénéfices records (résultats disponibles sur le site de la filiale) alors que la filiale centrale française n’est pas en bonne posture et a reçu de l’aide du gouvernement.
Je ne comprends pas que : Didier Alix est administrateur de Yves Rocher, Daniel Bouton est administrateur de Total, Veolia et Vivendi Universal et Severin Cabannes est au conseil d’administration de Steria, de Fiditalia et de Komercni Banka.
Je ne comprends pas que : Dans le conseil d’administration de la Société Générale, nous trouvons Patrick Ricard qui est à la tête de Pernod Ricard et que dans le conseil d’administration de Pernod Ricard, nous trouvons Nicole Bouton, femme de Daniel Bouton.
Valéo
Thierry Morin - Départ avec 3,2 millions d’euros quand, dans le même temps, le groupe prévoit 1600 suppressions de postes et enregistre une perte de 208 millions d’euros en 2008.
Voici les statuts concernant le salaire de Thierry Morin en 2007 :
« L’indemnité de départ forfaitaire susceptible d’être versée au Président : cette indemnité est égale à trois fois le montant de sa dernière rémunération annuelle (hors prime). Le Conseil d’administration de la Société du 20 mars 2008 a, sur proposition du Comité des Nominations et des Rémunérations du 19 mars 2008, conditionné le versement des sommes sus-visées susceptibles d’être versées à Thierry Morin au moment de son départ, à la constatation par le Conseil d’administration de la réalisation des critères de performance suivants :
• le paiement au moins une fois sur les trois dernières années de tout ou partie de la prime exceptionnelle sur objectif ;
• la réalisation d’un résultat de la période positif pour le dernier exercice clôturé ;
• l’atteinte d’une marge opérationnelle au cours du dernier exercice clôturé supérieure à 3 % ;
• l’atteinte d’une marge brute au cours du dernier exercice clôturé supérieure à 15 % ;
• la réalisation d’un ratio de prises de commandes rapportées au chiffre d’affaires supérieur à 1 en moyenne sur les deux exercices antérieurs.
La somme globale susceptible d’être perçue par Thierry Morin au moment de son départ de la
Société ou postérieurement à celui-ci pourrait être réduite selon le barème ci-dessous :
• si 4 ou 5 critères atteints : Thierry Morin percevra 100 % des sommes prévues en cas de départ ;
• si 3 critères sont atteints : Thierry Morin percevra 70 % des sommes prévues en cas de départ ;
• si 2 critères sont atteints : Thierry Morin percevra 40 % des sommes prévues en cas de départ ;
• si < 2 critères atteints : Thierry Morin percevra 0 % des sommes prévues en cas de départ. »
Et voici, le 20 Mars 2009, comment se règle son départ :
Le Conseil d’administration du 20 mars 2009 a pris acte de la démission de Monsieur Thierry Morin de ses fonctions de Président Directeur-Général et d’administrateur de Valeo, ainsi que ... Après avis du Comité des Nominations, des Rémunérations et de la Gouvernance, le Conseil d’administration, en accord avec Monsieur Thierry Morin, a décidé de mettre fin au mandat de Président Directeur-Général de Monsieur Thierry Morin aux conditions suivantes :
• Versement à titre d’indemnité de départ à l’occasion de ce départ contraint d’une somme forfaitaire égale à deux ans de rémunération, soit 3.261.405,33 euros brut, correspondant à la moyenne des rémunérations fixe et variable perçues par Monsieur Thierry Morin au titre de son mandat social lors des trois derniers exercices clos précédant son départ. Après avis du Comité des Nominations, des Rémunérations et de la Gouvernance, le Conseil d’administration a constaté que seuls trois des cinq critères de performances fixés par décision du Conseil d’administration du 20 mars 2008 et approuvés par l’assemblée générale du 20 juin 2008 étaient remplis, ce qui conduisait à abattre le montant de l’indemnité de départ d’un montant de 30%. Néanmoins, le Conseil d’administration a décidé que le critère fondé sur le résultat (part du Groupe) pour l’exercice 2008 aurait été rempli en l’absence des provisions exceptionnelles correspondant à une décision approuvée par le Conseil d’administration avant la fin de l’exercice 2008 et a décidé en conséquence, pour tenir compte de cet élément exceptionnel, de ne pas pratiquer cet abattement. Le Conseil d’administration a décidé que l’indemnité de départ serait versée le 23 mars 2009.
Dommage que la même clémence n’est pas été accordée aux 5000 personnes licenciées dont 1600 en France.
Dexia
Pierre Mariani - Dexia aurait versé 8 millions d’euros de bonus à ses cadres dirigeants français en 2008. Au bord de la faillite, la banque, sauvée fin septembre grâce à l’injection de 6,4 milliards d’euros par les Etats français et belge ainsi que par la Caisse des dépôts (CDC), est en train de supprimer 900 postes dont 250 en France. Le nouveau patron de la banque, Pierre Mariani, « s’est octroyé un salaire fixe en hausse de 30% » par rapport à son prédécesseur Axel Miller, selon le rapport annuel de la banque publié lundi. L’ancien dirigeant de l’entreprise, Axel Miller, a pour sa part reçu une indemnité de départ de 825 000 euros après avoir annoncé fin septembre, sous la pression du gouvernement français, qu’il ne demanderait aucun dédommagement à la suite de sa démission, selon le rapport annuel.
Disponible sur le site de Dexia, voici les statuts :
L’assemblée générale de Dexia a décidé en 2006 d’attribuer aux administrateurs, pour l’exercice de leurs mandats, un montant annuel global maximum de rémunération de EUR 1 300 000. L’assemblée a également conféré au conseil d’administration les pouvoirs afin de déterminer les modalités pratiques de cette rémunération et de son attribution. Lors de sa réunion du 29 janvier 2009, le conseil d’administration a décidé d’attribuer à chaque administrateur un montant annuel fixe de EUR 10.000 (= EUR 2.500 par trimestre), et des jetons de présence (la rémunération variable) de EUR 2.000 par réunion du conseil d’administration ou d’un des comités spécialisés. Pour les administrateurs qui n’auraient pas exercé leur mandat sur une année complète, cette rémunération fixe est réduite au prorata du nombre de trimestres au cours desquels ils ont effectivement exercé leur mandat.
Ok, bon. Puis en regardant les membres du conseil d’administration, plus particulièrement ceux du comité de rémunération, nous trouvons :
Jean-Luc Dehaene : Homme politique exerçant des fonctions gouvernementales au niveau fédéral et parlementaires au niveau européen ; Président du Collège d’Europe ; Administrateur de plusieurs sociétés cotées (Inbev, Umicore, Trombogenics) ; Vice-Président de la Convention Européenne. Président du conseil d’administration de Dexia Crédit Local, Vice-Président du conseil d’administration de Dexia Banque Belgique et Administrateur de Dexia BIL.
Augustin de Romanet de Beaune : Administrateur de CDC Entreprises, Icade, Accor, Véolia Environnement. Membre du conseil de surveillance de CNP Assurances, Société Nationale Immobilière (Président)
Denis Kessler : Président de SCOR Global Life US Re Insurance Company, SCOR Reinsurance Company, SCOR US Corporation, SCOR Global Life (ex SCOR Vie), SCOR Global P&C, SCOR Italia Riassicurazioni, SCOR Holding (Switzerland) AG. Administrateur de BNP Paribas, Bolloré Investissement S.A., Dassault Aviation, Cogedim, Invesco Plc, SCOR Canada Reinsurance Company.
Donc ceux qui ont accordé ces parachutes dorés sont ceux qui ont prêté l’argent quand tout allait mal (CDC = Caisse Dépots et Consignations), des parlementaires Européens et des administrateurs professionnels hors la loi selon l’IFA. Ok...
L’actionnariat devenu vampirisation
Je ne suis pas fan du capitalisme, mais depuis longtemps je ne comprends pas comment il est possible de laisser des capitaux repartir à l’étranger pas le biais des actionnaires. L’actionnariat, sans doute suis-je un doux rêveur, ce devrait être l’action d’acheter un petit bout d’une société dans laquelle on croit, pour laquelle on aspire au mieux, pour qu’elle puisse exprimer le plus parfaitement ce qu’elle sait faire. L’actionnariat devrait être réservé en premier jet, aux employés et n’avoir aucune influence sur le salaire. Il devrait être réservé à des gens dont l’intérêt (au bon sens du terme) pour la société est clairement identifié et compréhensible. Non seulement il devrait être décidé par le conseil d’administration (voilà le rôle de fond du conseil d’administration, rôle qui a disparu depuis longtemps) mais il devrait de plus être réservé aux nationaux. Ce n’est pas du nationalisme mais une simple question de logique que n’ont plus les entrepreneurs sagouins aujourd’hui. Si une entreprise capote aujourd’hui, ce sont des gens au chômage, ce sont des sous-traitants qui déposent le bilan, ce sont une succession de conséquences qui influent négativement sur le social, l’entreprenariat et les finances d’un pays et qui finissent obligatoirement par retomber directement ou indirectement sur les autres entreprises du pays. Mais dans la danse actuelle des vues à court ou très court terme, ce genre de considérations passe à la trappe, sans pour autant ne pas être avéré. En autorisant des actionnaires étrangers, qui plus est, des ogres financiers qui n’ont comme intérêt que l’entreprise prospère que celui des plus-values sur les actions, comment est-il possible d’attendre d’eux des considérations sociétales ? Comment encore s’étonner que le licenciement des salariés ressuscite leur confiance et que les actions montent ?
Ne s’agit-il pas simplement de bon sens ?
Conclusion
Maintenant que j’ai tenté de rester factuel, objectif et calme, cette simple visite dans le monde féérique des salaires des grands patrons m’a tout de même donné la nausée. Le manque de moralité et d’éthique ne vient pas seulement de quelques personnages odieux mais il est écrit dans les règles même de ce système. Comment leur demander d’être honnête dans un univers qui ne possède pas une once d’honnêteté ? Ce n’est pas de brûler quelques vilains méchants en place publique qui changera quoique ce soit.
Quand j’entends que les salaires des sportifs sont aussi écœurants que ceux des grands patrons, je m’énerve. Si les sportifs gagnent un pognon insensé et injustifiable, il y a tout de même une différence de taille : les sportifs ne sont pas à la tête d’une entreprise qui représente le socle de vie de centaines de salariés. Cette différence rend ce genre de comparaison totalement inutile et nauséeuse.
Quand j’entends les déclarations du Tsar, de Parisot ou de tous les autres tristes sires, je bous littéralement. Ils savent que ces déclarations de bonnes intentions ne sont que poudre aux yeux. Leurs protégés se sucrent depuis la nuit des temps et cette crise ne fait qu’aiguiser un peu plus leurs dents et les obligent simplement à devenir plus malins.
Quand je sais que les entrepreneurs et les artisans continuent à écouter religieusement le MEDEF ou le gouvernement et qu’ils continuent de penser que ceux-ci défendent leurs intérêts alors qu’ils n’en sont que les alibis, j’ai envie de secouer ce qui leur reste de cervelle pour qu’ils se réveillent.
Et puis j’entends que des types dont l’échéance avant de sombrer dans la précarité se mesure en jours ou au mieux en semaines, finissent par basculer dans le fait-divers en séquestrant des dirigeants, faute de choix, faute de perspectives, faute de promesses. Mais rapidement j’entends les chiens de garde qui font le jeu médiatique du nain, nous parler de transgression de la loi, d’attitudes inexcusables et d’atteinte à un droit fondamental : la liberté.
Et bien, parlons-en de cette liberté si chère aux partisans du libéralisme.
Il s’agit de la liberté, écrite dans les statuts des grandes entreprises, de se mettre autant de fric qu’ils le souhaitent dans leurs poches déjà pleines.
Il s’agit de la liberté de se supporter les uns et les autres dans des grands messes appelées conseils d’administrations, dans lesquels ils s’octroient mutuellement des avantages hallucinants qui ne sont plus liés depuis longtemps à leurs compétences.
Il s’agit de la liberté de ces grandes sociétés de mettre en pratique la théorie des vases communicants et de transférer des masses considérables d’argent qui ne seront jamais imposés.
Il s’agit de la liberté pour les vingt plus grandes nations de nous jouer, et sans prendre le soin de la bien jouer, la scène du vengeur masqué.
Il s’agit de la liberté de permettre d’augmenter les impôts de ces gens qui seront bientôt à la rue, mais de permettre que l’argent pompé frauduleusement sur leur dos ne soit pas soumis à cet impôt.
La liberté enfin que tout cet argent évaporé finisse par tuer la sécurité sociale, ce dernier bastion de la solidarité qui les gêne tant dans leurs malversations et qui ne sera du coup même plus une bouée viable pour leurs victimes.
Mais si tout cela n’est pas de la violence, dites-moi où elle est la violence, bordel !!!
Je vous laisse ou je risque de devenir désagréable...