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Des mots creux

Publie le vendredi 6 mai 2005 par Open-Publishing
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Le gouvernement a fait afficher sur de grands panneaux publicitaires quelques articles choisis de la Constitution de Giscard pour, prétend-il, nous la faire comprendre. La vedette est tenue par l’article 3 : « L’Union a pour but de promouvoir la paix, ses valeurs et le bien-être de ses peuples ». La Constitution parle de « promouvoir » le bien-être des peuples mais pas de l’assurer... car elle serait bien en peine de tenir cette promesse.

L’article 91, relatif aux conditions de travail, est également affiché. Il dit que : « Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité. » Il n’est pas besoin de sortir des frontières de l’Hexagone pour constater ce que signifient ces mots pour nos gouvernants. Les maladies professionnelles en inflation, du fait des rythmes de travail, les victimes de l’amiante qui ne parviennent pas à faire reconnaître la responsabilité de leurs employeurs, les cas de harcèlement moral de plus en plus nombreux, voilà en ce qui concerne la « santé », la « sécurité » et la « dignité » des travailleurs de ce pays. Voilà le modèle « social » dont Chirac est si fier. Comme en outre il y est précisé que les énoncés s’appliquent « dans les cas et conditions prévus (...) par les législations et les pratiques nationales », cela signifie que cette Constitution ne prévoit aucune amélioration, pour aucun travailleur, dans aucun des 25 pays, car nous dire que les lois en vigueur dans chaque pays continueront à s’appliquer, c’est parler pour ne rien dire.

Dans cette même partie de la Constitution, on peut lire : « Les travailleurs ou leurs représentants doivent se voir garantir, aux niveaux appropriés, une information et une consultation en temps utile » (article 87). On peut difficilement faire plus vague et moins contraignant pour les patrons. Un ouvrier à qui on dit le vendredi en fin de poste que c’est inutile de revenir lundi, un comité d’entreprise à qui on annonce la fermeture de l’usine, des travailleurs à qui on impose que les samedis soient travaillés... seront prévenus « en temps utile et au niveau approprié ». Grand bien leur fasse !

Ou bien : « Tout travailleur a droit à une protection contre tout licenciement injustifié » (article 90). Les millions de licenciements collectifs qui ont frappé les travailleurs ces vingt dernières années ont toujours été « justifiés » par tous les patrons et au regard de la loi qui est faite pour eux, comme cette Constitution. Belle avancée, là encore.

Cette Constitution s’engage malgré tout sur un point et précise que : « Nul ne peut être tenu en esclavage ni en servitude. » On l’a échappé belle.

Messages

  • Précisement, la Constitution NE s’engage PAS sur la question du travail forcé et de l’esclavage. En effet, les limitation posées à la portée de la Charte la rendent quasiment sans effet : dans un rapport (comparant la "constitution" avec les traités antérieurs : http://www.senat.fr/rap/rapport_constitution/rapport_constitution_mono.html#toc24 ) , le Sénat précise en effet que : "Il convient toutefois de noter le soin mis par la Conférence intergouvernementale à préciser, au sein des deux paragraphes, que la Charte ne saurait être interprétée de manière à permettre une extension des compétences de l’Union européenne. Les mentions « dans le respect des limites des compétences de l’Union » (paragraphe 1) et « n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au delà des compétences de l’Union » (paragraphe 2), ont été ajoutées à cet effet. Concrètement, ce n’est pas parce que la Charte interdit les traitements dégradant ou le travail forcé que l’Union est ipso jure habilitée à légiférer sur ces sujets. Cette double précision ne fait cependant que rappeler ce qui avait été décidé dès l’origine, comme le confirment les explications annexées à la Charte dans sa version initiale."