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Des pierre contre des fusils

Publie le samedi 15 janvier 2011 par Open-Publishing
9 commentaires

Ainsi donc trente jours de manifestations, d’émeutes, et d’affrontement avec les forces de l’ordre peuvent mettre fin à un régime autoritaire qui dure depuis plus de vingt ans et qui aurait eu les moyens matériels de massacrer encore plus de monde. Dont acte. Les victoires révolutionnaires ne sont jamais seulement ni même essentiellement des victoires militaires. Il est des situations où les fusils ne l’emportent pas contre des pierres.

Et maintenant dans toutes les bouches ici et là : la liberté, la démocratie, des élections. De fait, des élections sont déjà prévues. Démocratie, élections... Lesquelles ? Réponse : Celles qui permettent à des Bush - ou même des Obama, des Berlusconi, ou des Sarkozy d’être élus - tous millionnaires, tous liés aux milieux d’affaires. La liberté ? Celle qui permet en France et ailleurs de qualifier de terrorisme ce qui ne file pas droit pour justifier un régime répressif anti-terroriste et ses mesures dites d’exception. Celle qui organise des rafles et des arrestations massives d’étrangers. Celle encore qui réactive des mesures coloniales pour instaurer des couvre-feux pendant les émeutes de 2005 afin de contenir le feu des banlieues. Qui mesure le "moral des ménages" à une propension à la consommation.

Quant à celle qui ne tire pas sur ses manifestants, qu’on ne s’y trompe pas. Plus le pouvoir politique est fort, plus il est libéral, permissif. Tant que les manifestations ici ne constituent pas une menace réelle, les matraques et les flashball font bien l’affaire.

L’opération est lisible sinon risible. Tout l’évènement tunisien rabattu sur ça : une victoire de la démocratie. Tous les désirs hétérogènes des insurgés tunisiens écrasés sur ce triste désir : le désir de démocratie - qu’ils puissent enfin choisir ceux qui les dirigent, ceux qui foulent aux pieds leurs intérêts comme disait l’autre. Comme pour conjurer la peur des puissants : la plèbe qui brave la police et l’armée, la répression et les couvre-feux, la mort et la violence, en un mot le soulèvement populaire peut faire tomber des gouvernements ; la nouvelle est inquiétante pour beaucoup. Et pour calmer les insurgés : que l’ordre revienne puisque des élections viennent.‎

Mais du régime purement autoritaire mêlé de captation mafieuse des richesses économiques par le clan au pouvoir, aux formes plus subtiles de légitimation du pouvoir par les élections et d’appropriation des richesses dans la démocratie, il n’y a pas à capituler - même s’il n’y a pas identité.

Ce qui prend forme en ce moment en Tunisie comme ailleurs n’est pas platement ce qu’en dira la langue du pouvoir. En Tunisie a parlé la langue de l’insurrection qui couve toujours, de l’opposition finalement violente au pouvoir répressif. Et les langues se sont déliées. Les multiples gestes de résistances qui faisaient le quotidien se sont soudainement agrégés. Des solidarités se sont tissées. Alors viennent la révolte et l’émeute. Ce qui prend forme déjà c’est un espace commun de rage, de gestes et de paroles, de partage – et de pleurs aussi. Espace vivant où s’exprime le désir d’autres mondes et où finalement ces autres mondes s’affirment et viennent à exister. Lignes vivantes où s’éprouvent une certaine forme de puissance collective. « Le monde s’est inversé en joie » a-t-on pu lire.

Que cette joie puisse conduire à autre chose qu’à la gestion démocratique, la preuve est faite.

Face au vide du pouvoir et contre la peur de ce vide. Tout commence ici et maintenant.

http://ledesertdureel.over-blog.com/article-des-pierres-contre-les-fusils-65066883.html

Messages

  • quel délire, que savez vous de ce qui se passe en tunisie ?
    que savez vous de qui tient la tunisie ?

  • PUTAIN !!!

    VOUS QUI UTILISEZ VINGT FOIS PAR JOUR LE TERME DE ’’ DEMOCRATIE ’’ DITES NOUS UNE BONNE FOIS CE QUE CELA SIGNIFIE VRAIMENT AU SENS HUMAIN ....ON A VRAIMENT HATE D’ENTENDRE VOS EXPLICATIONS ?
    CESSEZ D’UTILISER DES MOTS VIDES , Y A BASTA , MAIS VRAIMENT A PRESENT !

    ATTERRISSEZ ET FAITES NOUS EN PROFITER , ON NE DEMANDE QUE CELA !

    • Là, je ne partage pas ton avis.
      Si on n’est pas d’accord avec ce texte, alors il faut le critiquer.
      L’expression est peut-être parfois alambiquée mais il y a du vrai et de bonnes questions :

      Est-il inexact de dire que l’antienne : Démocratie !Démocratie ! va être reprise parce qu’ils n’ont pas le choix par tous les ex-suppôts de Ben Ali, en Tunisie comme ici ?

      Est-il malvenu de s’intéresser au sens galvaudé du mot démocratie : parce que le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, bien entendu, on ne l’a pas vu souvent et lorsqu’on a cru le voir, il s’est révélé éphémère.

      Alors, bien entendu, il y a des degrés dans l’oppression et la "démocratie" hexagonale est préférable à la dictature d’un Ben Ali ou, en tous cas, elle est moins douloureuse (physiquement).

      Pour la Tunisie, la grande inquiétude serait liée à la vacance du pouvoir .
      Je ne crois pas trop à cette vacance du pouvoir : Quand les chars sont aux coins de rue et les hélicos dans le ciel, quand des policiers en civil parcourent la ville en 4/4 en tirant en tous sens, quand il y a plus de pillages et d’incendie maintenant que durant les semaines précédentes, il n’est pas interdit d’imaginer que pour la classe dominante, il était devenu nécessaire de faire sauter le bouchon de la bouteille, mais qu’il faut maintenant s’employer à garder le contenu.

      Alors, le peuple tunisien va devoir rejeter les leurres et sa lutte ne fait que commencer.

      Face au vide du pouvoir et contre la peur de ce vide. Tout commence ici et maintenant.

      Face au vide du pouvoir

      , encore une fois, je doute ...

      contre la peur de ce vide

      , un peu anar, ça, non ? :-)

    • à propos de pierres contre des fusils
      20 Israéliens ont été évacués clandestinement de Tunisie dans la nuit de samedi à dimanche, a révélé la dixième chaine de télévision israélienne.
      L’opération s’est faite en collaboration avec un pays tierce s’est contenté de signaler la télévision israélienne, sans préciser les raisons de cette évacuation ni celles de leur présence en Tunisie.

    • et quelques milliers également de ressortissants de divers pays sont évacués.

      en soi la sortie discrète de 20 israéliens n’a aucun sens.

      il faudrait d’autres types d’infos pour donner un sens à cela

    • Vide du pouvoir.
      Voir :
      http://www.liberation.fr/monde/01012314106-en-plein-chaos-tunis-se-cherche-un-pouvoir

      Monde 17/01/2011 à 00h00
      En plein chaos, Tunis se cherche un pouvoir
      Analyse

      Alors que l’armée et la police luttent contre les milices fidèles à Ben Ali, le Premier ministre tente de former un gouvernement avec l’opposition.

      Par Christophe AYAD
      Pendant qu’une lutte sauvage fait rage entre organes de sécurité à Tunis, une course contre la montre est engagée pour combler le vide du pouvoir au sommet de l’Etat tunisien. L’armée et la police, loyales aux nouvelles autorités, se sont battues hier dans les rues du centre de Tunis et

  • Vers l’auto defense des masses :

    EN DIRECT. Tunis toujours sous haute tension

    16.01.2011, 07h41 | Mise à jour : 09h49

    En Tunisie, au lendemain du départ de l’ex-président Ben Ali, réfugié en Arabie saoudite, un neveu de Leïla Ben Ali, Imed Trabelsi, a succombé à une blessure à l’arme blanche à l’hôpital militaire de Tunis.
    Les nouveaux dirigeants tentent de reprendre le contrôle de la situation et les habitants essaient de s’organiser en comité de défense pour éviter les pillages. Les consultations sur les réformes politiques à mener ont démarré samedi soir. Des élections devront être organisées dans les deux mois.

    .....

    09h30 : un millier d’étudiants ont manifesté à Sanaa, capitale du Yémen, appelant les peuples arabes à se soulever contre leurs dirigeants à l’instar des Tunisiens. Les étudiants sont sortis du campus de l’Université de Sanaa et se sont dirigés vers l’ambassade de Tunisie, accompagnés par des militants des droits de l’homme. « Tunis de la liberté, Sanaa te salue mille fois », scandaient les étudiants, qui répétaient également des slogans appelant les peuples arabes à « la révolution contre les dirigeants menteurs et apeurés ».

    09h20 : l’envoyé spécial du Parisien et du Parisien.fr, Timothée Boutry, témoigne de la tension persistante à Tunis ce dimanche matin. Le centre-ville est « totalement désert, bouclé et quadrillé par les forces de l’ordre. Tout le monde est contrôlé en permanence ». Concernant les exactions, « on a des témoignages épars de troubles dans les faubourgs, mais on peut difficilement en mesurer l’ampleur. Ce qui est sûr, c’est qu’on a encore entendu des tirs nocturnes et qu’un hélicoptère a tourné toute la nuit ».

    09h10 : une habitante de Tunis barricadée chez elle témoigne d’exactions sur RTL : « c’est atroce, on n’a pas dormi de la nuit. C’est un cauchemar, tous les quartiers sont touchés », explique-t-elle, avant de lancer un « appel de détresse ».
    ........

    08h30 : le neveu de l’ancien couple présidentiel, Imed Trabelsi, dont le meurtre a été annoncé dans la nuit à Tunis, avait été poursuivi sans succès en France pour « vols en bande organisée » pour s’être approprié le yacht de l’un des dirigeants de la Banque Lazard. En mai 2007, la justice française avait émis un mandat d’arrêt à son encontre, mais la justice de son pays avait refusé de l’extrader.

    08 heures : l’envoyé spécial de France Info à Tunis témoigne d’une « nuit de paranoïa » pour les habitants : « ça a été une nuit blanche, on a entendu des coups de feu tout près. Des centaines de jeunes du quartier se sont relayés pour faire barrage aux pilleurs et aux milices. Nous avons passé une nuit de paranoïa et de désolation. », explique-t-il, barricadé chez une famille tunisienne de la périphérie de la ville.

    07h30 : le père du photographe français Lucas Mebrouk, 32 ans, grièvement blessé vendredi à la tête par un tir de grenade lacrymogène au cours d’une manifestation à Tunis, fait part sur RTL de son pessimisme concernant la santé de son fils. Son pronostic vital est engagé. Actuellement à Tanger (Maroc), il tente de rejoindre Tunis.

    07h30 : le porte-parole du Parti communiste des ouvriers de Tunisie, Hamma Hamammi, libéré vendredi, rejette le président par intérim du pays, Fouad Mebazaa. « Nous considérons que la démocratie ne peut pas naître des institutions de la dictature qui a gouverné la Tunisie par une main de fer pendant plus de 50 ans, dont 23 avec Ben Ali. Aucune force ne peut parler au nom de ce peuple qui s’est révolté », explique-t-il sur RFI.

    07 heures : même si le retour de plusieurs milliers de Français est annoncé pour ce dimanche, rien n’est simple pour eux, témoigne sur leparisien.fr l’épouse d’un Français coincé sur place. « Il est scandaleux de constater le désespérant silence du gouvernement français à ses ressortissants Français sur le territoire tunisien. Des milliers d’entre eux veulent quitter le pays et même si l’espace aérien est rouvert et le trafic à peu près rétabli, aucune information ni consigne n’est transmise de la part du consulat ni via internet ni par téléphone ! Lamentable ! Comment rejoindre un aéroport lorsqu’il faut se présenter 2 heures avant au guichet pendant un couvre feu ? Quelle protection pour rejoindre l’aéroport ? »

    ...

    02 heures : le principal syndicat tunisien, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a appelé sur la télévision nationale à la formation de comités de vigiles « pour que les gens puissent se défendre eux-mêmes »...

    http://www.leparisien.fr/crise-tunisie/en-direct-tunis-toujours-sous-haute-tension-16-01-2011-1229407.php

    • 07h30 : le porte-parole du Parti communiste des ouvriers de Tunisie, Hamma Hamammi, libéré vendredi, rejette le président par intérim du pays, Fouad Mebazaa. « Nous considérons que la démocratie ne peut pas naître des institutions de la dictature qui a gouverné la Tunisie par une main de fer pendant plus de 50 ans, dont 23 avec Ben Ali. Aucune force ne peut parler au nom de ce peuple qui s’est révolté », explique-t-il sur RFI.

      bravo

  • Deux textes pour éprouver ce qui se joue en Tunisie

    http://www.liberation.fr/monde/01012313490-c-est-la-revolution-des-enfants-de-la-balle

    et La force de la désobéissance
    par Sadri Khiari, dimanche 9 janvier 2011, 22:28

    http://www.facebook.com/note.php?note_id=125603414172925&id=616305740&ref=mf

    Depuis de nombreuses années, je lis. Je lis tout ce qui s’écrit sur la situation politique en Tunisie. Presque tout, pour être franc.

    J’ai lu des analyses sur l’économie tunisienne qui marche ou qui marche pas, qui « marche mais » ou qui « marche pas mais ».

    J’ai lu des articles sur l’omnipotence des services de polices, sur les atteintes aux libertés, la répression, la prison, la torture et l’action des défenseurs des droits humains.

    J’ai lu des articles sur la corruption aux sommets de l’État, des informations rigoureuses, des rumeurs ou de simples ragots sur le népotisme mafieux des « familles ».

    J’ai lu des papiers sur l’influence américaine, le soutien français, l’appui européen, les connexions avec Israël.

    J’ai lu de lourdes études sur la nature de l’État et du système politique tunisiens, sur l’existence ou non d’une « société civile », sur l’existence ou non d’une « opinion publique ».

    J’ai lu des essais d’anthropologie de l’autorité, des essais de déconstruction des dispositifs de pouvoir les plus microscopiques, des analyses du discours, des recherches culturalistes explorant l’âme tunisienne depuis un siècle ou deux afin d’y déceler les raisons de Ben Ali.

    Qu’est-ce qu’il manque ?

    Le peuple.

    Le peuple qui désobéit. Le peuple qui résiste dans l’obscurité de la vie quotidienne. Le peuple qui lorsqu’on l’oublie trop longtemps se rappelle au monde et jaillit dans l’histoire sans prévenir.

    Si j’ai appris quelque chose de la lutte des esclaves noirs américains sur laquelle j’ai un peu travaillé, c’est qu’il n’y a pas de servitude volontaire. Il n’y a que l’attente impatiente que s’érode la mécanique d’oppression. Il n’y a que la tension au jour le jour, minute après minute, pour bousculer l’oppresseur. On y voit de loin d’insupportables compromissions et celles-ci existent sans nul doute, car il faut bien survivre, mais s’y mêlent presque toujours l’indiscipline, la rébellion, des résistances moléculaires qui se condensent et explosent à la vue de tous au moment venu. A l’opacité du pouvoir despotique répond l’opacité des résistances ; les formes honteuses d’allégeance et de clientélisation cheminent en parallèle à la construction de solidarités populaires ; les technologies de contrôle et de discipline se doublent de dispositifs d’esquive, de camouflage, d’évasion et de transgression qui perturbent l’ordre établi.

    Il n’y a pas d’oppression sans résistance. Il n’y a que le temps qui s’étire plus ou moins lentement avant que surgisse, inattendu – ou perdu de vue –, l’héroïsme collectif d’un peuple.

    Fasse que le despote se casse !

    Sadri Khiari, 9 janvier 2011