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Drogués de sécurité

Publie le mercredi 26 septembre 2007 par Open-Publishing
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de Nichi Vendola traduit de l’italien par Karl&Rosa

Dans les sables mouvants de l’insécurité perçue – qui est une chose différente des données matérielles de l’insécurité réelle – on est en train de jouer une partie de grande importance concernant la politique, la culture diffuse, les formes de la cohabitation dans une société de plus en plus complexe et de plus en plus inquiète.

Les laveurs de pare-brises sont des « héros de notre époque », une petite humanité que la globalisation balance aux bord de nos trottoirs : à l’ombre de nos suspicieux feux rouges, armés de seau et d’éponge, ils portent atteinte à notre tranquillité bourgeoise. La guerre aux laveurs de pare-brises ressemble trop à tous les phénomènes de criminalisation des pauvres qui ont accompagné les époques de transition : à l’aube de la modernité européenne la mendicité et le vagabondage furent poursuivis comme des crimes. Chacun peut inventer sa propre idée d’insécurité, son fantasme, son bouc émissaire : avec la précaution de ne pas s’arrêter sur ce qui est le plus dangereux, mais sur ce qui dérange le plus. La tranquillité, justement, et l’esthétique, et le sentiment de l’ordre.

Le laveur de pare-brises mérite plus d’acharnement criminologique que le grand pollueur, le pyromane, l’usurier. Le tagueur salit plus que n’importe quel promoteur. Les clandestins sont tous aux aguets sur nos paliers. Et les gitans, de toute façon, « volent » nos enfants et peu importe si leurs enfants peuvent être inquiétés par les petits Ku Klux Klan de la Ligue ou brûler vifs dans nos pauvres banlieues.

Quand on renonce à toute analyse différenciée de phénomènes distincts et particuliers tels que la criminalité, la déviance et le malaise social, on s’engage dans une impasse. Qui non seulement nous détourne des valeurs de la gauche, mais des valeurs minimales de la culture libéral démocrate. Et l’obsession de la gouvernabilité se cabre dans la perspective d’un nouveau bloc d’ordre : tel semble être le tournant que les maires de Florence et de Bologne proposent au Parti Démocrate naissant. Il s’agit d’une véritable fascination pour le « surveiller et punir », assumé comme antidote darwinien à sa propre crise, c’est-à-dire à la crise de ce « réformisme rouge » qui sut faire du gouvernement des villes un laboratoire collectif de civilisation.

L’idéologie sécuritaire poursuit la mort de la politique (la politique entendue comme auto éducation et solidarité) et habille comme une gaine élastique l’Italie du bas-ventre, des rancoeurs corporatistes et des phobies ; elle poursuit la droite le long des ravins des simplifications superstitieuses, prédispose le terrain pour la construction de tant d’apartheid dissimulés. Elle n’amène pas plus de sécurité, elle offre une drogue puissante qui nous fait oublier nos banales et prosaïques insécurités quotidiennes : celle de 5 morts au travail chaque jour, celle de la précarité qui rebondit du marché du travail au marché de la vie, celle de banlieues dégradées et dégradantes, celle d’une télé poubelle qui a remplacé toutes les agences de formation, celle des mafias financières internationales qui d’Internet précipitent en Calabre ou dans la mégalopole napolitaine ou dans les campagnes des Pouilles habitées par d’anciens esclaves et de modernes contremaîtres.

La légalité est le contraire des poursuites et des états d’ « urgence », tu ne peux pas la pétrir avec la farine du diable en pensant obtenir un bon pain. Si ces pensées me rendent inapte aux fonctions de gouvernement [L’auteur, membre du Parti de la Refondation Communiste, est le président de la Région des Pouilles, NdT], cela n’est pas grave. En tant que « radical » de la nouvelle gauche je voudrais exprimer surtout le sentiment de l’inviolabilité de la vie et de la dignité de chaque être humain.

http://www.ilmanifesto.it/Quotidian...

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