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En Allemagne, l’opposition aux réformes sociales s’amplifie

Publie le mardi 10 août 2004 par Open-Publishing

de Georges Marion

Des militants utilisent le symbole des "manifestations du lundi" de 1989.

Etre confronté à un mouvement de protestation sociale n’est jamais facile pour un gouvernement. Mais lorsque ce mouvement mobilise à son profit un symbole fort, l’affaire peut se révéler encore plus délicate. Le gouvernement allemand risque de l’apprendre à ses dépens avec les manifestations qui ont commencé lundi 9 août et que lui promettent, chaque lundi suivant, les opposants à sa politique de réformes sociales.

Les "manifestations du lundi" avaient été lancées en septembre 1989, à Leipzig, dans l’ancienne République démocratique allemande (RDA), par le mouvement des citoyens opposés au régime du parti unique. Rassemblés d’abord pour une prière dans la Nicholaikirche, au centre de la ville, les petits groupes initiaux s’étaient ensuite répandus dans Leipzig.

Quelques lundis plus tard, ils étaient des centaines de milliers défilant sur les boulevards entourant la ville, criant le célèbre slogan "Nous sommes le peuple !". La crise de régime liée à la répétition hebdomadaire d’une manifestation devenue emblématique avait produit un profond effet de résonance dans tout le pays. Reprises dans plusieurs villes de RDA, les "manifs du lundi" avaient amplement contribué à la mobilisation de ses citoyens et à la chute du régime.

C’est cette même idée qu’ont reprise, pour lutter contre la politique de Gerhard Schröder, d’anciens militants de 1989 associés à des syndicalistes, des mouvements alternatifs, des groupements de chômeurs et... des responsables du PDS, parti néocommuniste héritier du SED, l’ancien parti unique contre lequel défilaient les manifestants d’alors. Tous entendent se mobiliser contre la mise en place du nouveau régime réglant l’indemnisation des chômeurs de longue durée. Appelées, dans le jargon parlementaire, "Hartz IV" (du nom de l’auteur de l’idée, dont c’est le quatrième volet), les nouvelles mesures prévoient tout à la fois de réduire la durée du paiement des prestations de chômage de longue durée, d’en réduire le montant et d’en durcir les conditions d’attribution. Adopté par le Parlement il y a quelques semaines, avec l’appui de l’opposition chrétienne-démocrate, "Hartz IV" touche particulièrement l’Est de l’Allemagne où le taux de chômage avoisine les 20 %, contre moins de la moitié dans l’Ouest du pays.

Les nouvelles "manifs du lundi", après quelques essais modestes les semaines précédentes, ont réuni, le 9 août, quelque 10 000 personnes à Leipzig, en Saxe. Succès inégalé depuis 1989, 15 000 autres ont défilé à Magdebourg, dans la capitale du Land de Saxe-Anhalt. Selon la police, 3 000 personnes criant le célèbre slogan "Nous sommes le peuple !" ont manifesté à Halle et autant à Dessau ; un peu moins ont défilé à Gera et à Jena (Thuringe).

Seuls quelques dizaines de manifestants sont descendus dans la rue à Berlin et à Rostock ; autant à Cologne et à Hambourg. Mais à en juger par la polémique qu’il a suscitée, chacun est conscient que le mouvement pourrait rapidement faire tache d’huile.

Georges Marion

Oskar Lafontaine veut "un autre chancelier"

Alors que le mouvement social s’amplifie contre les réformes de Gerhard Schröder et que divers courants agitent l’idée de créer un nouveau parti de gauche, positionné entre les sociaux-démocrates du SPD et les néocommunistes du PDS, Oskar Lafontaine, ancien président du SPD, lance, dans la dernière livraison de l’hebdomadaire Der Spiegel, une violente diatribe contre M. Schröder. "Je veux un autre chancelier : cela ne fonctionne plus avec Schröder", affirme celui qui, en 1999, déjà en désaccord avec la politique financière et sociale du chancelier, avait rendu son tablier de ministre des finances et démissionné de toutes ses autres fonctions. "La question est simple, poursuit Oskar Lafontaine : voulons-nous continuer avec la politique qui a produit le plus fort chômage depuis la guerre, le plus fort endettement de l’Etat, une perte massive de militants et d’électeurs ? Ou voulons-nous changer de politique ?" Les déclarations de M. Lafontaine ont provoqué une profonde émotion à la direction du SPD, où des voix ont suggéré qu’il quitte le parti. - (Corresp.)

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