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Etats-Unis : le système bancaire est en faillite.

Publie le vendredi 17 avril 2009 par Open-Publishing
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Le programme de l’administration Obama destiné à traiter la fragilité du système bancaire est basé sur deux grandes mesures.

Tout d’abord, le gouvernement a mis en place le plan Geithner et Summers qui consiste à racheter auprès des banques les titres adossés aux actifs subprimes. Ce plan de rachat concerne les titres négociables qui représentent moins de 40 % des actifs inscrits au bilan des banques.

Il ne traite pas des autres 60 % du bilan des banques américaines, correspondant à des prêts qui ne sont pas soumis à la règle de la valorisation aux cours du marché. En outre, la mise en oeuvre de ce programme nécessitera six mois. Ce plan a suscité les critiques d’analystes à la réputation établie, dont Paul Krugman. Comme le souligne Krugman dans sa chronique du New York Times, ce plan est la troisième mouture de mesures du même type déjà utilisées par le passé et qui consistent à essayer de soutenir la valeur des actifs toxiques. Ce plan répond à la définition que donnait Einstein de la folie : continuer à faire la même chose, en espérant un résultat différent.

Jeff Sachs (FT, le 23 Mars), Joseph Stiglitz (NYT, le 1er avril) et Peyton Young (FT, le 1er avril) ont également fait part de leurs préoccupations, craignant que ce plan ne conduise à nationaliser les pertes et à privatiser les profits.

La deuxième partie du programme de l’administration Obama consiste en ces désormais fameux « tests de stress » auxquels sont soumis les plus grandes banques du pays.

Les autres mesures du plan Geithner sont le programme de rachat des prêts géré par la FDIC, l’achat de titres du Trésor relevant du PPIP [1], l’élargissement du progamme TALF [2], et les diverses mesures visant à réduire les taux du marché hypothécaire pour les prêts éligibles pour le refinancement des GSE.

Nous estimons que l’administration Obama est dans un état de déni en ce qui concerne les problèmes du système financier.

Les pertes dans le système bancaire ne sont pas un « inconnu inconnu » [3].

Comme indiqué ci-dessous, les calculs des tests de stress peuvent être effectués par tout analyste informé, et les pertes sont connues avec un degré raisonnable à l’aide d’estimations. Le test de stress est tout simplement un écran de fumée visant à retarder l’inévitable moment où l’administration devra faire face aux graves problèmes du système bancaire, qui sont parfaitement connus.

Comme avec la crise des subprimes, nous constatons une réticence collective à examiner et analyser l’information disponible et observons la manifestation d’une timidité face à d’évidents problèmes. La publication trimestrielle de la FDIC [4] sur la situation des banques fournit la première vue synthétique des résultats financiers pour l’ensemble des institutions qui sont garanties par la FDIC. Une lecture attentive du bilan du système bancaire au 31 décembre 2008 montre que le capital Tier 1 [5] est de 1 296 milliards de dollars, dont seulement 1000 milliards correspondent à un capital tangible, tandis que le reste de cette catégorie 1 relève d’actifs incorporels dont le « good will » [6].

Les crédits accordés s’élèvent à 7 873 milliards de dollars. Le rapport informe également que le Ratio de Couverture de Réserve (montant des réserves par rapport aux crédits en retard de paiement) a baissé de plus de 220 % en 2005 à un peu moins de 80 % en 2008. En outre, à ce stade, les réserves pour pertes sur les prêts par rapport à l’encours moyen des prêts accordés sont d’un peu plus de 2 %. Les économistes de Goldman Sachs ont récemment estimé que les banques valorisaient leurs prêts hypothécaires à environ 91 cents du dollar [7].

Un test de stress des bilans bancaires qui se voudrait charitable retiendrait les hypothèses prudentes que voici : augmentation du pourcentage de crédits défaillants à 8 %, soit le niveau observé durant de la récession des années 1991-1992, et préservation d’un modeste taux de couverture par rapport aux pertes de 100 %. Sans entrer dans les détails sanglants de mes calculs, le déficit du capital de type Tier 1 s’élève à 753 milliards de dollars en retenant ces hypothèses très bienveillantes. 630 milliards de dollars (soit 8 %) de prêts non performants représentent une estimation très bénigne. McKinsey, ainsi que d’autres, comme Goldman Sachs, ont calculé que les banques américaines pourraient détenir actuellement plus de 2000 milliards d’actifs douteux [8].

Dans son nouveau Rapport Mondial sur la Stabilité Financière, le FMI devrait chiffrer les pertes potentielles sur les actifs adossés aux crédits émis aux Etats-Unis et qui sont détenus par les banques et les autres établissements financiers à 2800 milliards de dollars. Une estimation prudente, tablant sur un taux de défaillance des crédits comparable à celui observé durant la récession de 1982, avec un taux de couverture de 200 %, amène à chiffrer un déficit en capital supérieur à 1500 milliards de dollars.

Le système bancaire est gravement sous-capitalisé, et de nombreuses banques sont insolvables.

Il est clair qu’un système bancaire consolidé nécessiterait beaucoup plus de capitaux et une solide réserve pour pertes sur l’activité de crédit, venant s’ajouter aux fonds propres. Jusqu’à ce que 1000 milliards au moins d’actifs douteux soient constatés et que le système bancaire soit recapitalisé, l’activité du crédit restera limitée.

Dans ce contexte, il reste incompréhensible que l’administration Obama se contente de bricoler à la marge avec des programmes visant à enrichir Wall Street. Geithner et Summers doivent prendre les problèmes du système bancaire à bras-le-corps.

Michael Pomerleano.

Notes :

[1] Plan de Partenariat Public Privé, visant à financer l’achat par des établissements privés des actifs toxiques détenus par les banques.

[2] Term Asset-Backed Securities Loan Facility : programme de la Fed permettant d’obtenir des lignes de crédit en échange de la mise en dépôt de créances privées. En clair, une forme de Mont-de-Piété, où les détenteurs d’actifs peu ou pas vendables obtiennent de l’argent frais en mettant en gage un bien à la valeur incertaine.

[3] Allusion à une formule célèbre de Donald Rumsfeld au sujet des soi-disant armes de destructions massives de l’Irak. Le Secrétaire à la Défense Donald Rumsfeld avait classé les risques en quatre types, dont les inconnus inconnus, c’est-à-dire ceux dont non seulement la nature mais aussi l’existence n’avaient pas été décelés par les services de renseignement US.

[4] Organisme public garantissant les déposants des banques commerciales.

[5] Les banques empruntent ou reçoivent des dépôts et investissent avec ces sommes. Le capital propre de l’établissement est là pour garantir qu’en cas d’investissements hasardeux, les créanciers et les déposants pourront retrouver leurs apports. Les règles dites « prudentielles » qui imposent aux banques de conserver des réserves propres évaluent celles-ci selon des critères plus ou moins restrictifs. La catégorie Tier 1, définie par les accords de Bâle, est la plus exigeante de ces définitions des fonds propres.

[6] Le « good will », ou survaleur, est la différence entre la valeur liquidative d’une entreprise et la valorisation du capital apporté. Cette notion comptable estime la valeur immatérielle du savoir faire de l’organisation.

[7] Showdown Seen Between Banks and Regulators, NYT, April 10, 2009

[8] A better way to fix the banks (The McKinsey Quarterly February 2009 Lowell Bryan and Toos Daruvala

Article original en langue anglaise :

http://blogs.ft.com/economistsforum/2009/04/geithner-and-summers-need-to-address-the-banking-problems-square-on/

Traduction en langue française :

http://contreinfo.info/article.php3?id_article=2655

Messages

  • L’économie est mourante, mais à force de liftings, liposuccions, botox et autres hormones de croissance, cette antique péripatéticienne que sont les marchés boursiers est en train de subir un relooking extrême aux frais du contribuable et des générations à venir, ce qui ralentit néanmoins l’exode des clients à court terme. Il est hélas à craindre que, tel Michael Jackson, cette chirurgie esthétique finira en amas de lambeaux peu ragoûtants.