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Eva Joly : « Nicolas Sarkozy détruit les contre-pouvoirs »
Publie le dimanche 27 juin 2010 par Open-Publishing6 commentaires
Par Pascal Riché
L’ancienne juge d’instruction qualifie les procureurs de l’affaire Bettencourt-Woerth de « serviteurs personnels du Président ».
« Ces écoutes révèlent une fraude fiscale immense et un abus de faiblesse. Où est l’enquête ? » Eva Joly, députée européenne, ancienne juge aux affaires financières, n’entend pas lâcher l’affaire Bettencourt-Woerth, un « énorme scandale », répète-t-elle. Alors que Florence Woerth, l’épouse du ministre Eric Woerth, menace de poursuivre l’eurodéputée en diffamation, celle-ci continue d’assener ses accusations. Avec, dans sa mire, les procureurs de Paris et de Nanterre, qu’elle accuse d’être aux ordres de l’Elysée.
A peine s’est-elle attablée, souriante, ce vendredi dans ce café du boulevard Montparnasse, qu’elle évoque la « révélation » du jour : selon l’hebdomadaire Marianne, l’enquête préliminaire dans l’affaire Bettencourt avait déjà déterminé des fraudes fiscales, mais le parquet avait alors « oublié » de prévenir le fisc (ce que le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, a démenti plus tard vendredi, indiquant qu’il avait bien alerté le ministère du Budget, alors dirigé par le même Eric Woerth) ou d’ouvrir une enquête.
Pour l’ancienne juge, du fait de leur mode de nomination politique -sur décision présidentielle et parfois même contre l’avis du Conseil supérieur de la magistrature, comme ce fut le cas dans le cas de Courroye- les procureurs ne font pas sérieusement leur travail. Elle accuse :
« Le procureur de Nanterre ou le procureur de Paris [Jean-Claude Marin, ndlr] ne font pas leur boulot, qui est d’appliquer la loi, de faire en sorte que les crimes et délits portés à leur connaissance fassent l’objet d’enquêtes et de renvois devant le tribunal pour être jugés. Ils confondent leur rôle avec celui de serviteurs personnels du président de la République, ce qui est évidemment gravissime. Et ça tient à leur nomination. »
Tout en parlant, elle sort de son sac un énorme code pénal et l’ouvre à la page de l’article 223-15-3, sur l’abus de faiblesse. « Les procureurs, dit-elle, ont obligation de protéger les faibles, c’est leur devoir ». Dans l’affaire Bettencourt, personne n’a mis sous tutelle ou curatelle la milliardaire, comme le demande sa fille.
La défense de Florence Woerth « ne tient pas »
Pour Eva Joly, la défense de Florence Woerth est intenable. La fraude fiscale, d’abord, est selon elle manifeste, chacun peut s’en convaincre : « Il y a des gens qui, en France, savent faire des règle de trois. » Elle étaye :
« La fortune de Liliane Bettencourt est de plus de 16 milliards d’euros. Nous savons, de par une déclaration de Liliane Bettencourt elle même -alors faite pour nous impressionner-, qu’elle a payé 400 millions d’euros au fisc en dix ans.
Faites le calcul : si elle avait placé sa fortune à la Poste, sans être trop gourmande, elle aurait touché chaque année 3%, soit 480 millions d’euros par an. Sur ce gain, elle aurait payé 40% d’impôt, donc 192 millions par an ! Soit quatre fois plus que ce qu’elle annonce avoir versé ! »
Deuxième partie de la démonstration de l’ancienne juge, le rôle de Florence Woerth dans la société Clymène, qui gère l’argent de Bettencourt, première fortune de France :
« Cette structure employait six personnes, dont deux secrétaires. Qui gère les dossiers ? Ni les secrétaires, ni le comptable, ni le directeur administratif… Reste deux personnes. Florence Woerth et une autre. On n’imagine pas un ruban rouge qui aurait divisé la table entre les deux, ce n’est pas crédible.
Mais acceptons qu’elle soit de bonne foi. Acceptons qu’elle n’ait jamais eu recours à des procédés illégaux. Cela veut dire que ce qu’elle a fait, c’est de la défiscalisation à outrance, légale certes, mais quand même… Elle a été employée à plein temps pour dépouiller l’Etat de recettes fiscales… »
« Climat de peur » dans la justice et les médias
Selon Eva Joly, cette affaire est symptomatique de l’aggravation des dysfonctionnements institutionnels français qui se sont, dit-elle, aggravés sous la présidence de Nicolas Sarkozy :
« Un ami m’a dit récemment : sur l’affaire Woerth, tu as raison, mais
n’oublie pas qu’en France le pouvoir, même quand il a tort, finit par
avoir raison.Ce qui est nouveau, c’est l’arrogance avec laquelle ces affaires se passent aujourd’hui : on voit par exemple dans l’affaire de l’attentat de Karachi un groupe de député UMP dire ouvertement que le juge Trévidic devrait abandonner la piste des rétro-commissions pour la piste d’Al Qaeda ! Sans vergogne ! »
La juge évoque notamment un nouveau « climat de peur », dans l’institution judiciaire comme dans les médias. Elle dénonce, dans ce pays où le Parlement ne pèse pas bien lourd, la « destruction organisée » des autres contre-pouvoirs, « pris l’un après l’autre » : médias, humoristes, juges, « jusqu’à la Halde… ».
Elle ne désespère pourtant pas. Finalement, les institutions fonctionnent : même si le procureur n’a pas déclenché d’enquête, la fille de Liliane Bettencourt a pu saisir directement une juge de Nanterre, Isabelle Prévost-Desprez, présidente de la 15e chambre, et l’affaire sera jugée :
« Aujourd’hui, l’opinion se rend compte de tous ces dysfonctionnements. Le pouvoir n’arrive plus à les masquer. L’information finit par émerger, sur des sites Internet, sur des médias courageux. Et les citoyens se rendent compte qu’on se moque d’eux. »
« Je ferai la différence si je peux, mais je ne me bagarrerai pas »
Si Nicolas Sarkozy est réélu, prophétise-t-elle avec un sourire triste, « il continuera à s’attaquer aux contre-pouvoirs et ira jusqu’au bout. Il commencera par la réforme de la procédure pénale et la suppression du juge d’instruction », qui est pour elle le dernier rempart contre la corruption du système politique français.
Eva Joly rechigne à parler de ses propres ambitions pour 2012. Elle se borne a
reconnaître qu’elle se tient prête :« J’en parlais avec Cécile [Duflot, ndlr] hier et, authentiquement, nous pensons que c’est trop tôt. Nous ne savons pas à quoi va ressembler le monde dans deux ans. Mais si les circonstances sont là, si je peux faire un travail collectif, et si c’est vrai que je peux faire la différence, alors oui je le ferai. Mais je ne me bagarrerai pas pour cela, je ne pense pas que ce soit un grand bonheur. »
Eva Joly a le sentiment que l’opinion se réveille, que la mobilisation populaire se renforce, et que l’alternance est désormais en vue, tant le fossé entre la population et le pouvoir est devenu grand :
« La révolution est devant nous… Bon, révolution, le mot est peut-être
trop fort. Mais regardez : jeudi il y avait deux millions de personnes
dans les rues ! Et pendant ce temps, le Président, pour qui la crise
c’est le football, recevait Thierry Henry. Quel est l’apport de Thierry
Henry pour résoudre nos problèmes ? »http://www.rue89.com/2010/06/26/eva-joly-nicolas-sarkozy-detruit-les-contre-pouvoirs-156487
Messages
1. EVA NOUS OUVRE LES YEUX SUR SARKOFACHO, 27 juin 2010, 12:18
Je suis inquiet : après le mépris, le coté mafieux, ne va-t-on pas assister à l’envoi de la troupe contre les (quelques) opposants véritables (j’exclus strauss khann, la folle du poitou, la famille delors et vals les bains...)
2. mieux que la révolution ; l’intégrité morale, 27 juin 2010, 23:23
Martin luther king a obtenu des changements car il avait une rigueur morale
En dehors de se faire assassiner tu peux énumérer les "changements" qui ont eu lieu grâce à lui ???
Ah oui, il y a eu "enfin" un Président noir qui fait une politique pire, (si c’est possible), ou égale, à celle du gros porc blanc qui était à la Présidence avant lui.
Quant aux doits "civiques" des noirs et des non-whites, à part que ceux-ci représentent 80% de la population carcérale, 70% des populations de "pauvres" et de sans travail des Etats-Unis, tu as vu une avancée quelque part ?
Sans compter un pourcentage égal d’autant de pauvres cons de couleur qui se font trouer la paillasse sur les théâtres d’opération extérieure des guerres coloniales des USA pour échapper aux ghettos, à la pauvreté ou "gagner" une "green card" leur donnant droit à mourir Citoyens des Etats-Unis. Et qui asassinent de plus malheureux qu’eux.
Si ça c’est un progrès, il peuvent se le garder et c’est pas la peine de faire assassiner quelqu’un, aussi intègre soit-il, pour en arriver là.
Alors, OK, : Martin Luther King avait une "Grande rigueur morale" mais en dehors de ça il n’a RIEN obtenu que les autres n’aient largué pour masquer les saloperies qu’ils ont faites depuis.
Comme dans la blague : Il n’y a plus de "Noir" et de "Blancs". Plus que des "Bleus".
Les "Bleus clair" continuent à avoir tout ; pour les "Bleus marine" c’est pire qu’avant.
J’aime beaucoup rêver. Mais uniquement dans mon lit. Dès que je sort dans la rue je me rend compte que c’est pas bon pour ceux qui n’ont que ce lieu pour vivre. Et qui ont vite fait la différence entre ce qu’on raconte aux gens bien au chaud, et ce qu’ils vivent tous les jours au concret.
Eux ils ont largement compris qu’entre ce qu’on croit être et ce qui est nécessaire pour survivre, y a un monde... Et que l’"intégrité" c’est bien beau quand on n’a besoin de rien sinon d’idéal, mais que pour bouffer un minimum quand on n’a rien faut se battre et PRENDRE à ceux qui ont tout sous peine de mort rapide et douloureuse.
G.L.
3. mieux que la révolution ; l’intégrité morale, 28 juin 2010, 10:17
Un exemple, on ne peut pas être pour la justice sociale si on fraude le fisc, si on fait du travail au noir
;
Putain de putain t’en es la ?
parce que mettre dans le même sac une bettencourt qui fraude le fisc avec son complice woerth ,pour s’enrichir encore plus ,et un prolo que doit bosser au noir pour NOURRIR ses enfants ,poussé à la misére par les wooerth et bettencourt ,putain c’est de la connerie crasse.
oui je fais fort mais prendre des victimes pour des truands,c’est ignoble et ça pue la connerie.
Jean valjean tu connais ?
rigueur morale oui à commencer par ne pas insulter les misérables !!
4. mieux que la révolution ; l’intégrité morale, 28 juin 2010, 16:03
si on veut faire avancer l’humanité dans le bon sens, il faut être intègre, sinon tu peux pas défendre ta cause, l’adversaire aura des arguments
merci du conseil gratuit
mais pour l’instant face à notre voisin prédateur, la morale n’est pas de mise, on préfèrerait des armes équivalentes aux envahisseurs cela rétablirait bigrement l’équilibre
face notre morale et nos plainte quasi quotidiennes à l’onu ( pas très intègre c’est vrai ) pour violation de notre espace aérien : rien ,nada
mais bon argument au pays des bisounours peut être
5. mieux que la révolution ; l’intégrité morale, 28 juin 2010, 20:34, par Copas
Che Guevarra fut aussi assassiné , ce n’est pas un argument...
Che Guevarra aussi était un homme intègre.
Tes arguments n’en sont pas .
On pourrait parler de Gandhi et d’une des plus puissantes armées du tiers monde qui fut le fruit de sa victoire.
Les choses ne sont pas celles que l’on pense forcement. Du moins il faut démontrer les choses, pas forcement se laisser aller à des assertions peu ... intègres.
La question de la violence ne vient jamais de la révolution, ni d’une voie réputée plus pacifique (comme des élections) mais de l’attitude d’une petite classe dominante qui n’a aucune des inhibitions des peuples.
La source de la violence est dans la classe dominante et ce n’est pas le choix ,dans 150% des cas, soit des "honnêtes" démocrates, soit des révolutionnaires bien rouges.
l’idéal est de faire une révolution pacifique mais avec un gros gourdin en réserve, ça aide.
De la même façon que ce n’est pas avec des mots d’amour qu’on a repoussé les nazis mais en leur cassant la gueule.