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Fidel, Chavez et les Farc

Publie le jeudi 21 août 2008 par Open-Publishing
13 commentaires

Les réserves exprimées par Fidel Castro vis-à-vis des FARC dans son article intitulé la Paix Romaine ont suscité un vif débat au sein de la gauche critique. Chavez est allé bien plus loin en admonestant la guérilla colombienne de façon contondante et en déclarant sans ambages que la lutte armée avait vécu.

Fidel propose une analyse nuancée là où Hugo Chavez use d’un ton péremptoire et hautain. Fidel se proclame pour la paix : « j’ai dit clairement que nous étions partisans de la paix en Colombie. Mais nous ne sommes pas en faveur de l’intervention militaire étrangère ni de la politique de force que les Etats-Unis prétendent imposer coûte que coûte, quel que soit le prix que doive payer le peuple colombien qui a déjà tant souffert ». Entre le faible et le fort, il n’existe pas de paix équitable mais un rapport de force implacable. Dans une relation asymétrique, il n’est pas possible que le faible impose la paix au fort qui s’y refuse. Fidel condamne les méthodes de rétention pratiquées par les FARC qu’il qualifie de « cruelle » sans pour autant leurs enjoindre de déposer les armes. Il développe assurément un argumentaire fouillé et digne d’intérêt. Ceci dit, sa critique a servi à la contre-insurrection à dénigrer et isoler encore plus la guérilla. Sans présumer de la pertinence des propos souvent éclairés de Fidel, la publication de ses réflexions est sans aucun doute inopportune. Ses conseils avisés ont plus servi les intérêts de l’oligarchie que les guérilleros. Il aurait été plus inspiré d’adresser sa note à la direction des FARC par un canal diplomatique.

Les déclarations d’Hugo Chavez sont d’un tout autre ordre. Lui qui réclamait il y a peu la reconnaissance du statut de belligérant pour les FARC déclare ni plus ni moins la mort de la guérilla : « la guérilla relève de l’histoire ancienne » ; « un mouvement de guérilleros armés n’a plus sa place dans l’Amérique latine d’aujourd’hui ». Les FARC ont répondu qu’ils poursuivront la lutte tant que les raisons constitutives de la guérilla perdureront. Chavez a même reçu dans la foulée le narco-paramilitaire Alvaro Uribe avec fraternité : "Il sera reçu comme toujours, comme un frère et un ami. Nous nous sommes dit des choses dures. Cela arrive entre frères (...) mais c’est du passé et espérons que cela le soit pour toujours".

Ce sont les plus forts qui imposent le choix des armes aux plus faibles. C’est la répression indistincte de la bourgeoisie qui a donné naissance à un front de résistance armé et c’est les méthodes criminelles de l’oligarchie qui obligent le peuple à prendre le maquis. S’il existait des espaces d’expression politique en Colombie et que les syndicalistes pouvaient revendiquer des droits sociaux sans danger de mort, une autre option pourrait être envisagée. Le mot d’ordre impérieux d’Hugo Chavez n’a pas force de loi universelle et ne s’ajuste aucunement au cadre historique colombien. La violence y est depuis des décennies une stratégie de domination politique et économique de l’oligarchie.

Il est facile de vaticiner que l’existence de la guérilla convient aux ennemis qui peuvent de la sorte justifier la répression envers toutes les forces d’opposition. La sophistique impérialiste tire certainement avantage de la situation actuelle mais avec ou sans guérilla elle parviendrait à justifier son intrusion (sous couvert par exemple de lutte contre narcotrafic). Bien qu’élus au suffrage électoral, les présidents Evo Morales ou Hugo Chavez ne sont pas à l’abri des menées séditieuses et de l’ingérence des forces impérialistes.

Il est inconvenant de donner des leçons de morale de l’extérieur tout comme il est inconvenant de prétendre que Cuba est en défaut par rapport aux droits de l’homme ou aux libertés fondamentales. Chaque peuple doit trouver motu proprio son chemin vers l’émancipation et défendre ses droits par les voies qui lui semblent les plus opportunes.

La méthode d’action jaillit d’une situation donnée et non de la volonté d’une direction politique. La pratique révolutionnaire doit bien entendu faire l’objet d’un examen approfondi pour servir au mieux les objectifs assignés. Les intéressés eux-mêmes sont les mieux placés pour évaluer et adapter la praxis au contexte. Ce sont les faits et non les intérêts nationaux du pays voisin qui doivent arbitrer ce débat.

Emrah KAYNAK

Messages

  • Emrah, vous avez changé le titre, c’est mieux :)

    mais le fond de l’article reste le même... après tout, c’est votre analyse et votre droit...

    • Ancien titre (non, mais, c’est trop facile !) : CHAVEZ VIREVOLTE AU GRE DE SES INTERETS

      Les commentaires de l’ancien article, qui a disparu, restent valables : l’article n’a pas changé d’un poil.

    • Il aurait été plus inspiré d’adresser sa note à la direction des FARC par un canal diplomatique.

      ... et cette phrase est toujours aussi comique !

    • Les autres commentaires de l’ancien article (CHAVEZ VIREVOLTE AU GRE DE SES INTERETS) :


      De maxime vivas

      Il y a une chose que Emrah KAYNAK semble ignorer et qu’il faut absolument qu’il comprenne : Les pieds dans nos pantoufles à Paris ou ailleurs, on ne donne pas de leçons aux soldats qui sont dans la tranchée, à portée des baïonnettes ennemies.

      Or, c’est ce qu’il fait, grondant Castro et Chavez.

      Qu’est-ce que vous savez, Emrah KAYNAK, des subtilités nécessaires des diplomaties de ces pays, de ce qui se dit et se fait en coulisse ? Rien, comme moi.

      Mais vous savez, comme chacun, que tous les révolutionnaires d’Amérique latine hésitent à se juger abruptement.

      Les Farc ne reprendraient probablement pas vos propos à l’égard de Castro et Chavez.

      Là-bas, les faux pas se traduisent traditionnellement par des invasions US ou des coups d’Etat, ou des guerres civiles pilotés depuis Washington.

      Il est probable qu’on ne dise rien et ne fasse rien à la Havane et à Caracas sans penser à ça.

      Alors, soyez plus indulgent que votre titre si mal venu. Chavez et Castro font la révolution.

      MV.


      de .... Anonyme :

      Quel titre putassier !

      Faudrait pas confondre Chavez et le petit, tout de même ! Chavez ne "virevolte" pas (vous avez déjà vu un militaire "virevolter", vous ?), il n’a pas épousé une danseuse, pardon, une chanteuse, il n’a pas d’ami Bolloré avec yatch pour aller se dorer la pilule, il ne triple pas ses revenus par "le fait du prince".

      Bref, avec ou sans erreur, Chavez a le souci du peuple de son pays, et parait à son service, encore une fois, avec ou sans erreurs.

      Le petit, lui, a le souci d’exploiter au maximum le peuple français, espérant les récompenses que voudront bien lui offrir ses commanditaires : des rêves de mafieux. Cigarettes et whisky et p’tites pépés. Le tout sur des plages à palmiers, dans des hôtels rose Barbie (la poupée), avec toute sa panoplie bling bling. Et sa dope préférée, évidemment. Les chaussures jaunes et le costard à rayures, c’est d’une autre époque, sinon il aurait. Le petit virevolte, sur ses talonnettes.

      Il n’y a rien de commun entre ces deux hommes, l’un respectable, l’autre méprisable.


      de .... Anonyme aussi :

      """Les intéressés eux-mêmes sont les mieux placés pour évaluer et adapter la praxis au contexte."""

      Mais... c’est ce qui se passe ! Les FARC font ce qu’elles veulent ! Surtout depuis les dernières trahisons, dont celle de la Croix Rouge Internationale (toujours pas de plainte déposée pour utilisation frauduleuse de ses brassards par la Colombie ?)

      Si Hugo Chavez n’a pas murmuré dans l’oreille des FARC son "conseil" mais a donné à celui-ci la plus large publicité... il y a peut-être une raison. Sainte Communauté Internationale a de grandes oreilles et des armes puissantes.

      Et les FARC ont compris que la "communication" était une arme de guerre.


      bellaciao

    • Je souligne justement le fait que personne n’est en droit de donner des leçons à des révolutionnaires que ce soit à Cuba, en Colombie ou ailleurs. Au même titre que Fidel, sur le chemin de la révolution, n’a écouté que la voie de sa conscience, les révolutionnaires d’aujourd’hui ne doivent s’astreindre qu’à leur propre raison. Prétendre qu’un dialogue est possible avec Uribe et ses escadrons de la mort est une infamie.

      L’instance de direction des FARC a au contraire répondu à Chavez via un communiqué du 15/07/08 adressé à Daniel Ortega : "notre action armée est soutenue par le droit universel et pleinement justifiée comme réponse légitime à la violence de l’Etat. Le Libertador Simón Bolívar nous a appris que « l’insurrection se proclame avec l’esprit de paix, elle est résistance au despotisme parce que celui-ci détruit la paix, et elle n’a pris les armes que pour obliger ses ennemis à la paix » et aussi il nous a dit que même même si les conséquences de la résistance au pouvoir sont graves, il n’est pas moins certain qu’un droit inaliénable existe dans la nature de l’homme social, celui qui légitime l’insurrection “. Entre subtilité et ambiguïté, il y a une distinction M. Maxime Vivas. Chavez, pour qui mon estime est immense, a fait reuve de légereté en adoptant dne position petite-bourgeoise. "Seule la vérité est révolutionnaire" disait Lenine n’est-ce pas.

      Emrah KAYNAK

    • Message àla Tricontinentale d’Ernesto Che Guevara :
      "Que de grands débats agitent le monde qui lutte pour la liberté, nous le savons tous, et tous ne pouvons le dissimuler. Que ces discussions aient atteint un caractère et une acuité tels que le dialogue et la conciliation semblent extrêmement difficiles, sinon impossibles, nous le savons aussi. Chercher les méthodes pour entamer un dialogue que les adversaires éludent, c’est une tâche inutile. Mais l’ennemi est là, il frappe tous les jours et il nous menace avec de nouveaux coups et ces coups nous uniront aujourd’hui, demain ou après demain. Ceux qui en sentent la nécessité et se préparent à cette union nécessaire seront l’objet de la reconnaissance des peuples."
      Est-ce que le Che pour qui la voie de la réconciliation était une fumisterie manquait de subtilités ?

    • Je ne vois pas en quoi les commentaires d’un journaliste d’une agence de presse, si colombienne qu’elle soit, constituent « un communiqué des FARC » ?
      Par ailleurs, comme votre vision est celle de James Petras, je vous renvoie à la longue réponse circonstanciée que je lui ai adressée au sujet des positions et des analyses de Fidel, qui ne sont pas aussi « élémentaires » que le professeur universitaire étasunien et vous-même voulez bien les présenter :

      En original français :

      http://socio13.wordpress.com/2008/07/16/jacques-francois-bonaldi-james-petras-et-ses-huit-lectures-biaisees-de-fidel/

      en traduction espagnole

      www.rebelion.org/noticia.php?id=71172

      Jacques-François Bonaldi (La Havane)

    • "Pour moi il paraît évident que Chavez est beaucoup plus proche d’un Sarkozy que d’un Morales..."

      J’ai du mal à croire que quelqu’un d’informé (ou se prétendant tel) puisse écrire des choses pareilles !!!!!

      D’ailleurs, vos conclusions sur les gouvernements progressistes qui ne sont guère pour vous que des dictatures de droite prouvent bien que votre vision de la réalité latino-amércaine part de préjugés idéologiques et en devient caricaturale.

      Dommage.

      Je comprends que l’article au ton "donneur de leçons" de Petras vous convienne.

      Mais les réalités politiques concrètes (aussi bien latino-américaines que les autres) sont nettement plus complexes que les formules à l’emporte-pièce qui émaillent les textes de Petras (et le vôtre, ici)

      Jacques-François Bonaldi

    • celui-ci s’était d’ailleurs excusé dans la foulée, regrettant de s’être "mal exprimé".

      Pouvez-vous m’indiquer où donc Fidel bat ainsi sa coulpe !!!!!!

      Jacques-François Bonaldi

    • Démontrez-moi donc que les classes sociales qui sont derrière Sarkozy sont les mêmes que celles qui sont derrière Chávez ; prouvez-moi que les objectifs politiques que poursuit Sarkozy et ses alignements internationaux sont les mêmes que ceux de Chávez, et alors je commencerais à vous croire.

      Il ne suffit pas de se dire marxiste-léniniste pour faire des analyses justes, sinon l’URSS serait toujours là...

      Mais il est toujours très facile de juger des révolutions terre à terre au nom de principes révolutionnaires tout propres perchés sur Sirius. Face aux révolutions qui doivent mettre les mains dans le cambouis, les analyses faites à partir d’un clavier européen ont toujours le beau rôle (et leurs auteurs, itou)....

      Si vous êtes marxistes-léninistes, il faudrait que vos analyses soient un peu plus fouillées.

  • "les FARCS sont pragmatiques" justement toute la force de Marx c’est d’avoir montré qu’il y a une limite au pragmatisme, c’est en ayant des principes que lénine et trotsky ont pu accomplir ce qui reste la principale réussite du mouvement ouvrier.

    Marx n’avait rien de bon à dire sur BOLIVAR, les FARCS, CHAVEZ, ET CASTRO révérent tous Bolivar, un bon marxiste devrait avoir de noubreuses critiques à faire à ceux qui s’inspirent de lui, non ?

    • En fait, notre décalage vient de ce que nous n’analysons pas les événements à partir du même lieu. Le vôtre est la France, le mien est Cuba. Or, trente-sept ans de vie en pleine Révolution cubaine m’ont appris ce qu’il vous manque, à vous et à Petras et aux « marxistes-léninistes » : l’humilité, la modestie, l’antidogmatisme, le refus des idées ou des solutions toute faites. Depuis cinquante ans, la Révolution cubaine cherche des voies à elle, sans les avoir trouvées une fois pour toutes. Vous, en revanche, vous avez apparemment des solutions en conserve pour toutes situations et des réponses prêtes à consommer à tous les problèmes. Vous appliquez vos grilles toutes théoriques aux réalités et vous comprenez tout ce qu’il faut faire et où il faut aller, en fonction d’analyses d’un dogmatisme sidérant : par exemple, Sarkozy et Chávez dans le même sac (c’est exactement ce qui pense Petras), ou encore les gouvernements progressistes (pour donner un qualificatif générique) n’ont rien à envier aux gouvernements de droite (les populations qui ont souffert, elles, de vraies dictatures militaires de droite et fascistes pendant des dizaines d’années vous riraient au nez, si le sujet n’était pas si tragique !) Trente-sept ans de Révolution cubaine m’ont appris que les révolutions réelles, celles qui se collettent avec le réel bien quotidien, les pieds dans la gadoue et les mains dans le cambouis, sont bien plus difficiles à faire, puis à maintenir et à faire cheminer que vos révolutions de papier. C’est précisément l’immodestie prétentieuse de Petras qui m’a irrité et qui m’a poussé à dénoncer une posture bien commode, à plus forte raison quand, pour tirer la couverture à soi, il fait dire à l’adversaire ce qu’il n’a pas dit. Votre « marxisme-léninisme » est au moins aussi dogmatique que celui que vous dénoncez chez les staliniens. Quand je songe aux analyses étonnamment lucides, fouillées, minutieuses, riches d’un Marx sur la situation en France ou d’un Lénine sur la situation en Russie dans les années précédant la Révolution d’octobre, pour ne prendre que deux exemples, je me dis que vous n’avez pas appris grand-chose ni de l’un ni de l’autre en matière d’analyses des réalités concrètes.

      De même, votre vision de Bolivar comme emblème de la bourgeoisie et donc statue à abattre si l’on veut être révolutionnaire pur et dur part d’une ignorance de ce que le Libertador peut signifier à l’époque contemporaine quand on parle d’unité latino-américaine et surtout d’intégration latino-américaine. Mais vous ne savez pas, et je ne peux pas vous en faire reproche vu le lieu d’où vous pensez et écrivez, à quel point les nations latino-américaines – et celles du Tiers-monde en général – ont précisément besoin de récupérer leur propre histoire si souvent enterrée ou dénaturé par leur bourgeoisie et, dans le cas latino-américain, par l’impérialisme étasunien. Reste juste à savoir de quel passé il faut faire table rase. Je suppose qu’un José Martí, pas marxiste pour deux sous, devrait selon vous avoir passé depuis longtemps dans les oubliettes de l’Histoire et que vous comprenez mal qu’une Révolution cubaine marxiste-léniniste puisse le revendiquer haut et fort !

      Nouvelle preuve que les choses ne sont pas si simples…

    • "Un point sur lequel on est d’accord, c’est que Cuba n’a pas trouvé les voies de la révolution, et on n’en prend certainement pas le chemin avec le remplacement de Fidel par Raul."

      Ne me faites pas dire ce que je ne dis pas ni ne pense : je dis que la Révolution cubaine (qui est une révolution pour de bon, croyez-moi) a dû évoluer en fonction des circonstances changeantes (tant internes qu’extérieures) tout en maintenant le cap sur ce qui est son axe majeur : une société de justice sociale.

      Je ne vous reproche pas de PARLER, mais de juger de haut à partir d’a-prioris et maheureusement de préjugés.

      Les révolutions pour de bon sont bien plus complexes que les révolutions de papier.

      J’attends toujours que vous m’expliquiez en bonne théorie marxiste-léniniste en quoi Chávez est semblable à Sarko et en quoi les gouvernements de gauche en Amérique latine font a peu près les mêmes choses que les dictatures de droite...