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François HOUTART : VALEUR D’USAGE contre VALEUR D’ECHANGE

Publie le lundi 14 janvier 2008 par Open-Publishing
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VALEUR D’USAGE contre VALEUR D’ECHANGE

C’est souvent que j’évoque la nécessité de donner priorité à la valeur d’usage sur la valeur d’échange. Notamment pour renforcer et étendre la logique de service public dégagée de la logique marchande qui la recouvre et pervertie.

Voir par exemple "Réorienter les services publics pour satisfaire les besoins popûlaires dans les quartiers délaissés" par Christian DELARUE

 https://bellaciao.org/fr//?page=art...

Ces réflexions s’insère dans "l’économie de la démarchandisation" élaborée notemment par Jean-Marie HARRIBEY, Stéphanie TREILLET et d’autres camarades "économistes critiques" d’ATTAC.

Pour varier les expressions je laisse la parole ici à François HOUTART dans l’extrait ci-dessous.

Christian DELARUE
Membre du CA d’ATTAC France

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Extrait de Pour un socialisme du XXle siècle - [Alternatives International] mercredi 12 septembre 2007 par François HOUTART

http://alternatives-international.net/article1194.html

DONNER LA PRIORITE A LA VALEUR D’USAGE SUR LA VALEUR D’ECHANGE

Ces concepts ont été élaborés par Marx et sont passés dans le langage commun. La valeur d’usage est celle qu’ont des produits ou des services pour l’utilisation des personnes et la valeur d’échange est celle que ces éléments acquièrent quand ils entrent dans le marché. Or, la caractéristique du capitalisme est de privilégier la valeur d’échange, comme moteur du développement économique. C’est logique, car seule la valeur d’échange permet de faire du profit et donc de mettre en route un processus d’accumulation.

Il en résulte une naturalisation du marché, qui n’est plus considéré comme un rapport social. La priorité du marché devient un dogme, dont tout le reste découle automatiquement. Le marché, ou la loi de la valeur, impose sa logique à l’ensemble des rapports humains collectifs et à tous les des secteurs d’activité. Sa loi s’applique y compris dans des secteurs tels que la santé, l’éducation, le sport, la culture. Une telle logique exclut d’autres paramètres, notamment de type qualitatif, telle que la qualité de la vie ou encore ce qu’on appelle des externalités, c’est-à-dire tout ce qui précède ou qui suit le rapport marchand et qui permet à un ensemble de coûts de ne pas être comptabilisés. Donner la priorité à la valeur d’usage signifie donc privilégier l’être humain sur le capital. Une telle priorité comporte une série de conséquences. On peut en citer un certain nombre.

Si la valeur d’usage est prédominante, on allongera la durée de vie des produits, ce qui, selon Wim Dierckxsens comporte de nombreux avantages. En effet, pour accélérer la rotation du capital et contribuer à l’accumulation, la vie des produits a été réduite. Leur allongement permettrait d’utiliser moins de matières premières et moins d’énergie, de produire moins de déchets et donc de mieux protéger l’environnement naturel. Il permettrait aussi de diminuer l’influence du capital financier.

La même logique permettrait d’accepter des prix différentiels pour les mêmes produits, industriels ou agricoles, selon les régions du monde. Actuellement, la loi du marché exige que l’on s’aligne mondialement sur les prix les plus bas, notamment en agriculture, c’est-à-dire ceux des régions qui pratiquent une agriculture productiviste de type capitaliste (souvent également subsidiée et donc entrant dans une politique de dumping). En effet, des arguments liés à la valeur d’usage peuvent justifier des prix différents, qui contredisent le dogme du marché. Pourquoi faut-il que le riz ait le même prix aux Etats-Unis ou à Sri Lanka, si dans ce dernier pays le riz fait partie de l’histoire et de la culture et si sa production est une exigence pour la souveraineté alimentaire. De telles considérations n’entrent pas dans la logique du marché, mais bien dans celle de la valeur d’usage.

On pourra aussi relocaliser les productions et éviter de nombreux coûts de transport, qui sont dommageables pour l’environnement et provoquent dans de nombreux endroits du monde une congestion des voies communication et même une paralysation des routes et autoroutes.

Valoriser la valeur d’usage permettra également de favoriser l’agriculture paysanne, elle-même pourvoyeuse d’un emploi important. Si nous prenons le secteur des services, on se rend compte que l’éducation sera redéfinie prioritairement en fonction des personnes et non pas du marché et que la production de médicaments devra s’effectuer en rapport avec les maladies existantes dans l’ensemble de l’univers et non pas en fonction de la rentabilité de leur vente.

Prioriser la valeur d’usage signifie donc se centrer sur la vie humaine. Il sera impossible de laisser pour compte 20 ou 30% de la population mondiale vivant dans l’indigence, parce qu’elles constituent des « foules inutiles », ne contribuant pas à produire une valeur ajoutée et n’ayant pas de pouvoir d’achat. Elle permettra aussi de ne pas vulnérabiliser le reste des populations, en dehors des privilégiés, car ce sont les besoins humains qui deviennent le moteur de l’économie. Inévitablement cela signifie également l’établissement de mécanismes de redistributions de la richesse et la généralisation de la sécurité d’existence.

Une telle perspective exige évidemment une nouvelle philosophie de l’économie. On ne peut plus définir l’économie simplement comme une activité produisant de la valeur ajoutée, mais on devra revenir à sa définition fondamentale qui est de produire la base matérielle nécessaire à la vie physique, culturelle et spirituelle de tous les êtres humains dans l’ensemble de l’univers. Finalement cela débouche sur une éthique de la vie, c’est-à-dire la nécessité d’assurer la base vitale pour tous. Dans une certaine mesure le socialisme avait réalisé ce changement de perspectives, mais il fut rapidement submergé par le désir d’entrer en compétition avec le capitalisme.

Lire la suite sur :
 http://alternatives-international.n...

Comme critères d’une autre production : Cf. « Une autre économie orientée vers le développement humain »

 http://rennes-info.org/Une-autre-ec...

Messages

  • Extrait de Réorienter les services publics...

    http://bellaciao.org/fr/?page=article&id_article=57185

    a - Le marché fait circuler un type particulier de richesse : ce sont des marchandises. Avant de distinguer les "productions" utiles et les inutiles ou les nuisibles - distinction également utile - il importe de différencier au sein des "productions" (cf. Jacques Gouverneur) *celles qui sont marchandes et celles qui sont non marchandes .

    b - Le marché assure plus la distribution de *valeurs d’échange que celle des valeurs d’usage.

    c - et ce par l’intermédiaire de *prix *(de marché) et non de *tarifs* *(lesquels peuvent donner lieu à péréquation) . Le terme tarif est ici employé en un sens générique : il peut s’agir aussi de taxes, de redevances, etc.

    d - Le marché fonctionne à la concurrence et à la "loi de la jungle" alors que le service public obéit à une décision politique et administrative qui laisse donc place à une certaine maîtrise ou la composante démocratique n’est pas une conquête utopique ;

    e - Via le marché le capital s’adresse à des clients et non à des usagers * ; et ce n’est pas qu’une question de terminologie.

    f - L’objectif du capital dans la sphère marchande est avant tout le *profit *et non la satisfaction des *besoins* sociaux.

    g - A l’offre marchande doit correspondre une demande solvable* (pour un économiste), une capacité financière (pour un commercial) ; voilà ce qu’est un client, un consommateur alors que le service public s’il n’est pas nécessairement gratuit est dans sa logique profonde porteur d’une adaptation tarifaire aux capacités contributives.

    h - Le marché génère des inégalités* alors que la logique sociale et territoriale des services publics se veut *redistributrice et correctrice* des inégalités.

    i - Le marché est aveugle,* les entreprises et le capital ont souvent une courte vue alors que le service public peut voir large et loin. Il peut pleinement intégrer les considérations écologiques et environnementales.