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Guantanamo "Beaucoup trop de secrets dans cette base, une enquête américaine s’impose" - Interview d’Eugene Fidell
Publie le mercredi 22 février 2006 par Open-Publishingpar Carlo Bonini, La Repubblica, Italie, 17 février 2006 (édition papier)
Translated from Italian in English by Diego Traversa, revised by Mary Rizzo, member of Tlaxcala, the network for linguistic diversity www.tlaxcala.es
Traduit en français par BB pour Quibla. Cette traduction est en Copyleft.
L’avocat Eugene Fidell, président de l’Institut National de Justice Militaire est un des juristes US les plus estimés et considérés dans les cours de justice militaire. Ces quatre dernières années, son nom et celui du cabinet d’avocats de Washington dont il fait partie (Feldesman Tucker Leifer Fidell LLP) ont été associés à celui de Guantánamo et sa prison. Il connait très bien cette prison d’outre-mer ainsi que les procédures qui la régissent et, depuis déja un certain temps il en fait une critique sévère et passionnée aussi bien dans les milieux juridiques qu’universitaires. Défenseur de James Yee, un aumônier musulman de l’armée US qui avait été sollicité pour servir de guide spirituel aux détenus de Guantanamo avant d’être accusé injustement d’espionnage et de trahison et de quitter cette même base enchaîné et en combinaison orange, Fidell a pu mesurer la violence physique et psychologique au Camp Delta. Il dit aujours’hui que "Le temps est venu de fermer cette prison une fois pour toutes."
Le rapport de l’ONU demande la même chose
"Bien sûr. Qui plus est, je l’exige en tant qu’Américain. Et, à lire les dizaines des courriers électroniques que j’ai reçu depuis ce matin, je pense ne pas être la seule personne dans ce pays à être profondément gênée par la lecture des 54 pages du document de l’ONU."
’De l’histoire ancienne" selon la Maison Blanche
"Vraiment ? Au contraire, je crois que ce rapport n’est pas une carte d’anniversaire mais quelque chose de grave. Très grave. Ce document fait de la mise en place d’une commission d’enquête indépendante une nécessité. Car l’Amérique a le droit de savoir ce qui s’est passé ces quatre dernières années à Guantanamo et ce qui s’y passe encore aujourd’hui. Cette commission doit pouvoir établir les faits de manière transparente et complète. J’ajouterai que, dans l’attente de la fermeture de Guantanamo, le rapport onusien insiste pour qu’un contrôle permanent des conditions de détention soit mis en place immédiatement à l’intérieur de la prison. Je pense à une sorte de médiateur, à un défenseur des droits civiques qui ne porte pas l’uniforme de l’Armée US. Ce pourrait être un ancien juge de la Cour d’Appel Fédérale. "
Le gouvernement émet une objection au sujet de la fiabilité du rapport de l’ONU : le refus par les observateurs de visiter la prison avant d’apposer leurs conclusions dans le rapport final.
"Cette objection est inepte. Je considère comme parfaitement sensé le refus des rapporteurs d’accepter comme condition à leur visite l’interdiction d’avoir un contact direct avec les prisonniers. Plutôt que de poser des interdictions, je pense que l’Administration nous doit quelques explications. Au sujet de ce qui se passe dans cette prison pour ne parler que de cela, de même que sur la nature et le résultat des procédures disciplinaires qui ont touché des militaires US accusés d’avoir maltraité des détenus à Guantanamo."
Des procès sont-ils en cours ?
"Des sources crédibles m’on informé de plusieurs procès en cours. Le problème est que personne ne connaît l’objet et le nombre de ces procédures, ni les circonstances qui les ont provoquées. Nous ne savons tout simplement rien. J’ajoute que ce silence est encore plus insupportable maintenant que l’ONU a employé un mot aussi clair que "torture".
Etudié de plus près, le rapport de l’ONU dit plus encore. Qu’aucune base légale n’autorise aujourd’hui les USA à maintenir le site de Guantanamo où la justification de son caractère "exceptionnel".
"Aucun doute à ce sujet. Et cela veut dire qu’en dépit de ce que croit l’Administration, il n’existe actuellement à Guantanamo aucune des dispositions garantissant le respect, même partiel, des principes de l’habeas corpus des prisonniers. Un fait qui nous ramène encore au problème fondamental que pose le rapport : les USA ont-ils réellement besoin de la prison de Guantanamo ? Existe-t-il des raisons quelconques de la maintenir ? La réponse, qui peut sembler évidente aux yeux d’un Européen, ne l’est pas du tout chez nous."
Apparemment vous vous attendez à voir la Maison Blanche persister dans la même voie.
"Je n’aime pas annoncer des évolutions que je ne peux qu’essayer de deviner, même s’il n’est pas difficile de prévoir une réaction négative. Alors je préfère penser que ce rapport sur Guantanamo peut être la énième chance de réfléchir sur l’impact concret et symbolique de Guantanamo sur les sentiments et l’état d’esprit des Musulmans comme de nos amis Européens. Beaucoup d’Américains continuent à se demander "Pourquoi nous détestez vous ?" J’ai une suggestion de piste de réponse ; il suffira de mesurer dans les jours et semaines qui viennent, l’effet symbolique et de synergie que le rapport aura au Moyen-Orient. Entre autres parce que ces 54 pages arrivent pendant le point culminant des protestations contre les caricatures et à peine 24 heures après les nouvelles images dérangeantes d’Abu Ghraib. On peut tout faire, sauf agir comme si rien ne s’était passé."
English version : http://peacepalestine.blogspot.com/...