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Hanovre comme Abu Ghraib, jusqu’en ’47

Publie le jeudi 22 décembre 2005 par Open-Publishing

Des archives britanniques pointe une prison secrète dans l’Allemagne occupée : des centaines de prisonniers, des tortures et des morts. Outre les ex nazis, des communistes et des membres de la gauche furent victimes de sévices dans le pénitencier. Les détenus arrivés en cellule par hasard furent nombreux

de FAUSTO DELLA PORTA Traduit de l’italien par karl&rosa

Le Foreign office n’a pas encore consenti à la publication des photos prises par ceux qui furent qualifiés de "squelettes vivants". Mais même sans l’aide des images, la réalité d’un camp de détention et de torture dans l’Allemagne nord occidentale géré par des militaires britanniques et opérationnel jusqu’en 1947 est venu au jour dans toute sa crudité grâce à des documents déclassifiés - après 60 ans, comme le prescrivent les normes du Freedom of information act rendus publics hier par le Guardian.

Ainsi, Bad Nenndorf a soudain cessé d’être le nom d’une élégante petite ville thermale dans les environs de Hanovre pour devenir le lieu où des centaines de prisonniers - au début presque exclusivement des nazis et des membres des SS, ensuite des suspects agents soviétiques, des Allemands aux sympathies de gauche et des dizaines de personnes capturées "au hasard " - étaient battus, torturés et qu’on laissait souvent littéralement mourir de faim. Une prison dont les pratiques et l’organisation ressemblent en de nombreux points à ce qui sera expérimenté 60 ans plus tard dans la prison d’Abu Ghraib, le pénitencier de Bagdad où a explosé le plus récent "scandale des tortures".

La prison des horreurs - selon les documents officiels cités par le quotidien londonien - était gérée par une organisation spéciale appelée Combined services detailed interrogation center (Csdic). Des documents officiels découverts le mois dernier dans l’archive nationale de Kew, au sud-ouest de la capitale britannique, avaient déjà mis au jour la London cage, la cage de Londres, un centre de torture secret où des prisonniers allemands, après avoir été effacés des listes de la Croix rouge, étaient battus, privés de sommeil, menacés de mort ou d’opérations chirurgicales non nécessaires. Mais les conditions de détention de Bad Nenndorf - rapporte le Guardian - étaient bien pires.

Selon les documents du ministère des affaires étrangères de sa majesté, pendant les 22 mois où le "lager" resta opérationnel, jusqu’au juillet 1947, y passèrent 372 hommes et 44 femmes systématiquement battus, exposés au froid extrême, certains qu’on laissait mourir de faim, d’autres torturés avec des instruments soustraits à une ancienne prison de la Gestapo de Hambourg. Cette réalité déconcertante émergea après une enquête réalisée par un investigateur de Scotland Yard, Tom Hayward, à la suite des dénonciations de James Morgan Jones, un major de l’artillerie royale, et d’un médecin identifié comme le docteur Jordan. "Il y a une quantité de prisonniers contre lesquels aucun chef d’accusation n’a été formulé - remarquait l’inspecteur Hayward - et l’unique raison de leur détention semblerait celle d’être des citoyens d’un pays encore nominalement en guerre contre nous".

Mais depuis la fin de 1946, comme le démontrent les documents, le centre semble aussi avoir été utilisé en fonction anti-communiste : y étaient détenus des suspects agents de la Nkvd russes, tchèques et hongrois, mais aussi des représentants de la gauche allemande. "Parmi les habitants de la Niedersachsen - continue le récit du journal - Bad Nenndorf devint connu comme das verbotene Dorf, le village interdit". "Tout prisonnier refusant de collaborer pendant les interrogatoires était amené dans une cellule de punition où il était déshabillé et plusieurs fois immergé dans l’eau, même avec des températures en dessous de zéro. D’autres prisonniers étaient menottés dos à dos et laissés devant des fenêtres grand ouvertes en plein hiver".

L’enquête de Hayward amena devant la cour martiale le colonel Robin Stephens, le capitaine John Smith et l’un des chargés des interrogatoires, le lieutenant Richard Langham. La plupart des sergents - ceux qui tabassaient et torturaient matériellement - furent pardonnés en échange de l’aveu des horreurs de Bad Nenndorf.

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